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VII. RESULTATS, ANALYSE DES RESULTATS ET DISCUSSION

1. Analyse de la 1 ère partie : Les conceptions personnelles

2.2. Emotions des enseignants face à l’élève hyperactif et à la situation

Ce tableau nous présente les émotions ressenties par les enseignants, regroupées par familles d’émotions, comme vu dans le cadre conceptuel de cette recherche compréhensive.

70 Tableau 10 : Emotions face à l’élève et à la situation

Sentiments négatifs Sentiments

positifs

Tristesse Colère Peur Honte Dégout Amour Plaisir

Total 32 25 6 5 1 23 10

Formation

LME 14 9 2 1 0 9 4

EPed 13 14 4 4 1 12 5

Autre 5 2 0 0 0 2 10

Expérience

1 à 10 ans 14 9 2 1 0 9 4

11 à 20 ans 9 8 3 3 1 8 4

21 ans et plus 9 8 1 1 0 6 2

De manière générale, les émotions ressenties par les enseignants face aux élèves sont plutôt négatives. Elles ont toutes été regroupées par famille. De cette manière, nous retrouvons sept familles d’émotions dont cinq négatives. Ces sentiments négatifs représentent près de 70% de ceux qui ont été mentionnés. Les plus souvent cités sont la frustration, l’agacement, la colère, la déception et le désarroi (cf. Annexe IV). Toutefois, bien que la famille « colère » soit représentée de façon plutôt importante (25 fois), grâce au regroupement des sentiments, nous constatons que les émotions dominantes parmi les professionnels interrogés sont des sentiments de tristesse.

Notons également que la peur et la honte apparaissent un certain nombre de fois. En ce qui concerne le mépris, cette famille n’apparait qu’une seule fois et n’est pas directement liée à un élève. En effet, le sentiment de mépris ressentis par l’enseignant est envers les parents de l’élève « qui refusent le diagnostique, refusent de voir ce qui se passe en classe et la souffrance de l’enfant, la difficulté de gérer la classe et l’impact que ça a sur les autres élèves » (cf. Annexe III).

71 Cette palette d’émotions peut, s’expliquer par le fait que d’avoir des enfants hyperactifs en classe n’est pas une situation évidente. L’élève, lorsqu’il présente des symptômes d’hyperactivité, est difficile à gérer, perturbe et dérange ses camarades. Il s’agit donc d’une source de stress pour l’enseignant qui chaque matin, sait qu’il devra affronter cet élève. Bien souvent l’élève rencontre aussi de nombreuses difficultés scolaires. L’enseignant doit alors s’adapter, mettre des moyens en place ou encore réaliser des entretiens (avec les parents, les psychologues, le SMP, etc.), ce qui implique inévitablement beaucoup de temps et d’énergie. En effet, il s’agit d’un investissement personnel supplémentaire à fournir. Pour certains, cette situation relève presque d’une bataille à gagner, ils semblent être investis d’une mission. Les raisons d’une telle persévérance, peut s’expliquer d’une part par le fait que certains enseignants pensent pouvoir "sauver le monde" et réussir à venir en aide à tous les enfants et d’autres part, parce que ces élèves sont attachants.

De la sorte, lorsque ces enseignants ont la sensation de ne plus être en mesure de d’aider l’élève, ils ressentent parfois du désarroi, de la frustration voir du désespoir pour certains.

Plusieurs enseignants nous ont expliqué que ces enfants étaient tout à fait touchants, de la sorte, ils se sentent concernés et ressentent l’envie de leur venir en aide et de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour cela. Soulignons que parfois, il est probable que ces sentiments soient aussi liés à soi-même. C’est-à-dire que la frustration, par exemple, peut être ressentie lorsque le besoin de "faire plus" parait tandis que l’impression de ne pas y parvenir fait surface. Dans ce cas là, l’élève ne s’avère pas être la cause de ce sentiment, il s’agirait plutôt de celle de l’enseignant qui ne peut se résoudre à "lâcher prise" » ou à faire le deuil du fait qu’il ne peut pas aider tous les enfants et surmonter tous les obstacles rencontrés, toutefois, celui-ci peut tout de même être lié aux sentiments d’affection des enseignants envers leur élèves.

En revanche, d’autres enseignants plus fatigués ont l’impression d’avoir tout essayé, et lâchent un peu prise en se disant qu’il n’est pas possible de s’occuper et de ne se consacrer qu’à eux, que les autres enfants de la classe méritent eux aussi un part de leur attention.

En ce qui concerne les émotions plutôt positives évoquées par les enseignants interrogés, nous constatons que l’amour et le plaisir sont les deux seules familles présentent. La plus importante étant l’amour, dont les différents sentiments composant cette famille apparaissent 23 fois. Ces sentiments positifs sont mentionnés par deux tiers des professionnels interviewés. En effet, ils portent une grande affection à ces enfants, car ils les trouvent attachants (cf. Annexe III). Près de la moitié mentionne la compassion qu’ils ressentent du fait qu’ils disent percevoir la souffrance de ces élèves. Quelques uns également, ont ressenti du bonheur, de la fierté ou encore de la gratitude (cf. Annexe IV). Ces résultats démontrent que bien que ces élèves se montrent parfois agaçants et génèrent souvent des sentiments

72 de frustration ou de désarroi chez ces enseignants, ils sont la plupart du temps, appréciés d’eux. Quelques uns, nous ont même dit avoir ressenti du bonheur, de la fierté ou encore de la gratitude face à ces élèves. Néanmoins, cette expérience a été extrêmement riche et positive pour certains en ce sens que quelques enseignants nous ont dit recevoir encore, après des années, la visite d’anciens élèves hyperactifs, ce qui est très gratifiant et leur prouve finalement, qu’ils ont réussi à aider ces élèves, ou du moins leur en donner le sentiment.

Ces sentiments sont positifs, mais ont-ils leur place dans un milieu professionnel ? Comme nous l’avons vu dans le sous-chapitre Pratiques professionnelles, le métier d’enseignant est un métier de l’humain. De la sorte il semble difficile voire impossible d’exercer ce métier en écartant tout aspect émotionnel. Mieux encore, il est nécessaire afin de permettre à l’enseignant de créer ce que Cifali nomme le lien éducatif (1994, cité par Perrenoud 1999, p.

144), un lieu complexe que tout enseignant se nécessite d’établir, car une attitude

« désengagée se paie cher au plan pédagogique. » (Perrenoud, 1999, p. 145) Toutefois, il est primordial de ne pas se laisser envahir par ses sentiment aussi positifs soient-ils ou aussi forts soient-ils (colère, désespoir, etc.). Il est indispensable de les contrôler, car des réactions vives peuvent, comme cela a été expliqué dans le sous-chapitre émotions, avoir des conséquences fâcheuses et nuire à la relation maitre-élève. Or, une relation de confiance enseignant-élève est indispensable à une vie scolaire sereine. De ce fait, le contrôle de ces émotions permet de limiter les dégâts et pour cela, il est important d’y consacrer un temps de réflexion, de se donner le temps de la méta émotion (Lafortune in Lafortune et al., 2005).

Finalement, rappelons que nos sentiments sont un moteur pour nos actions, ainsi, des sentiments positifs liés à la réussite d’en élève en difficulté, par exemple, peuvent être une source de motivation pour les enseignants.

Enfin, notons tout de même que très peu d’enseignants disent avoir craqué, ou du moins pas devant leurs élèves. Ils semblent conscients de l’importance de la maitrise de leurs émotions, mais aussi de leurs propres limites. Cependant, aucune n’a expliqué prendre du temps pour réfléchir à leur réactions, bien qu’ils en prennent pour ʺsoufflerʺ et prendre du recule par rapport à la situation (cf. Annexe III).

Remarquons toutefois que tous les enseignants sans exception ont géré leur sentiments en en faisant par à leurs collègues notamment, ce qui est une excellente initiative, car tout à fait salutaire. Ils cherchaient une oreille attentive, mais comme nous l’avons explicité dans la partie émotions de notre cadre théorique, ce partage social d’émotions permet surtout d’atténuer l’impacte des évènements traumatisants (cf. Annexe III).

73 2.3. Synthèse de la seconde partie

Ce que nous pouvons retenir de cette deuxième partie d’analyse est le fait que ressentir des émotions négatives vis-à-vis des élèves TDA/H semble être courant mais est également compréhensible. Ces émotions sont très variées (cf. Annexe IV) et nous constatons tout de même que bien que minoritaires, les émotions positives sont évoquées dans le témoignage des enseignants. Au final, nous remarquons qu’une grande partie des enseignants gardent un bon souvenir de leurs élèves hyperactifs. En effet, bien qu’ils aient vécu des moments difficiles, ces élèves étaient pour eux tout à fait attachants.

Ainsi, les émotions ressenties tout au long d’une carrière, d’une année scolaire où au fil des situations rencontrées sont tout aussi variées qu’intenses. L’essentiel est d’être en mesure de les analyser pour pouvoir les maitriser, car comme nous venons de l’expliquer, un manque de contrôle peut s’avérer destructeur. Cette maitrise essentielle l’est d’ailleurs dans toute situation et pas uniquement avec un élève hyperactif, car les émotions mentionnées précédemment peuvent également être ressenties face à d’autres enfants.

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3. Analyse de la troisième partie : Les élèves

Dans ce sous-chapitre, nous aborderons en premier lieu le thème des élèves et plus précisément la compréhension de ceux-ci. En second lieu, nous approfondirons la question de la gestion de ces derniers.