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Du caractère intermédiaire des œuvres

1- Une pratique autobiographique spécifique

Nina Bouraoui, lorsqu’elle en vient à l’écriture autobiographique dans des conditions socio-historiques et culturelles spécifiques avec Le Jour du séisme et Garçon

manqué, ouvre une autre voie dans sa démarche créative. Mais, déjà derrière elle, une

série de textes extrêmement travaillés et considérés comme inabordables, pour l’effet d’étrangeté et de provocation qui s’y déploie, ont déjà confirmé ses talents d’écrivaine. Au centre des préoccupations de la première manière de l’écriture retentit de façon récurrente -même si elle n’est pas explicitement dite dans ses textes- la symbolique de la figure paternelle avec toute la complexité dont une écriture intime peut en rendre compte lorsqu’elle relève de contextes historiques et sociologiques précis qui impliquent pour l’interpréter de prendre en compte la théorie postcoloniale et l’hybridité.200 Cela se perçoit dans la nature conflictuelle de la relation des personnages féminins face au père et à sa symbolique patriarcale. Mais c’est également le cas face à la culture maternelle subordonnée à l’Histoire et à des conditions géopolitiques dans la mesure où l’écriture bouraouienne est une pratique textuelle relevant de paradigmes de lecture ouverts du fait de sa forte inscription dans la réalité sociohistorique, et dans ce sens, les « situations et expressions transculturelles qui se manifestent dans des formes

200 GEHRMANN Susanne et Claudia GRONEMANN. Les enJEux de l’autobiographique dans les

littératures de langue française : Du genre à l’espace- l’autobiographie postcoloniale- l’hybridité. 2006. Paris : L’Harmattan. (Coll. Etudes littéraires maghrébines).

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littéraires spécifiques, [sont] difficiles à comprendre au moyen de la pensée occidentale. »201

Se détachent au sein de cette première étape, des variantes textuelles dont les contenus diffèrent quelque peu de ceux de La Voyeuse interdite, du fait de l’indétermination de leurs espaces narratifs. Cela semble révéler un malaise et des remises en question chez l’auteure, à la suite des accusations dont elle a fait l’objet lors de la réception de son premier roman. Nina Bouraoui, qui semble encore touchée par cela, revient sur cette question dans Mes mauvaises pensées, signifiant qu’elle se serait retrouvée seule face à cette expérience personnelle avec le public et regrette le fait de n’avoir pas été soutenue et défendue par son éditeur, chez qui elle publia ses deux premiers romans. L’auteure, ébranlée par son premier succès entaché de critiques sévères, vivrait-elle une crise personnelle et au sein même de l’écriture, qui se heurte en fait à la réalité contextuelle de l’époque ? Le fait d’installer des fictions incommunicables et autotéliques à la suite de ce roman rendrait-il compte de cette période de silence dans ses récits, et qui apparaissent refléter une sorte de compromis avec la réalité ? L’écrivaine à ce propos déclare avoir changé de manière. Mais on peut voir dans cette première phase, et dès le premier roman, une tendance à accumuler et justifier toutes les raisons pour mettre en avant un « être féminin autre », avec l’émergence d’une représentation féminine autre légitimée dans et par l’écriture. Ainsi, à travers l’évolution thématique et générique de ses textes apparait la poursuite d’un trajet autobiographique affirmant une identité féminine spécifique qui inscrit au cœur de l’écriture les figures du père et de la mère comme entités structurantes et paradoxalement conflictuelles. Et, c’est à partir de leur représentation, dans de multiples variations, que l’auteure va entreprendre de s’explorer dans un contexte de liens et de ruptures.

L’ensemble de ses textes écrits à la première personne forme un tout, car au-delà d’une énonciation aux formes diverses, apparaît une certaine unité textuelle dont l’aboutissement et l’approfondissement semblent s’accomplir dans et avec Mes

mauvaises pensées. Au fil de ce développement, se saisit cette différence qui montre

que cette mutation dans l’écriture concerne aussi bien la forme des récits que leurs contenus. La mise en place de stratégies stylistiques semble être également l’effet de

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contraintes et de compromis en rapport avec le vécu biographique de l’auteure- écrivaine face aux effets de la réception de son œuvre.

Au travers des quatre textes de notre corpus principal se dégage un parcours tortueux élaboré qui favorise le déploiement d’une parole individuelle validée et légitimée par la scène de l’analyse, figurée dans le dernier roman du corpus. La trajectoire scripturale va développer au fil des parutions des œuvres un récit de vie même et autre qui chemine progressivement vers un point de jonction originel : celui de la figure de la mère202 et celle de la mort travaillées par une démarche artistique hétérogène et renouvelée d’un texte à un autre. Il faudrait donc chercher à comprendre comment l’écriture, ses formes et la vie interagissent et décident du sens de l’œuvre. A cet effet, la démarche sera inductive et en corrélation avec la réception faite à l’œuvre pour voir comment le biographique module l’écriture et se projette dans la forme même. Seront examinés aussi les multiples déplacements et replacements narratifs, en l’occurrence le parcours d’un trajet sinueux de l’écriture.

Une lecture de l’ensemble de l’œuvre romanesque de Nina Bouraoui par un mouvement de recul, livre une sorte d’itinéraire littéraire propre. Les mises en scène déployées, consacrant des personnages (de même type) en mal d’identification et récusant leurs parents biologiques avec toute la symbolique qui y réfère, semble avoir pour fonction la naissance d’une écrivaine. C’est en effet une façon propre d’envisager un univers artistique, initié dès le premier roman. On y lit surtout des ressentiments cachés et des règlements de comptes avec sa propre famille et la société : Nina Bouraoui étant le produit culturel d’un mariage mixte entre un Algérien et une Française. Se posant ainsi, l’écriture ne peut échapper au référentiel et aux conditions de son émergence. Elle est bien déterminée aussi bien par la primauté d’une expérience individuelle que par la réalité sociologique environnante.

D’un point de vue générique, l’œuvre de Nina Bouraoui, par les nombreux traits d’identification avec la vie de l’auteure, tend à s’inscrire dans le champ problématique de l’autofiction, domaine de recherche toujours en débats qui connaîtra une importante avancée théorique vers la fin des années quatre-vingt-dix. Malgré la profusion des

202 Le lien à la mère, à travers les figures qui apparaissent, est à la fois cruel et apaisant. C’est dans cette proximité que surgit la blessure et la faille avec toutes les associations qu’elles génèrent. Ce qui est encore perceptible est ce sentiment de fragilité que l’auteure s’attèle à décrire et à rendre presque vivant.

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tâtonnements terminologiques et des définitions proposées, le statut épistémologique de cette notion est toujours en perpétuelle remise en question ; ce qui ouvre de nombreuses perspectives d’analyse des textes aux statuts génériques instables à l’instar de ceux de Nina Bouraoui qui s’efforce de s’exprimer en faveur du renouvellement littéraire de l’autobiographie lui permettant de dire la réalité vécue à travers la fiction. De ce point de vue, ce terme apparaît comme un paramètre de variabilité qui semble redéfinir l’écriture autobiographique dont le sens diffère d’ailleurs d’un critique à un autre. Si Doubrovsky « l’employait dans le sens large et contestable de « récit littéraire », voire d’œuvre d’art, (…) la majorité des critiques lui conservaient, à l’instar de Dorrit Cohn, la valeur de « récit non référentiel » ».203De cette divergence épistémologique, s’expliquent les conceptions contradictoires de l’autofiction dans la vision204 de Gérard Genette et Vincent Colonna par rapport à celles de Doubrovsky. Philippe Gasparini considère que celui-ci, comme d’autres écrivains contemporains, a repris les motifs de l’autobiographie canonique bien établis dans la mesure où il s’agit de :

sa vie individuelle, l’histoire de sa personnalité, voilà le sujet que traite Doubrovsky en remontant à l’histoire de ses parents, à son enfance, à son adolescence, à ses études, à ses voyages, à ses expériences amoureuses et professionnelles, à son mariage, à son divorce, à la mort de sa mère, en racontant ses rêves, ses

fantasmes, ses angoisses, ses séances d’analyses, ses cours. 205

A propos de la manifestation des signes du romanesque dans l’autobiographie en tant que stratégie littéraire, Marie Darrieussecq pense que : « [l ]e choix de la fiction n’est pas gratuit (…). Puisque l’autobiographie est trop sujette à caution et à condition, et puisquel’autofiction est littérature, faisons entrer l’autobiographie dans le champ de

203Ibid., p. 109.

204« Le premier sens du mot autofiction, rappelle Gasparini, (…) est celui que lui ont donné Philippe Lejeune, Gérard Genette et, surtout, Vincent Colonna, à savoir « Fictionnalisation de soi » ». Op. cit., p.296.

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la fiction… »206 Philippe Lejeune, lui, soutient que: « [l]’autobiographie gène. Elle gène intellectuellement, esthétiquement, affectivement. ».207

Il est à noter cependant que l’autobiographie possède inévitablement un caractère fictionnel du fait des transformations involontaires de la mémoire, de la réalité subjective éclatée et de la mise en mots d’un vécu, passant par la médiation de l’écriture dont les fonctions peuvent être thérapeutiques et communicationnelles. D’autre part, on sait que :« La rédaction et la structuration de l’histoire se font dans un temps postérieur à celui de l’évènement décrit, ce qui entraîne un décalage susceptible de transformer la réalité vécue. ».208Selon Lacan, le sujet ne se construit que par et dans le langage et se doit de suivre : « une ligne de fiction, à jamais irréductible ».209 Cela corrobore encore la réflexion de Paul Ricœur qui note que : « [l]a première manière dont l’homme tente de comprendre et de maîtriser « le divers » du champ pratique est de s’en donner une représentation fictive ».210 A propos de la part de vérité que peut receler la fiction François Mauriac affirme enfin que : « [s]eule la fiction ne ment pas ».211 Ce qui donc peut être questionné, c’est bien le statut du vraisemblable, de la sincérité, de la vérité et de l’authenticité dans le cas de l’autofiction qui se présente au lecteur à travers deux pactes contradictoires pouvant correspondre au chemin tortueux de l’écriture de l’auteure ne cessant de remettre en question la notion d’identité et la généricité de ses textes. Il faut signaler que l’adoption de cette grille de lecture est complémentaire à celle qui a été initiée précédemment pour montrer les multiples postures du "Je" et la particularité de cette écriture de soi par l’inclusion des autres.

Cela dit, en quoi les textes du corpus, de par les traits qui les constituent et les moyens mis en œuvre par l’auteure, révèlent-ils leur caractère autofictionnel et leur complémentarité structurelle qui participent à produire une œuvre unifiée? La double origine de Nina Bouraoui et de son écriture opérant des liens entre le biographique et l’autobiographique amène à poser d’autres questionnements. Quelles stratégies de

206 DARRIEUSSECQ, Marie. « L’Autofiction, un genre pas sérieux » Dans Poétique, n° 107, 1996, p. 372-373.

207 LEJEUNE, Philippe. Pour l’autobiographie :Chroniques. Paris : Seuil, 1998, (Coll. La couleur de la vie).p. 11.

208 OUELLETTE-MICHALSKA, Madeleine. Autofiction et dévoilement de soi, Montréal : XYZ, 2007. p.39.

209 LACAN, Jacques. « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je »[1966]. Dans Ecrits. Tome 1. Paris : Seuil, 1970. (Coll. Points). P.93-100.

210 RICŒUR, Paul. Du texte à l’action. Paris : Seuil, 1986, p. 222.

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dédoublements sont adoptées par l’auteure pour se dire et se cacher dans le jeu de la fiction et du réel ? Comment ce réel est-il stylisé par la fiction pour révéler des bribes du vécu ? Quelles en sont les implications pour la voix auctoriale et la construction de l’ensemble de l’œuvre fragmentée par une transgression identitaire et culturelle et un imaginaire propre ?

A- La Voyeuse interdite en double je(u)

Si le premier roman apparaît comme agressif au premier abord : « ce n’est pas qu’un vomissement de haine contre les hommes, c’est l’histoire d’un cheminement douloureux et nécessaire, et l’on peut reprendre, dans le même esprit, les mots célèbres de Simone de Beauvoir : " On ne naît pas femme. On le devient " »212 Fikria porte en elle toute la violence et les interdits instrumentalisés par sa société hostile à sa féminité naissante. Elle opère toutes les manœuvres imaginables pour ne pas habiter son corps devenu autant que sa maison une demeure étrangère, voire menaçante. Confrontée à ses émotions, à son désir de jouissance, et aux regards dénigrants la réduisant à son statut sexuellement biologique et charnel, elle n’a d’autres choix que d’attaquer ce corps à partir de sa propre chair et des maux qu’il induit. Ainsi, Fikria, au travers de sa narration, se dégage de son corps qu’elle détruit et donne à voir. Elle s’en invente en quelque sorte un autre pour contrer une représentation culturelle du corps façonnée par un idéal masculin. Son œil, aiguisé et bien informé des conditions vécues à cause de son identité de sexe, tente de porter un regard allant même au-delà du domaine du visible :

(…) un regard féminin ouvert sur un monde qu’il ne veut plus cautionner. (…)[son] œil inquisiteur et sans complaisance permet de remettre en question tous les interdits instaurés par la religion et par la loi des hommes qui enferment les femmes dans un système hermétiquement clos où l’unique évasion possible est le rêve et le désir (…) [de franchir] tous les interdits(…) pour exercer une résistance [qui participe d’] une

212 NAHLOVSKY, Anne-Marie. La Femme au livre : Itinéraire d’une construction de soi dans les relais

161 reprise de perception des espaces interdits, (…) car elle est le

premier pas d’une concrétisation d’un désir de liberté213.

En effet, en plus de la rue, l’autre espace interdit est le corps. En le mettant en discours, elle le fait sortir de sa captivité et le signifie autrement, voire outrageusement. Représentatif de l’état de Fikria, son récit dévide ainsi les maux confisqués du corps social en ruinant ses fondements idéologiques. Et en cela, on peut lire le geste rebelle et transgressif de celle-ci qui rompt ses liens familiaux les plus fondamentaux et brise par la même l’ordre de la parenté en la déconstruisant. D’un point de vue psychanalytique, cette démarche de l’écriture, dans sa quête des origines et la redéfinition de ses liens filiaux, semble participer d’un désir d’élaborer pour l’auteure son propre roman familial.214 Les causes de ce chaos opérant chez le personnage une régression, s’explique dans sa découverte du mystère de l’origine perçu en « voyeuse interdite», à travers la scène interdite des ébats violents de ses parents animalisés à ses yeux : « J’ai vu mon père s’acharner sur ses deux grosses mamelles pleines de veines et de regrets (…). Formant un seul bloc animé sur les côtés par quatre membres bien agités, on aurait dit une outre grasse et poussive qui se débattait dans la berge; » (p.36). Cette situation psychique vient en plus s’ajouter au sentiment d’humiliation qu’elle connaît déjà, du fait d’être née fille de ces parents-là. Fikria, ne pouvant ignorer l’ordre sexué du monde qu’elle découvre, et sous l’effet d’un des « accidents psychiques »215 dont elle est victime, refuse alors le déterminisme biologique et social. Dès lors, emportée par le tourbillon du dénigrement de soi, elle tend vers l’autodestruction.

Par le truchement symbolique et stratégique de la fenêtre, lieu d’ouverture de la parole et de l’espace, le corps se libère par l’œil dévorateur d’images de Fikria sous la plume de l’auteure qui:

dévoile tout un mécanisme très savant des angles de vision. Nina Bouraoui s’instaure, dans un comportement en chaîne, comme un " auteur qui regarde"" la Voyeuse qui regarde". (…). Elle observe le monde dans un premier champ d’exploration et transmet à la griffe de sa plume d’écrivain de recréer son

213Ibid., p.176-177.

214 MARTHE, Robert. Roman des origines et origines du roman. Paris: Gallimard, 1972.

162 regard par la médiation du personnage fictif de la Voyeuse (…), pour revenir dans les tréfonds du regard d’un auteur qui

s’érige comme un écrivain pour donner existence au tableau216.

Fikria, installée ainsi à sa fenêtre pour promener à sa guise son regard, s’approprie le monde et ses images sous l’effet de son impulsion créatrice en s’instituant double, c’est-à -dire à la frontière du réel et de la fiction. En voulant échapper par-dessus tout à la réalité avilissante, elle devient par son seul regard, créatrice d’un univers de souffrance dont elle se délecte elle-même:

J’énerve mes sens pour mieux qu’ils s’endorment, j’accélère mon tempo carotidien pour mieux mourir. Lassée par les choses et mon manque de patience face à l’imagination lente, désordonnée et capricieuse, je me terre dans un des quatre coins de ma cellule et m’inflige des pinçons « tourbillonnaires : pressions du pouce et de l’index sur un bout de chair innocent dont la seule faute est la tendresse. Mon père a été le déclencheur de ma violence. Le responsable que j’accuse. (p.66).

C’est surtout une plongée dans l’illusion et le fantasme sitôt qu’elle répond au principe de plaisir qui est ici évoquée. Le discours du personnage exposant sa souffrance à partir d’un enfermement « provisoire » redéploie aussi une parole féminine spécifique qui participe de : « la remise en cause de la société et celle du langage ».217 Rebelle, Fikria refuse l’état de claustration que son père lui impose avec le consentement complice de sa mère.S’identifiant, en partie, à celle-ci, elle affirme malgré tout sa fécondité et sa capacité à voir autrement le monde sans l’idéaliser : « La stérilité de mon existence a germé dans le ventre de ma mère, celle de mes petites germera dans le mien. Mes pauvres filles, comme je vous plains, moi, la fautive qui vous enfanterai. » (p.38). On peut déjà dans ce cas précis déceler une volonté de Fikria à fléchir le cours des choses en se signalant féconde par les connotations contenues dans les termes « germera » « enfanterai ». C’est le moi imaginaire et narcissique de Fikria,

216 NAHLOVSKY, Anne-Marie. Op.cit., p. 152.

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qui tend à se substituer au moi social normé condamnant toute créativité. Et, le nouveau monde qu’elle construit semble être conforme au désir profond de son inconscient.

Deux images clés produisant sur le personnage un effet de jouissance considérable et pleinement significatif dans la compréhension du projet scriptural de Nina Bouraoui : c’est la prégnance d’un univers féminin ainsi que celui de l’expression du désir pour les femmes. La lueur d’espoir infiniment jouissive pour Fikria, à valeur identificatrice, émerge dans l’évocation de l’image sensuelle de la nageuse : « (…) une nageuse en costume de bain d’époque est plaquée contre le mur. Un cadre de bois contourne la sculpture de chair, des pétales cristallisés dorent ses pourtours mais, si on regarde de plus près, c’est en fait l’eau d’un denier plongeon qui court sur sa peau. »(p.24). D’autre part, on perçoit que Ourdhia : « native de la terre rouge du désert, bonne à tout faire, à tout essuyer, à tout combler » est aussi une véritable source de bonheur pour la narratrice, qui voit effectivement en elle la figure maternelle et matricielle tant recherchée. A ce titre, le terme guelta (traduit en bas de page) qui signifie trou d’eau, tend en ce sens à justifier cette association :

je tétais son sein vide pendant l’orage, enfouissais ma tête dans son ventre creux ; à travers elle je fuyais la nuit maudite, je captais l’étrange chaleur d’un long corps dont la peau craquelée aux endroits les plus tendres vaporisait sur mon visage les brumes d’une région lointaine, j’étreignais avec mes deux petits bras toute la grandeur d’un paysage(…),bercée par