PARTIE II : PROPOSITION POUR L’ANALYSE DU LIEN ENTRE RSE
CHAPITRE 4 : Proposition de modèles d’analyse du lien entre RSE, formes de
4.2. Présentation d’un modèle d’analyse sur des effets d’interaction
Machin et Wood (2005) ont posé la question de la substitution du syndicalisme par des formes
non institutionnelles et alternatives de communication à travers l’adoption accrue de pratiques
de management des ressources humaines dans le contexte britannique. Dans leur travail, la
gestion des ressources humaines est en effet, considérée comme un éventuel facteur du déclin
du syndicalisme dans les entreprises de Grande-Bretagne ou comme un élément de substitution
des syndicats dans les organisations non syndiquées. Si les auteurs n’ont pas pu aller jusqu’à
confirmer l’hypothèse d’une véritable substitution des pratiques dans le cas britannique, ils ont
néanmoins évoqué que le management des ressources humaines est complémentaire à
l’organisation du travail dans les structures, qu’elles soient syndiquées ou non.
Belfield et Heywood (2004) ont, quant à eux, déterminé un effet direct de la gestion des
ressources humaines et de la participation des employés sur la diminution de la syndicalisation.
Cela rejoint l’hypothèse émise par Guest (1989, 1995) et reprise par Salesina (2012, p.18),
suggérant une « substitution des pratiques de GRH participatives, individualisées et flexibles à
l’action syndicale dans les entreprises, au motif que, concurrençant leur action, elles seraient
perçues comme une menace et subiraient l’opposition des syndicats, ou parce qu’elles seraient
liées à des stratégies de contournement. ».
Ainsi, cela pose la question relativement similaire à ces études, d’un recours moindre à des
formes de participation institutionnelles ou représentatives lorsque des formes non
institutionnelles sont mises en place à travers les pratiques de GRH dans le cas du Luxembourg.
Aussi, et également en référence aux conceptions implicite (institutionnalisée) et explicite
(volontaire) jouant un rôle dans l’adoption de la RSE, on peut suggérer que les entreprises
actives en matière de RSE, privilégient les pratiques de GRH participatives au détriment des
formes représentatives et plus institutionnelles. Ceci suppose de considérer le fait que d’user
des pratiques de GRH participatives, revient à aller au-delà du cadre légal. De plus, les PME
étant d’ordinaire peu outillées et usant de pratiques peu formalisées (Bon, Pensel et Morlet,
2015 ; Imbs et Ramboarison-Lalao, 2013 ; Oueghlissi, 2013 ; Torres, 2000), on peut assimiler
cela à une attitude proactive des PME en matière de RSE. D’où l’intérêt de vérifier cette
relation.
123
Par conséquent, on envisage de tester l’hypothèse selon laquelle il y a une interaction de la mise
en œuvre de pratiques de GRH participatives sur H2. C’est ainsi qu’on obtient notre troisième
hypothèse :
H3 : Les PME luxembourgeoises qui adoptent une démarche RSE et qui ont plus souvent
recours à des pratiques de GRH participatives, recherchent moins souvent une solution
négociée avec les représentants du personnel
124
Figure 11 : Modèle de recherche 2
H2(+
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H3(
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125
Nos premières hypothèses (H1 et H2) s’articulent autour de l’idée que les entreprises qui
adoptent une démarche RSE, vont tendre à favoriser la communication avec les
parties-prenantes. Il peut s’agir de participation directe via des pratiques de GRH participatives (H1),
ou de participation institutionnelle (indirecte) par l’intermédiaire des représentants du personnel
(H2).
L’hypothèse H3, quant à elle, interroge plus spécifiquement l’interaction de la mise en place de
pratiques de GRH participatives sur H2. Elle suggère que les entreprises qui mettent en avant
des pratiques directes et individuelles de participation, vont alors moins développer les formes
institutionnelles, collectives ou indirectes.
126
Résumé du Chapitre 4
Ce quatrième chapitre a été l’occasion de présenter les arguments justifiant la proposition
d’hypothèses contribuant à l’élaboration d’un modèle de recherche.
L’approche par les différentes conceptualisations de la RSE (RSE implicite et explicite), la
théorie des parties-prenantes, les perspectives théoriques intégratives, les déterminants du
dialogue RSE et les systèmes de relations professionnelles, notamment au Luxembourg, ont
amorcé les deux premières hypothèses de recherche dans un modèle d’analyse du lien entre la
RSE et les formes de participation.
Des travaux suggérant la question de la substitution et des interactions entre les formes de
participation ainsi que les différentes conceptualisations de la RSE, ont permis de poser une
troisième hypothèse de recherche dans un second modèle portant sur l’effet d’interaction des
formes de participation.
Nous avons ainsi défini trois hypothèses de recherche que nous proposons de tester
empiriquement. La première (H1), s’attache à considérer l’éventuel recours accru aux pratiques
de GRH participatives (participation directe) par les entreprises adoptant une démarche RSE.
La seconde (H2), pose la même question mais considère un recours accru aux pratiques
participatives indirectes, autrement dit la recherche de solutions négociées avec les
représentants du personnel. H3 sert à vérifier l’influence de la mise en place de pratiques de
GRH participatives sur l’hypothèse H2. En d’autres termes, on suppose que les entreprises qui
adoptent une démarche RSE ont davantage recours à certaines formes de participation plutôt
que d’autres.
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Conclusion de la partie II
Cette partie a été l’occasion de présenter le Luxembourg ainsi que ses caractéristiques en
matière de RSE (Chapitre 3) et de justifier nos hypothèses et notre modèle de recherche
(Chapitre 4).
Le premier chapitre a montré que le Luxembourg est essentiellement composé de petites
structures occupant une large place par rapport aux entreprises de plus de 250 salariés. Une
grande partie du paysage est marquée par les PME qui font du Luxembourg un pays
économiquement dynamique et connaissant une croissance, non seulement de ces entreprises
mais aussi, de l’emploi qu’elles permettent. Ces PME sont, par ailleurs, dotées d’avantages en
termes de RSE, notamment à travers la proximité qu’elles supposent et ce plus spécifiquement
en interne, entre le management et les employés.
Les entreprises luxembourgeoises seraient plus engagées dans la responsabilité
environnementale que sociale. De plus, le Luxembourg se situe dans un modèle particulier de
système de relations professionnelles, l’incluant ainsi dans une culture de la négociation qui lui
est propre. Si les problématiques sociales ne sont pas décentralisées vers l’entreprise, il semble
intéressant de voir si les entreprises qui se déclarent impliquées dans la RSE tendent à favoriser
la participation des salariés. Aussi, des données du LISER, institut de recherche au
Luxembourg, pourraient être analysées en ce sens. C’est pour ces diverses raisons
déterminantes que notre choix se porte sur ce pays dans le cadre de notre étude.
Le chapitre suivant a donné la possibilité d’amener progressivement nos hypothèses de
recherche. Un retour sur des théories de la RSE a permis d’envisager les liens avec les pratiques
afférentes en matière de GRH et de dialogue. De même, certains travaux amenant à considérer
des interactions entre pratiques de GRH et formes représentatives de participation, ont donné
l’occasion de montrer les liens entre les théories et les travaux et de proposer nos hypothèses
sous l’illustration de deux modèles de recherche. Trois hypothèses sont par conséquent
formulées à ce stade de notre travail. Une première hypothèse suggère la mise en œuvre de
pratiques de participation directe des salariés par les entreprises qui adoptent une démarche
RSE (H1). La seconde, quant à elle, suggère la recherche d’une forme de participation indirecte
des entreprises dans le cadre de la RSE, à travers la recherche de solutions négociées avec les
représentants du personnel (H2). Ces deux hypothèses sont proposées dans un premier modèle
d’analyse du lien entre RSE et formes de participation mises en œuvre. La troisième (H3),
sous-128
tend que les entreprises qui favorisent la participation individuelle directe dans le cadre de la
RSE, auraient moins recours aux formes représentatives de participation, soit aux représentants
du personnel. Cette troisième hypothèse fait référence à notre modèle d’analyse de l’effet
d’interaction des formes de participation.
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PARTIE III : LA MÉTHODOLOGIE ET LES RÉSULTATS DE
LA RECHERCHE
La seconde partie de notre travail doctoral a permis d’exposer et de justifier le choix du
Luxembourg pour notre étude. Des hypothèses de recherche ont été formulées et présentées à
travers deux modèles à tester empiriquement.
Il convient dès à présent de consacrer la suite du développement à nos choix méthodologiques.
En effet, il s’agit plus précisément d’expliquer notre positionnement épistémologique dans
lequel s’inscrit notre travail, de décrire notre méthode de recherche mais aussi les choix en
matière d’analyse afin de vérifier nos hypothèses et d’en interpréter les résultats. Cette troisième
partie est ainsi divisée en deux chapitres.
Un premier chapitre précise notre posture épistémologique et détaille la méthode de recherche
adoptée (Chapitre 5).
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Dans le document
Les pratiques de participation des salariés dans les entreprises socialement responsables : le cas des PME luxembourgeoises
(Page 125-134)