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Etant enseignant, il est fréquent de devoir faire face à des situations délicates pouvant parfois nous dépasser. Ainsi, par exemple, face à un enfant TDA/H, perturbateur et difficile à gérer, quels sont les moyens ou outils à la portée de tout professionnel qui soient susceptibles d’apporter des réponses ou des pistes d’action pour gérer non seulement l’élève et la situation au niveau pratique, mais aussi au niveau psychologique ? La pratique réflexive fait-elle partie de ces outils ? Dans ce chapitre, nous tenterons de définir ce qu’est une pratique professionnelle ainsi que l’analyse de pratique et son utilité.

3.1. Définition

Les pratiques professionnelles, contrairement à certaines idées reçues, ne se réfèrent pas directement aux gestes ou aux actions, mais aux procédés. « La pratique est tout à la fois la règle d’action (technique, morale, religieuse) et son exercice ou sa mise en œuvre concrète » (Beillerot in Blanchard-Laville et al., 2000, p. 22).

Chaque métier dispose d’un éventail de pratiques professionnelles qui lui sont propres. Les pratiques du métier d’architecte, par exemple, seront plus précises et plus strictement réglementées puisqu’il s’agit d’une profession fortement liée aux sciences dites "dures". A l’inverse, l’enseignement étant un métier de l’humain, il permettra de plus grandes libertés.

Dotée certes de prescriptions et de règles, il n’existe cependant pas de mode d’emploi, de procédure ou de calcul à effectuer afin de réaliser une tâche ou de résoudre une situation-problème. De plus, s’agissant d’un métier de l’humain, de nombreuses variables, mais aussi de nombreuses inconnues, doivent être prises en comptes et analysées par le professionnel.

Etant inhérentes à chaque profession, les pratiques professionnelles varient donc énormément d’un métier à l’autre.

Comme mentionné, l’enseignement est un métier de l’humain, faisant donc face à des êtres humains enclins à des réactions très diverses mais aussi d’intensités variables, un enseignant ne se trouvera pas toujours dans des situations aisées, avec des conditions ordinaires et face à des problèmes ayant des solutions claires et parfaites. Bien au contraire, le professionnel de l’enseignement fera face à des situations aussi nombreuses que variées

38 et ne disposant pas de marche à suivre, il devra mettre en œuvre ses compétences et ses savoirs afin de régler ces situations. Rappelons que les compétences développées et savoirs acquis étant propres à chaque individu, les interventions d’un enseignant ne seront par conséquent jamais les mêmes que celles de son collègue.

De ce fait, les pratiques professionnelles varient d’un individu à l’autre en fonction de ses spécificités, de son caractère, de son vécu ou des ses compétences. L’enseignant engage donc « dans toutes ses actions une part essentielle de sa subjectivité consciente et inconsciente et donc de son histoire individuelle et collective », ses connaissances et son expérience (Beillerot, in Blanchard-Laville et al., 2000, p. 25). Ainsi, les pratiques professionnelles sont des objets sociaux abstraits et complexes et non pas des données brutes immédiatement perceptibles. Elles ne peuvent se comprendre et s’interpréter que par l’analyse (Beillerot, in Blanchard-Laville et al., 2000).

3.2. La pratique réflexive

De nos jours, de nombreux métiers, notamment les métiers de l’humain ; requièrent davantage de bon sens, d’intelligence, de savoirs abstraits, d’adaptation et de gestion d’imprévus qu’auparavant (Beillerot, in Blanchard-Laville et al., 2000). « L’accroissement de la réflexion, de la réflexivité à plusieurs et en groupe constitué, la nécessité de penser ce que l’on fait, y compris pour rentabiliser les investissements, passent par une liberté et un engagement, ce que constitue la pratique réflexive » (Beillerot, in Blanchard-Laville et al., 2000, p. 26)

De ce fait, l’analyse des pratiques professionnelles fait partie intégrante du travail de l'enseignant. En effet, « la réflexion sur sa pratique étant une position ʺmétacognitiveʺ qui est devenue un facteur essentiel de changement » (Beillerot cité par Delobbe et al., 2003).

De plus, le métier d’enseignant étant un métier qui évolue sans cesse et dans lequel il est nécessaire, de parer aux imprévus ou à certaines situations pouvant se révéler parfois difficiles, cet outil se révèle indispensable à un exercice judicieux de cette profession.

Soulignons cependant que réfléchir spontanément sur sa pratique ne constitue pas une analyse de pratique et ne mène pas « nécessairement à des prises de conscience et à des changements » (Perrenoud, 2001, p. 42). Il s’agit de réellement prendre le temps de la réflexion et de l’analyse, de décortiquer avec soin les évènements et les réactions notamment. De plus, le fait de parvenir à gérer une classe, de ne plus rencontrer de difficulté ou de crise ne doit pas signifier la fin ni l’inutilité de la poursuite d’une analyse de pratique.

Elle est nécessaire à la progression et à l’amélioration, à l’acquisition de nouveaux savoirs et

39 de développement de compétences qui pourront être réinvestis ultérieurement (Perrenoud, 2001).

Selon Perrenoud, l’analyse de pratique collective peut constituer une initiation à une pratique réflexive personnelle et « offre certaines garanties tant sur le plan éthique que du savoir-faire » (Perrenoud, 2001, p. 113). La pratique réflexive n’a pour objectif que de permettre à chaque participant de progresser, aussi bien dans l’analyse de pratique elle-même que dans le développement des compétences personnelles de prise de distance, de remise en question et d’adaptation, bien qu’elle ne constitue pas « une thérapie individuelle ou collective, même si elle peut conduire à reconnaitre et à nommer des souffrances ou des contradictions qui appellent une prise en charge clinique » (Perrenoud, 2001, p. 117).

Soulignons également que l’analyse de pratique se fonde sur la volonté des individus la pratiquant, car visant à l’amélioration et à la transformation des pratiques professionnelles, les effets ne seront effectifs que grâce à l’investissement du professionnel (Perrenoud, 2001).

3.4. Quelles sont les difficultés liées à l’analyse de pratique ?

L’une des principales difficultés liée à l’analyse de pratique peut être la prise de distance et la remise en question. Il semble parfois difficile de se contenir et de rester objectif, le but n’étant pas de compatir, mais d’analyser sa pratique dans le but d’améliorer celle-ci.

L’analyse de pratique peut inquiéter par certains de ses aspects. Nous mettons le doigt sur ce qui ne fonctionne pas, sur les difficultés rencontrées. En d’autres termes, un enseignant se met à nu et expose ses points faibles, ce qui peut provoquer un malaise chez certains. « Il est beaucoup plus difficile d’accepter d’être soi-même la source d’une partie des comportements qu’on déplore, de les envisager comme une réponse adéquate à la stratégie qu’on met en œuvre » (Perrenoud, 2001, p.127). Toutefois, il est primordial de ne pas avoir peur d’analyser notre propre pratique, car comme mentionné précédemment, il s’agit d’un métier de l’humain dans lequel tout change sans cesse, nous avons donc droit à l’erreur et c’est d’ailleurs là, que réside selon nous, toute le côté fascinant de ce métier, dans le fait que nous ne cessons jamais d’apprendre de nouvelles choses et donc, d’évoluer.

3.5. L’analyse de pratique peut-elle être un réel outil de travail ?

Lorsque nous nous trouvons dans une impasse en ce qui concerne un élève ou une situation délicate, le fait de repenser à ce qui a été fait ou dit, et donc d’analyser la situation ; est une

40 chose qui peut selon nous, réellement nous aider à comprendre et à faire mieux par la suite.

Nous pensons d’une part, que c’est évidemment en commettant des erreurs que nous apprenons à faire face aux situations les plus difficiles et que nous nous améliorons. D’autre part, nous pensons que nous ne sommes pas obligés d’avoir commis des erreurs pour tirer profit de certaines situations. En effet, c’est parfois lorsque quelque chose se passe bien que nous apprenons, notamment sur les réactions de certains élèves face à certaines situations.

Selon nous, l’analyse ne doit donc pas uniquement se faire sur des moments qui n’ont pas bien fonctionnés, mais également sur des moments dans lesquels une chose a bien marché, et donc, analyser la situation de façon à comprendre ce qui a permis cette réussite, afin de pouvoir recommencer.

Toutefois, pour être en mesure d’analyser sa pratique et de rentrer dans une réelle démarche compréhensive, il est important d’établir une relation de confiance si l’analyse de pratique est réflexive, car « si l’on craint d’être jugé sur sa capacité d’apprendre ou son rendement, ou simplement si l’on est facilement angoissé par une tâche nouvelle, cela peut suffire à bloquer le changement (Perrenoud, 2001, p. 127). Notons toutefois, que l’analyse de pratique ne sert pas uniquement à souligner les erreurs et les défauts de son enseignement. Elle sert également à faire des constats sur une bonne pratique et de bons choix. Cette démarche, plutôt compréhensive, permet de reprendre ou réutiliser ce qui s’est avéré bénéfique ou positif. De plus, ce mode de fonctionnement permet aussi de donner ou de reprendre confiance lorsque l’enseignant prend conscience de ses compétences et de ses capacités à résoudre une situation qui posait problème.

L’analyse de pratique est donc, un outil très important et utile pour une pratique réfléchie permettant une évolution positive de celle-ci. Réalisée seule ou collectivement, elle peut être le moyen de résoudre des situations complexes ou des difficultés. Pourtant, elle ne va pas de soi et n’est pas innée, mais se construit au travers de formation et avec l’expérience (Perrenoud, 2001).

Résonnances personnelles

Les pratiques professionnelles ainsi que l’analyse de celles-ci sont donc, selon nous, quelque chose que l’on ne peut négliger dans le métier d’enseignant, elles doivent donc, toutes deux, être présentes dans notre quotidien professionnel. Nous pensons que changer sa pratique n’est pas une possibilité mais un devoir faisant partie intégrante du métier d’enseignant. L’enseignant doit être capable d’une ouverture d’esprit et d’une remise en question qui lui permette de comprendre au mieux les difficultés ou blocages que rencontrent

41 ses élèves afin de pouvoir faire ; dans un premier temps, une analyse objective de la situation et, dans un deuxième temps, de leur venir en aide de la meilleure façon qui soit en apportant, notamment, des modifications à ses pratiques professionnelles.

Néanmoins, il est également important de garder à l’esprit que nous ne sommes pas tous pareils, nous ne sommes pas tous confrontés aux mêmes situations ou problèmes, ne possédons pas les mêmes compétences ou savoirs. Par conséquent, nous ne pouvons, ni exercer les mêmes pratiques professionnelles ou la même manière d’analyser celles-ci, mais tendre vers une pratique plus reflexive en vue de l’améliorer.