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D’une pratique sportive d’amateur à un « serious leisure 46 »

Près du quart des jeunes dont l’activité préférée est liée au sport envisagent d’en faire leur métier (versus 35 % chez les autres élèves) ou une formation (22 % vs 31 %). Et parmi les 51 élèves qui expriment clairement un projet professionnel lié au monde sportif, il s’agit presque exclusivement de lycéens qui évoquent les projets suivants : « diététique sportif » ; « coach sportif, sportif de haut niveau, professeur de

sport47 » ; « être éducateur sportif, être professeur d'EPS » ; « finir footballeur professionnel » ; « devenir moniteur sportif et pisteur secouriste »… Néanmoins 7 lycéennes se projettent dans un métier sportif et

donnent comme exemples : « devenir coach sportif professionnel » ; « coach fitness » ; « footballeur

pro » ; « travailler dans un magasin de sport, travailler dans un magasin de baskets » ; « coach sportif » ; « animatrice, éducateur sportif » ; « gérer mon entreprise école de danse ».

Dans les deux cas, les lycéens l'attestent plus souvent que les lycéennes : respectivement 32 % et 13 % pour la conversion en métier, 29 % et 12 % pour la conversion en études. Le fait d’être inscrit dans un lycée avec une section sportive augmente nettement les intentions de métier et d’études dans le monde sportif, mais seulement du côté des garçons (tableau 12), et à la condition d’une socialisation sportive familiale : 48 % des jeunes gens et 35 % des jeunes filles ont un membre de leur famille (parent, frère ou sœur) qui pratique aussi cette activité sportive.

T

ABLEAU

12.C

ONVERSION DE L

ACTIVITÉ PRÉFÉRÉE EN MÉTIER OU FORMATION48

(

EN

%)

Concernant ton activité préférée, penses-tu : Garçons Lycées sportifs Garçons Autres lycées Filles Lycées sportifs Filles

Autres lycées Ensemble Activité préférée sportive

En faire ton métier 34 29 14 12 24

Faire des études dans cette activité 32 26 12 12 22 Toutes activités confondues (total)

En faire ton métier 36 33 27 22 30

Faire des études dans cette activité 32 29 26 21 27

Source : enquête IREDU.

Lecture : 34 % des garçons en lycée avec une section sportive envisagent de convertir leur activité préférée sportive en métier et 32 % de faire des études dans cette activité.

Ainsi, le capital sportif49 augmente les ambitions d’études chez les filles comme chez les garçons, notamment à l’université (de 8 à 13 % chez les lycéennes et de 7 à 10 % chez les lycéens), avec un intérêt pour la filière STAPS qui évolue aussi considérablement avec l’investissement sportif : 73 % des sportifs (contre 39 % des autres lycéens), et 48 % des sportives (contre 11 % des autres lycéennes). Les ambitions d’études à l’université sont donc plus élevées parmi les élèves qui pratiquent leur loisir sportif au moins trois fois par semaine et en compétition : faut-il y voir le signe de jeunes porteurs de

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Stebbins, 1992.

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Ce terme est un abus de langage renvoyant à une méconnaissance des intitulés précis des métiers, mélangeant le métier d’enseignant d’éducation physique et sportive, exerçant dans le cadre de l’Éducation nationale et non au sein du ministère de la Jeunesse et des sports comme le font les « professeurs de sport ».

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Les questions étaient les suivantes : « Quelle est ton activité préférée ? Penses-tu en faire ton métier ? Penses-tu faire des études dans cette activité ? »

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n n n

dispositions de « compétition » ou de « recherche de performance » ou « d’engagement dans l’effort » acquises durant leur pratique et qui s’exprimeraient dans un désir de poursuite d’études supérieures ? On peut en douter, même si le discours commun plébiscite ce type de raisonnement tant ces dispositions mises en œuvre sur les terrains sportifs ne sont pas systématiquement actualisées dans le cadre scolaire (Érard, Louveau, 2016a, 2016b). C’est probablement davantage l’effet d’une socialisation familiale qui porte les traces d’un investissement éducatif par le biais des loisirs, à l’image de stratégies éducatives classiquement attribuées aux classes moyennes évoquées par Sandrine Garcia (2018), « les pratiques culturelles extra-scolaires (sportives, artistiques et musicales) souvent considérées comme l’un des avantages des enfants issus de classes moyennes ».

En revanche, si le projet d’études en STAPS s'accroît chez les garçons avec leur capital sportif (24 sur 32 lycéens), ce n’est pas le cas du côté des lycéennes qui restent rares à évoquer une telle orientation (seules 5 à 7 jeunes filles le font, qu’elles soient très sportives ou non). Les filles n’envisagent pas davantage des formations du champ de la jeunesse et des sports : les élèves qui projettent de préparer un diplôme sportif (BPJEPS) sont presque exclusivement des garçons et ils pratiquent eux aussi au moins trois fois par semaine (13 sur 15) et pour la plupart sous forme compétitive (9).

Très rares sont donc les bachelières professionnelles à envisager une formation en STAPS. À cela plusieurs raisons : d’abord, la faible proportion de sportives compétitrices notamment en lycée professionnel (Muller, 2003) réduit le vivier d’étudiantes potentielles pour cette filière. S’y ajoute le détournement de nombre d’entre elles qui privilégient des formations plus féminines et conventionnelles, dans le prolongement de leur baccalauréat (Lemarchant, 2017). Les jeunes femmes qui s'aventurent dans cette filière universitaire construite autour des métiers liés au sport, entrent en effet dans un espace masculin qui les destine, a priori (en théorie) à des métiers connotés eux aussi comme masculins en lien avec leur recrutement s'effectuant très largement parmi les hommes (Érard, Guégnard, 2018a).

Les barrières peuvent aussi apparaître du côté des représentations de l'université, monde incertain et inconnu pour la plupart, comme l’explicite cette lycéenne : « Il n'y a pas assez d'ouverture après un bac

pro nous sommes découragés quand l'on évoque l'envie de faire nos poursuites d'études à l'université. Il faudrait plus de culture générale dans nos programmes. » Effectivement, leurs perceptions50 de l'université riment avec contraintes : après le mot « étude », les principales expressions sont « difficile »,

« difficultés », « dure », évoquées par près de 17 % des lycéennes et 11 % des lycéens ; ensuite viennent

les termes « travail », « travail perso », « trop de travail », cités par 14 % des lycéennes et 17 % des lycéens. Du côté des filles, donc, il faut, pour que leurs engagements sportifs extra-scolaires pèsent sur leurs parcours scolaires, qu’elles en soient sur-dotées par comparaison avec les garçons. En cela, elles ne se distinguent pas des bachelières générales qui entrent en STAPS (Érard, Louveau 2016a, 2016b). Les loisirs sportifs ne jouent donc pas à la même hauteur pour tous et toutes.

Cherchant à identifier l’importance de loisirs comme le sport sur les projets des élèves de lycée professionnel au regard de déterminants plus « classiques » tels que les caractéristiques sociodémographiques ou scolaires, nous avons procédé à des analyses multivariées permettant de saisir simultanément l’ensemble de ces variables.

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