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A.2 Étude de différents cations alcalins

2.3.6 Liaisons hydrogène

Liaisons hydrogène eau-eau et eau-zéolithe : Nous avons montré que l’eau confinée dans le nanopore de zéolithe hydrophobe présente une structure similaire à l’eau liquide, une dynamique fortement ralentie mais de même nature (notamment en ce qui concerne le mécanisme de rupture et de formation des liaisons hydrogène) et un moment dipolaire finalement assez proche de l’eau

bulk. Ayant également étudié par des simulations classiques la dynamique du réseau de liaisons

hydrogène de l’eau, il est intéressant d’effectuer une comparaison avec les informations que rend disponibles la dynamique ab initio. Tout d’abord, nous pouvons décompter les liaisons hydrogène présentes dans le système en utilisant le critère géométrique déjà explicité (voir figure 2.2.3). Le tableau 2.10présente le nombre de liaisons hydrogène eau-eau et eau-zéolithe dans l’eau confinée ainsi que dans l’eau bulk. On observe très peu de liaisons eau-zéolithe, tandis que le nombre de liaisons eau-eau par molécule est peu différent dans l’eau confinée par rapport à l’eau bulk (∼ 0, 3). Cette faible différence, malgré le fait que la plupart des molécules d’eau soient proches de la surface interne de la zéolithe (environ 85% des molécules sont à moins de 5 Å d’un atome de zéolithe), confirme l’idée que la nanogoutte d’eau confinée s’auto-organise en « refermant » son réseau de liaisons hydrogène sur elle-même de manière à augmenter son énergie de cohésion. Ces résultats sont en accord avec les simulations effectuées par Ohba et al. sur l’eau confinée dans des nanopores hydrophobes de carbone, avec un modèle classique d’eau (TIP5P).[110] En effet, Ohba

et al. ont montré l’existence, à l’intérieur des pores de graphite, d’agrégats d’environ 10 Å dont

l’énergie de cohésion est importante. Ces agrégats ont des caractéristiques semblables à celles de la nanogoutte d’eau confinée que nous observons dans la zéolithe hydrophobe.

La faible quantité de liaisons hydrogène eau-zéolithe observées nous a amené à étudier plus en détail la nature de cette interaction. Nous avons notamment cherché à estimer la durée de vie de ces alignements OeauHOzéo et des liaisons hydrogène OeauHOeau. Pour cela, nous avons calculé

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2 t (ps) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 C(t) / C(0)

Figure 2.32 : Fonctions d’autocorrélation C(t) de l’existence d’une liaison hydro-gène donnée en fonction du temps (i.e. probabilité qu’une liaison hydrohydro-gène qui existait au temps t0 existe encore au temps t0+ t). Les courbes présentées sont celles des liaisons hydrogène eau-eau ( : pour l’eau bulk ; : pour l’eau confinée) et eau-zéolithe ( : pour l’eau confinée).

la fonction d’autocorrélation Cαβ(t) de l’existence d’une liaison hydrogène entre Oα et Oβ. Cette fonction est définie par

Cαβ(t) =hχαβ(0)χαβ(t)i

où χαβ(t) est la fonction caractéristique d’existence d’une liaison hydrogène OαOβ. Les fonctions d’autocorrélation COeauOeau(t) et COeauOzéo(t) sont présentées sur la figure 2.32. On peut voir que la durée de vie des liaisons H eau-eau est similaire dans l’eau bulk et dans l’eau confinée. Quantita-tivement, on montre que, bien qu’ayant des déclins initiaux différents, la durée de vie des liaisons hydrogène est proche dans les deux cas : 1, 5 ps (±0, 2 ps). Bien que ce ne soit pas directement comparable aux résultats de réorientation de l’eau présentés précédemment (section 2.2.3), on peut noter que ces durées de vie semblent en désaccord avec les résultats des analyses plus com-plètes effectuées sur les simulations classiques d’eau confinée. Une statistique plus étendue serait nécessaire pour pouvoir mener ici l’analyse complète et calculer les contributions de réorientation locale et de changement de partenaire sur la durée de vie de la liaison hydrogène.

Caractérisation de la liaison eau-zéolithe : La durée de vie de la liaison hydrogène eau-zéolithe, quant à elle, est nettement plus brève : elle est de l’ordre de 120 fs. Cette faible durée de vie, couplée au petit nombre de liaisons observées avec notre critère géométrique, nous conduit à proposer que cette liaison hydrogène eau-zéolithe soit très faible. Les alignements OeauHOzéopeuvent alors être vus comme l’orientation occasionnelle et éphémère d’une molécule d’eau vers la zéolithe, dans une configuration qui n’est que très peu stabilisée. Pour confirmer cette observation, nous avons étudié trois grandeurs permettant de caractériser la force d’une liaison hydrogène : l’élongation de la liaison OH de l’eau, la fréquence de vibration de cette liaison ainsi que le tenseur de polarisabilité atomique de l’atome d’hydrogène impliqué. Je vais maintenant présenter ces analyses.

Dans un premier temps, nous nous intéressons donc à l’élongation de la liaison OH des molécules d’eau liées (selon notre critère géométrique) à la zéolithe. J’ai pour cela calculé la longueur des

0.9 0.95 1 1.05 1.1

dOH (Å)

Distribution totale H lié à la zéolithe H non lié à la zéolithe Molécule isolée

Figure 2.33 : Distribution des longueurs de liaison OH des molécules d’eau confinée liées à la zéolithe. Les contributions dues aux H liés à la zéolithe ( ) et non liés à la zéolithe ( ) sont séparées. La distribution totale ( ) et la longueur de liaison OH de la molécule isolée ( ) sont également présentées.

liaisons OH des molécules d’eau liées à la zéolithe. Leur distribution est présentée à lafigure 2.33, en séparant les longueurs des liaisons selon qu’il s’agit de l’hydrogène lié à la zéolithe (noté H) ou non. On peut voir que ces deux distributions sont bien distinctes, la liaison OH étant plus courte que les autres liaisons OH, impliquées dans une liaison hydrogène eau-eau. On voit même que la longueur de la liaison OH est sensiblement la même que celle de la liaison OH d’une molécule d’eau isolée.

Pour compléter cette analyse, nous avons étudié une propriété plus sensible que la longueur de la liaison OH, dont la variation est assez faible. J’ai ainsi étudié la fréquence νOH de la vibration d’élongation de la liaison OH. J’ai mesuré la corrélation entre la fréquence de vibration νOH de chaque liaison OH et le temps pendant lequel l’atome H est impliqué dans des liaisons hydrogène avec la zéolithe ou une autre molécule d’eau. Lafigure 2.34 présente le résultat de cette analyse, effectuée sur les 19 molécules d’eau confinée dans la cage α de zéolithe. On peut observer que la corrélation entre la fréquence νOH et l’implication du groupe OH dans des liaisons hydrogène est très importante. Plus l’hydrogène est impliqué dans des liaisons H eau-eau, plus la fréquence de vibration est faible, la liaison H eau-eau affaiblissant la liaison OH. Par ailleurs, et c’est le point qui nous intéresse le plus, les groupes OH impliqués dans des liaisons hydrogène avec la zéolithe présentent tous des fréquences de vibration élevées, au-delà de 2 350 cm−1.

Enfin, en plus des raisons liées à la dynamique du système, il existe un moyen direct de sonder la force d’une liaison hydrogène en se basant sur une propriété électronique : le tenseur de polarisa-bilité atomique de l’atome d’hydrogène, déjà présenté à lasection 1.2.5. Celui-ci correspond à la variation de la polarisation du système lorsque l’on déplace l’atome d’hydrogène, et sa structure Celle-ci peut être obtenue à partir de la dynamique ab initio pour chacune des liaison OH en calculant la transformée de Fourier de la distance OH : F (ω) = R dt exp(iωt)dOH(t). La fréquence de vibration νOH de la liaison OH considérée correspond alors à la pulsation ωmaxpour laquelle F (ω) est maximale.

2100 2200 2300 2400 Fréquence de la vibration OH (cm1) 0 20 40 60 80 100

% de temps passé en liaison H

Liaison H avec la zéolithe Liaison H avec l’eau

Figure 2.34 : Corrélation entre la fréquence de vibration des liaison OH et leur implication dans des liaisons hydrogène eau-eau (cercles rouges) et eau-zéolithe (triangles bleus). L’implication d’un groupe OH dans des liaisons hydrogène est mesurée par la fraction du temps de simulation pendant lequel ce groupe OH participe aux dites liaisons H.

est fortement liée à l’existence de transferts de charge. Dans le cas d’une liaison hydrogène, le transfert de charge est directionnel et entraîne une forte anisotropie du tenseur de polarisabilité. Cette anisotropie peut être caractérisée en construisant, à partir du tenseur de polarisabilité M, un autre tenseur K qui est symétrique et peut être représenté graphiquement :

Kαβ =X k MαkMβk =X k  ∂Mk ∂Rα   ∂Mk ∂Rβ 

où M = (Mk)1≤k≤3 est la polarisation totale du système. Lafigure 2.35représente le tenseur K de chacun des atomes d’un dimère d’eau, en présentant chaque tenseur K comme un ellipsoïde formé par ses vecteurs propres et valeurs propres. Les tenseurs de polarisabilité atomique des atomes d’hydrogène ont été calculés pour une cinquantaine de configurations extraites de la dynamique moléculaire de l’eau confinée et de l’eau bulk, et les caractéristiques des tenseurs K qui en dé-rivent sont présentées dans le tableau 2.11. On peut voir que l’anisotropie due aux liaisons H est bien présente dans le cas de l’eau bulk mais également dans l’eau confinée pour les liaisons eau-eau (toujours définies selon notre critère géométrique). Dans le cas de la « liaison hydrogène » eau-zéolithe, l’anisotropie est beaucoup plus faible. De même, l’angle que fait l’axe principal du tenseur K avec l’axe HO (non présenté ici) est en moyenne nettement plus grand pour la liaison eau-zéolithe, ce qui souligne la moindre directivité du tenseur dans ce cas.

Tous ces éléments nous poussent à conclure que les alignements OeauHOzéo qui se produisent lorsque de l’eau est présente dans une zéolithe hydrophobe ne correspondent pas à une liaison hydrogène au sens où l’entend le chimiste. Ceci est en bon accord avec les mesures expérimentales de DRIFT (diffuse reflectance infrared Fourier transform spectroscopy), qui soulignent que l’in-teraction entre l’eau confinée et les atomes d’oxygène de la charpente zéolithique est faible pour

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