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Leviers envisagés par les enseignantes pour agir sur le climat scolaire

a) Quelle place accordée aux pratiques musicales collectives ?

Les enseignantes des classes A et B ont été invitées à apprécier le rôle susceptible d’être joué par les pratiques musicales collectives pour établir un climat scolaire positif, moyennant respectivement les questions 12 et 10 des deux guides d’entretien. Si la professeure de la classe A considère que le climat actuel est dû en grande partie aux pratiques d’ensemble, l’autre enseignante estime qu’elle « sont un levier possible parmi d’autres ».

Pour soutenir leurs propos, les deux femmes s’appuient sur les notions de projet et d’engagement communs. Selon elles, la dimension collective est essentielle pour plusieurs raisons. D’une part, l’enseignante de la classe B souligne que cela change de la plupart des situations scolaires traditionnelles où l’élève travaille de manière individuelle. D’autre part, l’autre enseignante argue sur le fait que de telles pratiques suscitent le besoin des uns et des

autres. La professeure de la classe B aborde en quelque sorte cet aspect lorsqu’elle parle d’un effort collectif ayant permis de parvenir à un résultat face auquel nous sommes fiers. Elle va également dans ce sens quand elle évoque la probable prise de conscience que nous pouvons accomplir de plus grandes choses ensemble que seul.

Les deux professeures utilisent également d’autres arguments se basant sur l’attitude et le regard des camarades de classe. D’après l’enseignante de la classe A, les pratiques d’ensemble, et en particulier les pratiques instrumentales collectives, favorisent l’expression des encouragements et félicitations de la part des pairs lorsqu’ils entendent les progrès réalisés par leur camarade, ce qui ne peut que le tirer vers le haut. Selon la professeure de la classe B, les pratiques d’ensemble permettent à un élève catalogué par le reste du groupe classe comme étant en difficulté de se trouver en situation de réussite. Par conséquent, ce changement de statut peut faire évoluer le regard porté par ses camarades sur lui. Cette argumentation n’est pas sans rappeler le sujet de l’article de Denyse Blondin qui traite notamment de « l’évolution du statut sociométrique de l’élève à la suite d’une expérimentation, d’une durée de neuf semaines, proposant des activités musicales coopératives » (2006, 1)1. Cette reconnaissance par les pairs a aussi été brièvement évoquée au sein du cadre théorique lorsque nous avons abordé l’influence des pratiques musicales collectives sur l’estime de soi. La professeure de la classe B poursuit en expliquant que ce changement de regard peut « apporter plus de tolérance et de compréhension ». Pour illustrer son propos, elle s’appuie sur l’exemple de deux élèves. L’un est Erwann qui souffre de harcèlement scolaire. L’autre est Marie qui est une élève fort discrète et ne participant jamais en classe. Elle est aussi parfois victime de moqueries de la part de ses camarades de classe. Les pratiques musicales collectives permettent de valoriser ces deux enfants et de les intégrer davantage au groupe, tout du moins durant les temps d’enseignement musical.

Par ailleurs, l’enseignante de la classe B prend appui sur son « image positive » de l’école qui a notamment été bâtie grâce aux souvenirs de ses participations à la chorale. Ce témoignage n’est pas sans refléter les propos tenus dans le cadre théorique lorsque nous nous sommes intéressés au « plaisir musical » (Peretz, 2018, 9)2. Nous avions alors évoqué le fait que les pratiques d’ensemble permettent de vivre des expériences collectives emplies d’émotions positives, lesquelles participent à nous forger une représentation positive de l’école.

Néanmoins, si la professeure de la classe A estime que les pratiques musicales collectives ont un rôle important dans l’installation du climat régnant actuellement dans sa classe, elle

1 BLONDIN, Denyse. Op. cit., p. 1 2 PERETZ, Isabelle. Loc. cit., p. 9

nuance son propos en précisant que le chant choral est la seule pratique d’ensemble ayant lieu en classe entière à l’école. En effet, les autres ont lieu soit en formation musicale en demi- groupe, soit pendant les temps de pratique instrumentale avec les professeurs issus du conservatoire et prennent alors la forme de duos voire de trios. C’est la raison pour laquelle, « les élèves ont intégré l’orchestre du conservatoire ». Or, l’enseignante considère que même si le chant choral démontre bien des qualités, il possède certaines limites. Aussi, essaye-t-elle de mettre en œuvre des projets, telle que la présentation des instruments aux élèves de CP et Grande section, afin de conserver « la pratique instrumentale collective sur le temps scolaire en classe entière », laquelle est source de nombreux bienfaits pour les élèves et « créé vraiment quelque chose ». Enfin, nous allons voir que pour les deux enseignantes, il existe bien d’autres leviers à actionner en vue d’agir sur le climat de classe.

b) Autres leviers envisagés pour agir sur le climat de classe et appréciation de leur efficacité par rapport aux pratiques musicales collectives

Les questions 13 et 14 du guide d’entretien conduisaient l’enseignante de la classe A à engager une réflexion sur les autres leviers pouvant être envisagés pour agir sur le climat de classe et sur leur efficacité par rapport aux pratiques d’ensemble. Pour l’autre enseignante, il s’agissait des questions 11 et 12. Nous constatons que si cette dernière répond plus catégoriquement que « les projets musicaux ne sont pas les seuls leviers possibles », la première préfère adopter une vue globale. C’est pourquoi, selon elle, « les pratiques musicales collectives vont renforcer d’autres leviers mais ne se limitent pas à elles seules ».

Parmi les leviers envisagés par les deux enseignantes figurent, plus largement, la pédagogie de projet dans laquelle nous pouvons classer les projets musicaux. La professeure de la classe A explique que ce type de pédagogie permet l’investissement collectif et l’apport d’un sens aux apprentissages. Cependant, d’autres matières que l’Éducation musicale peuvent être concernées par la mise en place de projets.

Ensuite, les deux femmes citent un certain nombre de leviers différents. L’enseignante de la classe A met en avant la posture du professeur, lequel doit montrer quelques qualités primordiales pour établir un climat de classe positif. Parmi celles-ci, elle rapporte qu’il doit « être figure d’autorité mais pas d’autoritarisme ». Il est aussi censé se montrer bienveillant et juste vis-à-vis de ses élèves en vue de construire une relation de confiance avec eux. Les enfants doivent également avoir la parole. De plus, l’enseignant ne doit jamais laisser ses humeurs prendre le pas sur la qualité de son enseignement et dominer son attitude par rapport au groupe classe. L’investissement personnel et la remise en question dans l’exercice de la profession sont

aussi des éléments essentiels. Elle évoque ensuite d’autres leviers ou facteurs possibles telles que la pratique du tutorat, favorisant « l’entraide et la solidarité », et la personnalité des enfants. En ce qui concerne l’enseignante de la classe B, la jeune femme se réfère à la classe découverte qui était initialement en fin d’année, avant la pandémie du COVID-19. D’après elle, « le fait de vivre une expérience tous ensemble, de partir, se délocaliser » pourrait être très bienfaiteur vis- à-vis du climat de classe. C’est la raison pour laquelle, elle aimerait que cette dernière soit prévue plus tôt dans l’année scolaire. La communication est aussi un aspect essentiel. Aussi, le travail mis en place par l’équipe enseignante afin de régler les problèmes de harcèlement scolaire comprend l’animation de débats collectifs sur ce thème. La maîtresse s’attarde un peu plus sur ce travail et sur ses bénéfices lors de sa réponse à la question 3. Dans cette optique d’échanges, elle envisage l’instauration d’un conseil de classe hebdomadaire qui « pourrait constituer le projet annuel d’Éducation moral et civique ». Un tel levier viserait à officialiser des temps de discussions collectives, responsabiliser les enfants et améliorer leur rapport à la règle. De surcroit, elle pense que celui-ci peut constituer « un levier plus impactant que les pratiques musicales collectives » dans le cadre de sa classe pour essentiellement deux raisons. D’une part, elle considère que son apport est plus explicite et efficient. Or, son groupe classe nécessite de pouvoir se référer à « quelque chose de précis et clair ». D’autre part, elle juge qu’elle est plus en capacité de conduire un tel dispositif. En ce qui concerne les pratiques musicales collectives, elle ne pense pas détenir les compétences nécessaires pour « fédérer un groupe ». Toutefois, elle nuance son propos en admettant que si les élèves se voient dispenser un enseignement en chant choral depuis le CP, ils doivent certainement avoir développé de solides compétences une fois arrivés en CM2. Enfin, elle ajoute qu’il n’est pas impossible de « mettre en place les deux leviers puisqu’ils ne résonnent pas de la même manière en chacun de nous ». Aussi, pouvons-nous percevoir qu’elle envisage une possible complémentarité entre les deux leviers, nous permettant de relativiser le propos émis au début de cette sous-partie la concernant.

Au sein des réponses données aux questions 13 et 14, l’enseignante de la classe A s’attarde sur un cas très précis : celui des actuels élèves de CM2 CHAM. En effet, ils constituaient son groupe classe l’année précédente. Nous allons voir que ce cas est très intéressant puisqu’il nous amène à nuancer certains propos tenus au cours de cette analyse.