PARTIE II : PROPOSITION POUR L’ANALYSE DU LIEN ENTRE RSE
CHAPITRE 3 : Le contexte luxembourgeois
3.1. Le Luxembourg, un territoire caractérisé par les PME dotées de particularités au regard
La première section de ce chapitre vise à réaliser une présentation du Luxembourg à travers ses
spécificités. Dans un premier temps, le Luxembourg est présenté en insistant plus
particulièrement sur la répartition des entreprises constitutives de son paysage. C’est l’occasion
d’observer un territoire marqué par la présence des PME (3.1.1.).
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Dans un second temps, le développement se poursuit en précisant les particularités des PME au
regard de la RSE (3.1.2.)
3.1.1. Un contexte marqué par une présence forte des PME
Une description de la répartition des entreprises qui composent le paysage luxembourgeois est
nécessaire afin de prendre en considération cet élément dans le cadre de notre réflexion.
Répartition des entreprises
Le Luxembourg (cf. encadré 2) est marqué par une présence forte des PME et des très petites
entreprises (TPE). Selon l’institut national de la statistique et des études économiques du
Grand-Duché de Luxembourg (STATEC4) et en en référence à leurs données disponibles les plus
récentes, soit sur l’année 2016, le territoire compte alors 37 313 entreprises. 14 538 d’entre elles
ne comptabilisent aucun salarié, 17 824 en comptent moins de dix, 3 968 ont un effectif de 10
à 49 salariés, 800 entreprises de 50 à 249 salariés et seulement 183 entreprises comprennent
250 salariés et plus. La figure 9 constitue notre représentation de ces données. D’après la fiche
SBA 2017 de la Commission Européenne et sur des estimations de 2016, on compterait plus de
33 000 PME (au sens large), employant plus de 180 000 personnes. Notons ici que malgré la
très forte présence des TPE dans le paysage luxembourgeois, celles-ci sont à écarter de notre
étude en raison du peu de pertinence qu’elles peuvent avoir au sens du management RSE et de
la communication à l’interne. Une fois les TPE écartées du champ, on dénombre donc plus de
4 700 PME (entre 10 et 250 salariés) contre moins de 200 entreprises de plus grande taille (plus
de 250 salariés). Les grandes entreprises représentent ainsi moins d’1 % du territoire.
4 STATEC : National Institute of Statistics and Economic Studies of the Grand Duchy of Luxembourg
http://www.statistiques.public.lu
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Figure 9 : Présentation du paysage luxembourgeois par catégorie d’entreprise en 2016
Source : STATEC (adaptation personnelle)
PME : croissance et emploi
Les PME sont le moteur de l’économie nationale et de l’emploi. Ces entreprises représentent
près de 67 % de l’emploi, un emploi qui a, par ailleurs, connu une importante croissance (+ 9,3
%) entre 2012 et 2016. Ces années ont été marquées par une forte progression des activités de
services administratifs et de soutien. Si ces entreprises ne sont pas très actives dans le secteur
de l’industrie, elles le sont, en revanche, dans le commerce de gros et de détail ainsi que dans
le secteur de l’information et de la communication.
La valeur ajoutée totale des PME quant à elle, a connu une progression d’environ 5,7 % par an
sur la période 2010-2015. Entre 2015 et 2016, une augmentation de la valeur ajoutée des PME
de 3,2 % ainsi qu’une croissance de l’emploi des PME de 3,3 % ont été enregistrées (fiches
SBA 2016, 2017 de la Commission Européenne).
39 %
10,6 %
2,1 %
47,8 %
0,5 %
Les entreprises au Luxembourg en 2016
Sans salariés
10 à 49 salariés
50 à 249 salariés
Moins de 10 salariés
250 et +
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Un pays propice aux PME
Le pays soutient particulièrement ses PME comme en témoigne le budget prévisionnel alloué
aux PME, annoncé en 2017 par communiqué de presse du ministère de l’Economie5. Celui-ci
s’élève à 89 millions d’euros pour les cinq années suivantes (+ 27 % par rapport à 2012-2016).
Dans la fiche SBA 2014 de la Commission Européenne, on précise que le Luxembourg surpasse
ses homologues de l’Union Européenne (UE) sur plusieurs points, tels que le financement, le
commerce international, le marché intérieur ou encore l’innovation.
En effet, en termes de financement par exemple, les PME qui considèrent l’accès au
financement comme difficile sont très peu nombreuses et ne représentent qu’un taux de 6 %.
La part des PME de l’industrie manufacturière impliquée dans le commerce international est
également importante. Elle représente cinq fois la moyenne de l’Union Européenne pour les
PME qui importent et trois fois la moyenne de l’UE concernant les PME qui exportent.
Sur le plan du marché intérieur, le Luxembourg tient une bonne place, puisque dans la fiche
SBA 2014, il n’y a que l’Irlande devant lui et dans le domaine de l’innovation, il prend la
cinquième place sur vingt-huit pays.
Ces données et tendances fluctuent néanmoins selon les années. Il ne s’agit donc pas d’attester
de ces éléments sur la durée mais on peut observer que le Luxembourg semble être un pays
favorable aux PME et à leur croissance.
Ainsi, le Luxembourg compte une majorité de petites et moyennes entreprises qui impulsent
l’économie du pays. Elles représentent la plus grande part de l’emploi qui tend à croître en
parallèle. Le pays soutient le développement des PME et semble propice à leur activité.
5Le Luxembourg soutient les PME. Portail officiel du Grand-Duché de Luxembourg [en ligne], 04/05/2017, mis
à jour le 08/05/2017 [consulté le 26/04/2018]. Disponible sur : www.luxembourg.public.lu
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Encadré 2 : Présentation du Luxembourg
Présentation générale du Luxembourg
Le Luxembourg, bordé par ses voisins que sont la France, l’Allemagne et la Belgique, est un
pays d’une superficie de 2586 km2, ce qui fait de lui l’un des plus petits d’Europe mais très
actif dans les institutions internationales. C’est un pays dont le régime politique est une
démocratie représentative sous la forme d’une monarchie constitutionnelle et sa petite taille,
permet l’établissement d’une proximité entre les décideurs politiques et la population.
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques du Grand-Duché de
Luxembourg (STATEC), avec une croissance démographique favorisée par l’immigration, le
Luxembourg a vu sa population dépasser les 500 000 habitants en 2010.
L’emploi du pays suit également cette courbe depuis le début des années 1980 avec la venue de
nombreux travailleurs frontaliers qui représentent une occupation d’environ 45 % de l’emploi.
L’économie luxembourgeoise quant à elle, est portée par la branche des services financiers. Les
secteurs de l’industrie et de l’agriculture tendent à décroître tandis que les secteurs des
transports et communications connaissent une croissance des plus dynamiques.
Globalement, l’économie a été marquée par trois périodes, une période d’industrialisation avec
une sidérurgie dominante jusque dans les années 1970, une période de diversification
industrielle autour de la chimie et ses dérivés et une période de désindustrialisation avec la crise
de la sidérurgie. Le choc pétrolier a poussé le pays à se diriger davantage vers une économie de
services (Poussing, 2010 ; STATEC).
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3.1.2. La RSE dans les PME
Les PME, par conséquent majoritaires dans le paysage luxembourgeois, sont dotées de
particularités qui peuvent constituer des faiblesses mais aussi des atouts en matière de mise en
œuvre RSE, qu’il semble intéressant de rappeler. Dans cette perspective, on s’appuie
essentiellement sur les travaux de Bon, Pensel et Morlet (2015), Imbs et Ramboarison-Lalao
(2013), Lee J-Y (2018) et Oueghlissi (2013).
La RSE des PME est différente de celle des entreprises de grande taille. Ce type d’entreprise se
démarque par le manque de ressources financières, le manque de compétences adaptées pour la
gestion de la RSE, la simplicité et le peu d’outils dont elles disposent et enfin, le manque de
temps qui les caractérise. Une enquête de l’Observatoire européen réalisée auprès de PME
européennes en 2001, avait pu montrer que les activités RSE des PME se concentrent davantage
sur le parrainage et le mécénat local qui, de surcroît, restent majoritairement des activités
ponctuelles sans grande portée. En outre, la vision du dirigeant de PME, joue aussi un rôle dans
l’engagement RSE de ce type de structures (Bonneveux et Saulquin, 2009 ; Laarraf, Valant
Gandja et Tchankam, 2015 ; Quairel et Auberger, 2005). Cette démarche découlera, en effet,
de ses convictions personnelles. Si la vision du dirigeant joue un rôle dans l’engagement RSE,
il en est de même pour bon nombre de pratiques et politiques de la PME. Selon Adla,
Gallego-Roquelaure et Calamel (2016) ou Pichault et Nizet (2013), la gestion des ressources humaines
entre dans ce cadre.
En outre, une PME est par nature, ancrée dans des approches informelles, ce qui se traduit par
des décisions et des stratégies rarement écrites. Les systèmes d’information peu adaptés et
évoqués plus haut, ont pour conséquence une veille et une communication moins importantes
et moins structurées. La PME a davantage recours au dialogue direct, alors que les grandes
entreprises font appel à des procédés très formalisés pour diffuser et contrôler l’information.
Quand la grande entreprise met en œuvre des plans d’action pour communiquer sur des
décisions, le dirigeant de la PME est assez proche des employés pour donner des explications
sur un changement dans l’organisation ou une décision (Torres, 2000).
Les pratiques RSE seraient ainsi moins formalisées envers les parties-prenantes et c’est
pourquoi également, en 2012, près de la moitié des PME n’étaient pas informées sur la RSE.
Au premier abord, les PME ne semblent donc pas, être dotées des moyens suffisants pour mener
une véritable politique de RSE. Néanmoins, ces faiblesses peuvent être contrebalancées par des
atouts propres à la PME.
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Les PME sont cependant avantagées à certains égards quant à l’appropriation de la RSE et
comparativement aux grandes entreprises.
En effet, la création d’emplois locaux, la proximité avec les parties-prenantes internes et
externes, la connaissance de leur territoire et leur forte insertion au cœur de celui-ci, engendrent
de fait, une proximité mais plus encore, une proximité morale. Ce sont là divers aspects positifs
non négligeables dans la mise en œuvre d’une démarche RSE. Sur cette idée d’obéissance de
la PME au principe de proximité, Torres (2000) fait ressortir une proximité spatiale de la PME
de par sa petite taille, une proximité hiérarchique liée à la centralisation de la gestion, une
proximité fonctionnelle (ou coordination de proximité) dans l’organisation du travail de par une
faible spécialisation, une proximité temporelle de par une stratégie plutôt intuitive et peu
formalisée et enfin, des systèmes d’information de proximité avec des systèmes d’information
internes et externes simples.
Cette notion de proximité avantageuse est notée par Boyer, Scotto, Tiffon (2011) et Vacher et
Mathieu (2016). Les auteurs évoquent une proximité de l’environnement, notamment en
interne, entre les salariés et la hiérarchie. Cette caractéristique amènerait les PME à un
management RH de proximité, tourné vers la qualité, la considération et la confiance en
adéquation avec les valeurs de la RSE. Aussi, il n’est pas en reste que la taille des PME puisse
permettre une forte réactivité de ces dernières, dotées de capacités d’adaptation pour faire face
aux changements.
En finalité, l’ancrage territorial régional couplé à une proximité interne et à la communication
informelle qui caractérisent les PME, favorisent une diffusion rapide des connaissances,
particulièrement en termes d’innovation, ce qui constitue un facteur positif pour le
développement de la RSE.
Ainsi, on constate que la PME est une entreprise propice à l’appropriation de la RSE, avec des
points faibles qui peuvent également se révéler des atouts que les grandes organisations elles,
ne possèdent pas. De plus, la grande entreprise peut être motivée par la profusion d’indicateurs
soutenant son image. C’est une motivation au détriment de la qualité, qui peut être moins
honorable que la motivation d’une PME qui se lancerait dans une démarche par conviction.
Après avoir constaté un territoire luxembourgeois marqué par les PME, particulières au regard
de la RSE, qu’en est-il de la RSE dans ce pays ?
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Dans le document
Les pratiques de participation des salariés dans les entreprises socialement responsables : le cas des PME luxembourgeoises
(Page 104-111)