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2. Pratiques et usages de l’espace habité :

2.1. Le triplet : besoin, usage et pratique:

2.1.2. L’usage :

Selon le dictionnaire Larousse, le mot usage vient du latin « Usus » et qui signifie :

 L'action, le fait de se servir de quelque chose. (L’utilisation)

 Une pratique habituellement observée dans un groupe, une société.

Logement Réception et vie sociale Préservation du moi Protection de la personnalité Constitution de l’unité familiale

Du point de vue social, le mot évoque une expérience acquise soit du monde, de l’habiter, de la vie avec les autres .Cette expérience est «au départ, une découverte, une mise à l’épreuve, une création maitrisée et partagée, une pratique sociale, coutume qui peut se figer ou évoluer avec les rencontres d’autres expériences. (L’usage peut aussi renvoyer à des comportements réguliers, organisés, cas des attitudes collectives fluctuantes inattendues, novatrices selon G.Gurvitch). »  Weiller. D, 2000, p19

En architecture, l’usage avait son importance depuis l’antiquité étant l’un des trois critères fondamentaux énoncés par Vitruve dans sa définition de l’art de bâtir : “Frimitas” (solidité), “Utilitas” (utilité),“Venustas” (beauté).Ensuite, le terme a connu une évolution terminologique à travers les diverses théories architecturales, depuis “l’Utilitas” de Vitruve signifiant l’utile, vers le terme “Comoditas” d’Alberti pendant la renaissance, évoqué dans son livre IV et qui signifie la commodité à travers laquelle s’exprime l’adéquation entre le projet de l’architecte et les besoins des individus. Alberti décrivait les activités sociales (vie quotidienne, vie relationnelle) et suggère ensuite la configuration spatiale la plus adéquate aux besoins exprimés, à travers l’exemple de la villa.

Au 19eme siècle, le terme de commodité fut remplacé par celui de «distribution » développé par J.F.Blondel, et qu’il considère comme « le premier objet de l’architecte ».

Violet Le Duc, cité par Daniel Pinson met en évidence l’importance du concept d’usage dans la composition architecturale qu’il définit à travers deux éléments principaux : le programme et les habitudes de la civilisation concernée. Ainsi, le concept d’usage se trouve à « l’articulation entre des habitudes qui retrouvent leur source dans la tradition culturelle et des besoins qui s’inscrivent

dans une actualité et un avenir des modes de vie ».  Pinson. D, 1993, p97

Cependant, la composition architectonique, au lieu d’être une déduction logique des divers éléments qui doivent constitués un édifice, comme le programme, les habitudes, les goûts, les traditions, les matériaux, la manière de les mettre en œuvre, n’est plus qu’une formule ‘’académique’’ »  Le Duc. V, 1863, p339

Avec la trinité moderniste (Fonction, Forme, Structure), formulée par l’architecte ingénieur Nervi, le concept d’usage s’est réduit à celui de fonction qui concerne la destination de l’espace et ses performances fonctionnelles. Le Corbusier utilise ce concept dans sa définition célèbre de l’urbanisme : « les clefs de l’urbanisme sont dans les quatre fonctions : habiter, travailler, se recréer, circuler ».

Pinson. D, 1993, p104 critique la conception ergonomique de la vie domestique établit par le mouvement moderne qui réduit les fonctions domestiques à « des actes biologiques, simples, élémentaires, rudimentaires, une reconstitution métabolique du corps humain, incarnés dans des pratiques culinaires, hygiéniques, alimentaires, réparatrices (le sommeil).Situés hors d’une histoire, d’une culture, d’une conscience, des rapports sociaux et des usages consacrés par la tradition »

Enfin, ce n’est qu’à travers l’introduction des sciences sociales à l’architecture que le concept d’usage est venu remplacer celui de fonction à la fin des années soixante, afin de combler les décalages existant entre l’œuvre architecturale et son destinataire et particulièrement le logement. Ces décalages sont dus au fait que le sens de l’architecture s’est réduit à sa performance technique. Cependant, « l’usage ne se limite pas à un ensemble de pratiques fonctionnelles, il intègre aussi un niveau idéel, fait de représentations sociales, de mythes et de rites, mémorisés pour partie dans les pierres de la ville, à travers un ensemble de dispositions spatiales et de formes construites, dont les

figures conventionnelles fondent l’identité d’une communauté urbaine »  Pinson. D, 1993, p108 L’usage est donc un geste significatif provenant d’un usager qui a ses propres caractéristiques

(culturelles, socio- économiques et psychologiques).

Ainsi, la qualité d’usage permet l’évaluation de la qualité des lieux dans la satisfaction des besoins matériels et sociaux. Christian Queffelec, 2002 considère l’usage comme un moyen explicatif de l’adéquation ou non du logement à la manière de vivre des utilisateurs, à travers les possibilités offertes dans l’usage du logement. Cela nous incite à accorder de l’importance à la question d’usage afin d’aboutir à des logements de qualité, qui reste une aspiration majeure des habitants. « Quelle qu’en soit l’exact contenu, l’utilité, qu’elle soit commodité, distribution, fonction ou usage participe étroitement de la production architecturale et en constitue l’une des dimensions irréductibles et qui de plus apparait la distinguer notablement des autres disciplines artistiques :par sa finalité même, qui consiste à réaliser l’abri d’activités de la société humaine, l’architecture remplit une fonction qui n’a pas son équivalent dans les autres arts, et en fait selon Valéry, ‘’le plus complet des arts’’ »  Pinson. D, 1993, p91

C’est le lieu dans lequel se déroule un système d’interactions sociales, mais l’espace social n’est pas une forme creuse ; il n’est pas neutre ; il est au contraire capable d’entrainer, d’engendrer des réactions sociales d’un type qu’on ne peut trouver ailleurs. Le rôle de l’espace dans la structuration d’un système social et d’un système culturel ne signifie nullement que l’espace joue un rôle autonome. Toute formation sociale concrète est la résultante d’une combinaison spatiale, sociale, culturelle et personnelle.

Schéma 9: Evolution de la notion d’usage en architecture

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