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2. Pratiques et usages de l’espace habité :

2.2. Habitat et pratiques habitantes :

2.2.1. Les pratiques sociales :

On désigne par pratiques sociales : « l’ensemble des comportements plus ou moins intériorisés et des activités domestiques et/ou sociales qui construisent l’identité sociale de l’individu (ou du groupe). Cet ensemble de comportements peut être explicité à partir d’un certain nombre de déterminants et de variables tels que les ressources et les contraintes qui pèsent sur l’individu (ou du groupe), dont l’agencement et la hiérarchisation sont conçus selon un système de valeurs ou un modèle de référence et qui renvoient explicitement ou non aux rapports sociaux de production et de

consommation»  De Certeau. M, 1990, p80

De cette définition deux aspects essentiels sont retenus : l’un concerne l’évolution des valeurs à travers le temps, ce qui peut entrainer un changement dans le mode de vie donc dans les pratiques et par la suite rompre l’équilibre du système. L’autre concernant le rôle et le poids des modèles culturels dans l’élaboration des pratiques sociales.

Utilitas (utilité)

Comoditas (commodité)

Jean Charles Depaule définit la pratique sociale, à travers un certain nombre d’activités concrètes ayant une influence sur la vie quotidienne tel que : le travail, le non travail, la consommation, la fréquentation, les trajets, les relations sociales, les rites et les représentations. Il explique que la pratique sociale « n’est ni l’effet d’automatismes immuables ou l’exécution de stéréotypes, ni le jaillissement d’une pure « créativité » toujours renouvelée, malléable et vierge d’expériences ou de

conformation, voire de conformisme.» Depaule J.C, 1999, p161

Cependant, la pratique sociale reflète le système social dans lequel elle est forgée et engendrée, à partir d’un certain nombre de facteurs structurants tel que : les normes et les valeurs sociales et religieuses, les rites et les traditions, qui conduisent à la création d’un modèle culturel et un mode de vie propre à chaque société. Ce model représente le fondement des pratiques sociales, que l’habitant va projeter dans son univers quotidien qui est son espace habité. Ces pratiques occupent ainsi un stade intermédiaire entre les modèles culturels et l’espace.

Les modèles culturels : Cette notion est composée de deux mots :

-Le model : qui est défini comme :

 Ce qui est donné pour servir de référence, de type.

 Ce qui est donné ou choisi pour être reproduit.

-La culture : qui représente l’ensemble des structures sociales, religieuses, des manifestations intellectuelles, artistiques, qui caractérisent une société.

Selon le sociologue québécois Guy Rocher, 1969,elle est « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte. » In  http://fr.wikipedia.org/wiki/Culture

Ainsi la culture va configurer un certain nombre de comportements partagés, reflétant le mode de vie d’un groupe et d’une société.

La notion de modèles culturels s’est développé à la fin des années 1960 dans un contexte de critique du mouvement moderne à travers la crise des grands ensembles en Europe.

Les modèles culturels se définissent comme « ces manières de faire, voire de bonnes manières, des modes opératoires, des recettes, qui préforment les pratiques de tout un chacun dans une société.»

 Segaud.M, 2007, p96

P.Bourdieu utilise le concept d’habitus qui est central dans sa théorie et qu’il définit comme : « un système de dispositions durables, structures restructurées, prédisposées à fonctionner comme

structures structurantes, c'est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de

pratiques et de représentations... » Bourdieu.P, 1972, p175

L’habitus est intériorisé par un individu au cours de son éducation, apprentissages et expériences dans la vie. Il sert à structurer ses actions et ses comportements dans les diverses situations confrontées. Cette diversité conduit à son tour, à renforcer les habitus et à reproduire les pratiques.

Les modèles culturels sont définis par N.Haumont comme des structures historiquement situées, relativement unifiées et partagés par l’ensemble d’une population d’une culture donné. Cependant, l’individu, dès son enfance, va se trouver dans un espace (celui de son habitation), avec lequel il va se familiariser à travers le temps et dans lequel il apprendra progressivement à reconnaître son «coin » où peut régner certain désordre, à distinguer les espaces propres des espaces sales, à ranger ses affaires etc.; de manière globale à exercer ses pratiques donc habiter. Cet ensemble de pratiques relatives à des modèles culturels inculqués par l’éducation vont développer chez lui une compétence, qui lui permet d’agir sur son espace et lui attribuer une organisation socialisée. A cet effet, « l’espace habité n’est donc ni neutre homogène, il possède des significations qui sont liées à

l’ensemble de l’existence de l’habitant. » Haumont.N, 1968, p181

Segaud.M, 2007 considère les modèles culturels comme des éléments qui participent à donner de la qualité à l’espace, parce qu’ils servent de guides pour nos pratiques qui s’exercent dans l’espace.

H.Raymond, affirme que chaque nation a ses modèles propres à travers lesquels se manifestent ses besoins. Malgré l’universalisation de ces besoins (manger, dormir, se procréer,...), la manière de les pratiquer diffère d’une société à une autre suivant la variété des modèles culturels ; le Japonais ne dort pas comme le Français, l’Allemand ne cuisine pas comme l’Espagnol. L’intérêt est donc orienté vers l’étude de ces manières, tout en déterminant les espaces dans lesquels ces activités se déroulent. Il critique ensuite la conception des logements des grands ensembles, en affirmant qu’elle est basée sur la réduction d’espaces, relativement aux besoins ,et non pas en rapport avec les modèles culturels. Ainsi, « des modèles culturels et du mode de vie, constantes fondamentales du travail de la représentation spatiale jusqu’au logement, et de ce logement à l’habitat proprement dit, il reste aujourd’hui à trouver ce langage commun qui dans la maison, exprime dans des formes

socialement acceptées le langage spatiale des pratiques... » Raymond.H, 1974, p55 

Cela nous éclaire sur l’importance des modèles culturels donc des pratiques sociales à travers lesquels l’habitant donne significations à son espace vécu ; d’où la nécessité de leurs prises en considération dans la conception de l’habitat. En effet, ce n’est que « par la prise en compte, dans

la conception de l’habitat, des modèles propres à chaque société à un moment donné, que l'on permettra à l'habitant de mettre en œuvre sa compétence, c’est à dire d’habiter" et non pas d'être "logé" ». Haumont.N, 1968, p201

A cet effet, le rôle de l’architecte consiste à : « adapter l’habitat aux transformations des modes de vie en tenant compte des modèles culturels qui commandent l’organisation de l’espace.»

Haumont.N, 1968, p190

Enfin, l’habitat doit être pris dans un sens large n'excluant ni les facteurs sociaux, culturels, économiques et environnementaux.