• Aucun résultat trouvé

Pratiques musicales collectives et sentiment d’appartenance

1 BOLDUC, Jonahtan. Op. cit., p. 4

2 BONIN, Sophie. Comment développer des compétences musicales et civiques à travers l’écoute musicale ?, p. 22 3 DEDENIS, Adeline. La découverte des musiques du monde à l’école primaire, p. 30

Selon Cohen, McCabe et leurs collègues (2009, cité dans Debarbieux, 2015, 13)1, le sentiment d’appartenance est l’un des cinq facteurs contribuant à l’installation d’un climat scolaire positif. De plus, il correspond à l’un des besoins figurant au sein de la pyramide de Maslow, évoquée à plusieurs reprises (1954, cité dans Ciavaldini-Cartaut et Blaya, 2018, 9)2. L’un des leviers féconds pour le faire émerger et grandir est la construction d’une culture commune. Tylor définit la culture tel un « ensemble complexe qui comprend les connaissances, les croyances, l’art, le droit, la morale, les coutumes, et toutes les autres aptitudes et habitudes qu’acquiert l’homme en tant que membre d’une société » (1871, cité dans Morgenegg, 2017, 7)3. En ce sens, les pratiques musicales collectives participent à l’acquisition de cette culture commune. Elles permettent effectivement d’élargir les références esthétiques et culturelles des enfants au-delà de leur univers musical respectif. Ces derniers vont alors partager ces repères culturels et spatio-temporels, ce qui va nourrir leurs rapports et contribuer à faire naître l’ « identité artistique et culturelle » (MEN, 2016, 6)4 de la classe. De plus, cet accès aux arts et à la culture, garanti par l’école, permet de lutter contre les inégalités sociales (Morgenegg, 2017, 10)5. En effet, toutes les familles ne détiennent pas un « capital culturel » équivalent (Bourdieu, 1979, 4-7)6. Or, ce type d’inégalités peut fortement nuire à l’établissement d’un climat scolaire positif. Cette ouverture culturelle sur le monde amène également les apprenants à passer outre les frontières, les apparences et les stéréotypes (Le Reste, 2018, 12)7.

D’autre part, le sentiment d’appartenance résulte du processus de socialisation « au cours duquel un individu s’accapare les normes et les valeurs d’une société pour s’y intégrer » (Petit, 2017, 13)8. Dans cette perspective, nous avons vu précédemment que le chant choral et l’ensemble instrumental supposaient la présence de règles et de valeurs de la même façon qu’ils reposaient sur un langage et des principes de direction spécifiques, codifiés et reconnus de tous. C’est pourquoi, nous sommes en droit de dire qu’ils contribuent l’un et l’autre à la socialisation de l’enfant.

Dans la mesure où les pratiques musicales collectives participent à la fois à la construction d’une culture commune et au processus de socialisation des élèves, nous pouvons reconnaître qu’elles « contribuent pleinement au développement d’une École inclusive » (MEN, 2016, 2)9.

1 DEBARBIEUX, Éric. Loc. cit., p. 13

2 CIAVALDINI-CARTAUT, Solange, BLAYA, Catherine. Loc. cit., p.9 3 MORGENEGG, Aline. Op. cit., p.7

4 Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Loc. cit., p. 6 5 MORGENEGG, Aline. Op. cit., p. 10

6 BOURDIEU, Pierre. Les trois états du capital culturel, pp. 4 à 7 7 LE RESTE, Chloé. Op. cit., p.12

8 PETIT, Amélie. Op. cit., p. 13

En effet, elles vont agir en faveur de l’intégration de tous les élèves et faire en sorte que chacun trouve sa place dans cette microsociété qu’est l’école. Bolduc partage ce constat lorsqu’il rapporte les résultats d’une étude scientifique montrant que « les élèves qui participent à des programmes enrichis de musique sont deux fois moins victimes d’exclusion sociale en comparaison aux élèves qui ne font pas de musique » (2014, 5)1. Si l’enfant se sent pleinement intégré au sein de la communauté scolaire alors son sentiment d’appartenance par rapport à celle-ci n’en sera que plus affirmé.

Par ailleurs, les pratiques d’ensemble provoquent « un sentiment fédérateur précieux » (SACEM, 2017, 3)2, source de joies intenses. Selon Peretz, « ce plaisir de communion que procure la musique nous ramène probablement à la raison d’être de la musique » (2018, 97)3. Snyders aime dire que « la musique enveloppe, entoure les collectifs, à tel point qu’on peut penser que c’est elle qui les crée » (1999, 73)4. Ainsi, il semblerait que les pratiques musicales collectives renforcent le sentiment d’affiliation en provoquant une production accrue d’ocytocine, connue pour être l’hormone de l’attachement. C’est notamment cette dernière qui est sécrétée par l’organisme de la mère lors de l’accouchement. Que ce soit en chant choral ou en ensemble instrumental, les élèves sont donc liés par une union musicale et émotionnelle puissante provoquant cette impression d’appartenir à un groupe. Ce groupe se passionne, apprend et évolue. Il vit « des expériences fortes et sensibles, qui marquent d’une empreinte féconde la mémoire de l’enfant » (MEN, 2016, 4)5 et nouent ses liens à vie. Ainsi, les souvenirs des spectacles de fin d’année demeurent encore très vivants dans nos mémoires, mêmes des années plus tard. Nous nous souvenons non seulement des paroles des chansons, apprises pour l’occasion, mais également des personnes avec qui nous avons partagé ce moment. Dès lors, une sensation de force collective et de liens indéfectibles s’empare presque inconsciemment de nous. C’est la raison pour laquelle, nous pouvons dire que les pratiques d’ensemble contribuent à l’émergence d’un sentiment d’appartenance mais permettent aussi de le faire perdurer dans le temps. Par ailleurs, celui-ci se forme également sous l’effet de l’effort collectif fourni et du sentiment de fierté éprouvé par chacun devant le produit final. Enfin, « pour certains enfants, le groupe peut permettre « d’oser faire ». Il sécurise et devient « une enveloppe contenante » » (Messelier-Delepaule, 2007, 31)6. Cela montre combien le sentiment d’appartenance est

1 BOLDUC, Jonathan. Op. cit., p.5 2 SACEM, Op. cit., p. 3

3 PERETZ, Isabelle. Op. cit., p. 97 4 SNYDERS, Georges. Op. cit., p. 73

5 Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Op. cit., p. 4 6 MESSELIER-DELEPAULE, Agnès. Op. cit., p. 31

susceptible d’agir de manière bénéfique sur le climat de classe, d’autant plus « dans un contexte plus général de fragilisation de la cohésion sociale » (SACEM, 2017, 3)1.

III. PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES