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Pratique de la recherche en sciences sociales 2-1/ Objectivité et scientificité

3 ORGANISATION DE LA RECHERCHE 3-1/ Historique :

2/ Pratique de la recherche en sciences sociales 2-1/ Objectivité et scientificité

« Revendiquer pour les sciences sociales le statut de science ; c’est leur demander d’être objectives au même titre que les sciences de la nature ; mais les sciences humaines demeurent beaucoup plus proches de notions morales et culturelles. La solution consistera à séparer jugements de valeurs et faits ».2

L’objectivité parfaite est impossible à concevoir. Il s’agit de distinguer la description des faits qui doit être objective et l’interprétation qui peut être personnelle.

Le chercheur est conditionné sur le plan culturel et social ; il fait partie du monde qu’il doit observer. Il est soumis à des préjugés des manières de sentir, des valeurs, des orientations intellectuelles contre lesquelles il aura beaucoup de peine à réagir, car il les subit inconsciemment. Il risque de reproduire les normes sociales qu’il a assimilées. Son moi contient ce qu’on appelle «social intériorisé»3.

1 - Alain Beitone, sciences sociales, 2eme édition, éditions Campus Dalloz, Paris, 2000, p 107. 2 - MadleineGravitz, méthode des sciences sociales, Dalloz, Paris, 1976, p 313.

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E. Durkein pose les conditions d’une recherche positive et scientifique ; il recommande de «traiter les faits sociaux comme des choses» et insiste donc sur la réalité objective des faits sociaux qui existent en dehors de la conscience individuelle.

Ce qui veut dire étudier les faits sociaux sans tenir compte des préjugés « pré-notions » car ces prénotions relèvent de l’idéologie ambiante ; mais il n’est pas toujours facile de se débarrasser des préjugés ou partis pris. L’objectivité parfaite reste impossible à concevoir ; les valeurs orientent le chercheur, le motivent. Une pression plus ou moins directe peut aussi être exercée sur le chercheur par le régime politique et économique ; il est soumis à des préjugés, des manières de penser. Il risque de reproduire ces normes sociales assimilées de façon inconsciente.

Contre tout subjectivisme, le meilleur moyen de lutte reste la méthode scientifique.

La démarche scientifique positiviste veut conduire à délaisser ce monde « irréel », des idées, des fausses notions…«l’acteur social aujourd’hui est conduit à se mouvoir entre les deux points forts que sont la mondialisation de l’économie d’une part ; les particularités culturelles, ethniques de chaque groupe social, de chaque société de l’autre»1.

« La parole de l’acteur social doit être interprétée à travers une démarche rigoureuse détachée des adhérences affectives, idéologiques et justificatives »2.

Par conséquent le chercheur doit construire un nouveau champ dans des cadres globaux car les représentations sociales de l’objet différent d’une société à une autre.

Concernant le domaine économique, exemple: l’entreprise, la consommation, le chômage vont avoir selon les pays des interprétations

1 - Pierre verges, le sociologue affronté au sens commun, presses du centre Unesco Besançon,

1998, p 109.

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fondamentalement différentes. Ainsi les rapports entre l’économie et la société sont construits historiquement par les mentalités propres, par la spécialité de l’histoire économique nationale ; le développement économique que l’on considère comme mondialisé est en fin de compte très inscrit dans des comportements différents.

2-2/ Recherche en sciences sociales

Les champs des possibilités théoriques des sciences sociales sont vastes, afin d’étudier le social il s’agit élucider les différentes problématiques, en résumé Jean- Marie Berthelot nous présente une «typologie des schèmes d’intelligibilité»;le schème causal, le schème fonctionnel, le schème structural, le schème herméneutique, le schème actanciel et le schème dialectique1.

« L’étude du social aide à mieux comprendre les significations d’un événement ou d’une conduite, à faire intelligemment le point d’une situation, à saisir plus finement les logiques de fonctionnement d’une organisation, à réfléchir avec justesse aux implications d’une décision politique, ou encore à comprendre plus nettement comment telles personnes perçoivent un problème et à mettre en lumière quelques, uns des fondements de leurs représentations »2.

La démarche de la recherche en sciences sociales suit un processus en trois actes dont l’ordre doit être respecté ; ces trois actes sont la rupture la construction et la constatation (ou expérimentation).

- La rupture (rupture avec les partis pris et préjugés).

- La construction (système conceptuel organisé), (Cadre théorique de référence).

1 - jean marie Berthelot, l’intelligence du social, P.U.F, Paris, 1990, p 62.

2 - Raymond Quivy, Lucian Campenhout, manuel de recherche en sciences sociales, Dunod, Paris,

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- La constatation (vérification par des informations ou expérimentation sur la réalité concrète)1.

«En sciences sociales, il faut se garder de deux travers opposés : un scientisme naïf consistant à croire que nous pouvons établir des vérités définitives et que nous pouvons adopter une rigueur, analogue à celle des physiciens ou des biologistes ; ou à l’inverse, un scepticisme qui nierait la possibilité même d’une connaissance scientifique »2.

Le problème de la connaissance scientifique se pose de la même manière pour les phénomènes sociaux et les phénomènes naturels : dans les deux cas, les hypothèses théoriques doivent être confrontées à des données d’observation ou d’expérimentation

Tout travail scientifique en sciences sociales doit obéir aux principes fondamentaux de la démarche scientifique.

Gaston Bachlard a résumé la démarche scientifique : «le fait scientifique est conquis, construit et constaté».

- Conquis sur les préjugés, - Construit par la raison, - Constaté dans les faits.3

2-3/Recherche action : nouvelle méthode

La recherche action vient compléter la méthodologie (classique) comme modalité particulière d’application de certaines procédures et elle constitue un projet, l’articulation nouvelle d’une science et d’une pratique de changement. Elle apparaît alors comme une vaste exploration et élucidation des formes et des mécanismes du changement social.

JacqueRheaume considère ce nouveau mode de savoir «comme approche générale, qui s’appuie sur cette idée centrale de la production d’un

1 - Pierre Bourdieu, J.C Chamburedon, J.C Passeron, le métier de sociologie, Mouton Bordas, Paris, 1968, p

432.

2 - Gaston Bachelard, la formation de l’esprit scientifique, librairie philosophique, J. Varin, Paris,

1965.

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savoir qui se développe dans et par l’action réalisée par les groupes sociaux ; elle implique également un mode d’interaction réciproque entre les chercheurs, les praticiens et les diverses «clientèles» visées par le changement. Elle comporte enfin une dimension éducative ou «rééducative» 1.

Le modèle rejoint le «modèle d’action rejearch» de Kurt Levin2.

Le modèle s’appuie donc sur l’idée du développement de la science dans et par l’action ; le chercheur est confronté à des situations problèmes qu’il doit analyser pour les comprendre, à la nécessité d’établir une problématique et à celle de formuler des objectifs et les hypothèses, au moyen d’interventions appropriées, de modifier ces situations, de résoudre ces problèmes3.

2-4/Pratique herméneutique

La recherche action se dirige vers un autre type d’analyse du social qui dépasse l’action au niveau des groupes restreints, l’intervention selon Alain Touraine se rapproche d’une perspective critique dans la mesure où elle s’adresse à une clientèle engagée activement dans les mouvements sociaux. L’intervention consiste à partager avec les praticiens une analyse critique, une élucidation des orientations idéologiques et pratiques de leur action sociale.

Pour J.Rheaume : «un des problèmes difficiles de la recherche action est celui de l’engagement du chercheur par rapport aux objectifs d’une action où il est directement impliqué. Plus radicalement encore, la recherche action est déjà située par rapport à des valeurs d’autonomie, de participation démocratique qui surdéterminera en quelque sorte l’objet même de la recherche, celui d’examiner, les conditions d’un changement social »4.

1- Jacque Rheaume, la recherche, action : un nouveau mode de savoir, revue sociologie et société,

Presses de l’université de Montréal, 1982, p 44.

2 - Kurt Levin, field theory in social sciences, New York, Harper and Row, 1951, p 30. 3 - Jacque Rheaume, Op cit, p 44

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2-5/Démarche critique

Toute pratique du social est connaissance du social ; cette connaissance peut constituer une réflexion sur elle-même et un renouvellement de sa pratique.

Les règles de la science doivent fonder la démarche critique des sciences sociales. Il s’agit de se méfier du pouvoir et de l’appareil idéologique,« ce qui justifie la démarche scientifique, c’est son ouverture ou tout le moins l’impossibilité de sa fermeture à l’attitude critique »1.

Mais pour les sciences sociales, la démarche scientifique, critique est complexe par rapport au monde physique directement observable ; le monde social ne peut fonctionner qu’en imposant un discours sur lui-même auquel se heurtent les efforts des chercheurs …la tâche est particulièrement difficile.2

Aussi «on comprend les rapports humains avec l’image du jeu et dans le jeu. L’importance, c’est que chaque joueur va pouvoir avoir une stratégie qui sera influencée mais, en même temps qui se heurtera à la réalité …et comme le monde ne peut jamais être fermé, le paradoxe c’est que plus nous avançons, plus nous savons de choses, plus les incertitudes augmentent, donc il n y a pas moyen de le fermer et voilà comment on est condamné à reconstruire le monde»3.

Parlant de la sociologie, AlainTouraine explique que le sociologue ne peut travailler que dans la mesure où sa société est tolérante, où toutes les forces qui constituent la nation : appareil d’état classe dirigeante forces populaires s’appuient sur l’analyse critique du sociologue, l’acceptent, l’encouragent. La sociologie ne peut vivre que dans les sociétés qui sauront lier la connaissance économique et la critique sociale, donc un projet culturel et des conflits sociaux ainsi pour lui : «le travail de sociologue ne peut être

1 - Paul Bernard, l’insignifiance des données, revue sociologue et société, Presses universitaires de

Montréal, vol XIX N° 1, 1982, p 67.

2- Pierre Bourdieu, J.C Chambordon et J.C Passeron, le métier de sociologue, Paris, Mouton et

Bordas, 1968, p 431.

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défini sans que soit reconnue la fonction de la connaissance et donc la nature des réactions de la société à cette connaissance»1.

2-6/Recherche en sciences sociales et idéologie :

Le rôle du chercheur est lié à la fonction idéologique, «le succès des sciences sociologiques et l’audience qu’elles se sont acquises dans le monde moderne tiennent donc à autre chose qu’à leurs applications. Il résulte de leur charge idéologique.

L’intellectuel tient son prestige et son influence au fait qu’il inquiète ou qu’il calme ou qu’il condamne ou qu’il approuve, …ce qu’il propose ce sont des jugements sur la société : il a le redoutable privilège d’interpréter l’idéologie et de dire ce qui est bon et ce qui est mauvais»2.

Mais le rôle des sciences sociales n’est pas de faire passer les postulats sociaux pour des vérités scientifiques. Elles n’ont pas à se prononcer sur les principes que se donnent les hommes ; c’est la tâche des moralistes et le chercheur de se libérer du fardeau de l’idéologie3.