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L’objectif principal de l’étude était d’identifier les facteurs liés à l’utilité et donc la nécessité de poser une VVP chez les patients de moins de 75 ans se présentant aux urgences. Sur les 318 patients de l’échantillon étudié, 179 patients (53.7%) ont bénéficié de la pose de voie veineuse dont l’utilité a été démontrée, contre 139 patients (46.3 %) pour lesquels la mise en place de cathéter s’est avérée inutile.

En analyse multivariée, seule la catégorie d’âge 45-64 ans (RC 3.05- [1.90- 4.96]) apparaissait comme significativement reliée à l’utilité de la VVP. Le motif d’admission médical ressortait comme significativement en faveur de la non utilité de la VVP.

2. Présentation des résultats principaux

a) Points forts de l’étude

Le premier point fort de notre étude est qu’il s’agit d’une étude originale portant sur l’intérêt de la mise en place des cathéters veineux périphériques chez les patients adultes de moins de 75 ans. On peut souligner également l’originalité de la méthode utilisée ainsi que du choix du critère de jugement principal.

L’intérêt de la VVP représente une problématique fréquemment rencontrée en médecine d’urgence et peu d’études concernant les voies veineuses sont disponibles dans la littérature actuelle.

Par ailleurs, le nombre de patients inclus dans cette étude était conséquent, ce qui lui accorde plus d’intérêt. Evaluer l’intérêt de la pose des cathéters veineux périphériques et ainsi pouvoir améliorer la prise en charge des patients est un sujet d’actualité concernant la pertinence des soins.

Le choix du critère de jugement rappelle que la pose d’une voie veineuse est soumise à une prescription médicale, et même si des protocoles de mise en place existent déjà pour faciliter cette prescription, il s’agit d’une situation standardisée. Dans la pratique si les protocoles existent, le clinicien reste le décisionnaire de la prescription et seul son jugement (lié à ses compétences et son expérience) est roi.

42 b) Faiblesses de l’étude

Le premier point faible remarquable est qu’il existe un biais de sélection induit par le caractère monocentrique de notre étude en CHU. Celui ci influence de manière significative les motifs de recours aux urgences et rend par ce biais difficile l’extrapolation des résultats à la population générale de patients adulte perfusés dans un service d’urgence. En effet l’hôpital Pellegrin du CHU de Bordeaux représente le trauma center de la région aquitaine mais accueille également la filière thrombolyse des patients présentant un AVC dans la région.

Ceci peut donc expliquer le fort pourcentage de patients ayant eu recours pour un motif neurologique dans notre étude. De plus au sein même du bâtiment sont séparés distinctement les urgences vitales (déchoquage) du reste du service, les patients admis immédiatement au sein de ce dernier secteur n’ont pas été inclus. Il faut noter l’existence de filières cardiologiques et chirurgicales (chirurgie viscérale) adressant les patients vers l’hôpital du Haut Lévèque et non aux urgences de Pellegrin, lieu de notre étude.

La méthode utilisée dans l’étude comporte vraisemblablement un biais de mesure, le critère de jugement principal étant évalué par un seul investigateur non indépendant de l’étude de façon rétrospective. L’utilité est ainsi jugée de manière subjective, probablement influencée par le diagnostic final retenu et le degré d’urgence retenu a posteriori.

Le choix de l’utilité de la voie veineuse périphérique dans notre étude plutôt que l’utilisation de celle-ci était en faveur d’une meilleure pertinence clinique. Dans cette étude, l’utilisation (administration d’un traitement aux urgences) manquait de pertinence. En effet, nombreux sont les patients pour lesquels la voie veineuse était utilisée alors qu’une voie alternative était envisageable.

Il aurait probablement été préférable de mettre en place un comité d’évaluation composé de personnes indépendantes à l’étude et qui aurait, pour chaque patient, rendu un jugement consensuel. De plus, devant le flux considérable de passages aux urgences du CHU, certains patients ont pu ne pas être inclus dans l’étude. Cependant devant le nombre total important de patients inclus au final l’effectif parait cohérent avec une exhaustivité de 70%.

Par ailleurs, il s’agit d’une étude rétrospective. Le recueil des données anamnestiques a été complété à posteriori. Les informations fiables et disponibles dans les dossiers étaient limitées. Des données étaient manquantes ou inexactes, notamment concernant le critère de jugement principal (par défaut de prescription informatisée). La lecture des dossiers médicaux informatiques a été entreprise pour récupérer ces données manquantes et pallier ce biais. Cependant ces derniers souffrent également d’un manque de complétude.

Le motif de recours neurologique représente un biais de confusion indéniable, car l’utilisation de la voie veineuse a été systématique chez ces patients (notamment pour la réalisation d’une imagerie injectée). Il faudrait donc potentiellement les exclure lors d’une prochaine étude sur le sujet.

43 3. Interprétation des résultats

Les résultats obtenus dans cette étude ont permis de montrer que 43.7 % des patients perfusés aux urgences portaient une VVP inutile, soit près d’un patient sur deux. Ainsi un grand nombre de cathéters veineux posés aurait pu être évité. Ces résultats confirment l’hypothèse formulée à la base de notre étude.

L’analyse des facteurs liés à l’utilité de la mise en place de la VVP a mis en évidence un lien entre la non utilité des cathéters mis en place et le motif de recours médical.

Les résultats de cette étude amènent donc à repenser et peut être restreindre la pose de la voie veineuse chez les patients jeunes se présentant pour un motif plutôt médical. Le même type d’étude a été mené dans le même centre [7]

chez les personnes âgées de plus de 75 ans. L’utilité de la VVP représentait un critère de jugement secondaire. Au total sur les 117 patients inclus dans l’étude, 48.7 % étaient porteurs d’une VVP utile. Le motif de recours médical était également en lien avec la non utilité des cathéters veineux périphériques. Ces résultats sont relativement comparables à ceux observés dans notre étude.

Si l’on s’intéresse plus précisément aux motifs de recours évalués dans notre travail : les motifs traumatisme crânien et traumatisme périphérique, en analyse multivariée ne représentaient pas un facteur prédictif envers l’utilité ou non du cathéter veineux périphérique. Ces derniers résultats diffèrent de ceux obtenus en analyse univariée.Chez les patients de plus de 75 ans [7] un lien entre l’inutilité de la voie veineuse périphérique était retrouvé, mais l’effectif de patients traumatisés crâniens était plus important que dans notre étude.

La différence constatée entre les résultats des analyses en univariée et en multivariée peut être expliquée par le faible effectif des motifs traumatismes crâniens et périphériques dans notre étude en rapport probablement avec un problème de puissance. Cette différence peut être également justifiée par la population plus jeune et les chutes (responsables de traumatismes) significativement moins importantes.

Lorsque l’on compare les motifs de recours déjà étudiés dans la littérature et notamment lors de l’étude nationale en 2014 organisée par la DREES : le motif principal concernait la pathologie traumatique, qui représentait la majeure partie des motifs de recours chez les patients de moins de 25 ans.

Si l’on sélectionnait les patients de moins de 75 ans uniquement dans cette dernière étude, ce sont toujours les pathologies traumatiques que l’on retrouvait en majorité dans les motifs de recours. S’en suivait les motifs médicaux. Le motif neurologique était inclus dans les motifs de recours médicaux.

44 Dans la région PACA, les résultats obtenus semblent plus proches de ceux de notre échantillon : Tout patient confondu le motif de recours le plus fréquent concerne les pathologies médico-chirurgicales pour 64,9% des patients alors que la traumatologie n'en représente que 32%.

Le faible pourcentage de recours traumatologique dans notre étude (5.3 %) peut paraitre au premier abord étonnant. En effet, les données de la littérature mettent en évidence la traumatologie comme motif de recours principal chez les patients de moins de 75 ans. Ces données contrastent beaucoup avec nos résultats. Or, seuls les patients perfusés ont été inclus dans notre étude. On peut imaginer qu’ils représentent une partie uniquement de tous les patients se présentant pour ce motif là (patients perfusés et non perfusés), ce qui peut expliquer la différence constatée.

Par ailleurs, si on s’intéresse aux caractéristiques de notre échantillon de patients : l’analyse de la population incluse mettait en évidence une légère prédominance d’hommes 56.3 % (n= 179). Ces résultats rejoignent globalement ceux du rapport établi par la DREES en 2014 : 58 % d’hommes, contre 48% d’hommes dans le rapport réalisé par l'Observatoire des urgences de la région PACA.

Dans ce dernier rapport la moyenne d’âge des patients fréquentant les urgences était estimée à 37.2 ans. La médiane dans notre population étudiée est de 45 ans. Cette différence peut s’expliquer par la proportion de patients jeunes dont le passage aux urgences n’est pas marqué par la pose de VVP.

Un autre élément à prendre en compte dans les résultats de la région PACA est la présence d’une population pédiatrique, non incluse dans notre étude qui peut aussi expliquer cette discordance.

De même le fort pourcentage de motif de recours neurologique contrastant avec les données nationales et régionales peut se justifier par le centre de référence aquitain de neurologie (et la filière thrombolyse pour les AVC du département) que constitue le CHU de Bordeaux, attirant un plus grand nombre de patients pour cause neurologique, ce qui se répercute dans les résultats obtenus dans notre étude.

Les résultats obtenus dans ce travail concernant la douleur n’ont pas permis de démontrer un lien avec l’utilité ou l’inutilité de la VVP chez les patients douloureux. On aurait pu s’attendre a une proportion plus importante de patient douloureux et à une médiane de douleur plus importante dans le groupe voie veineuse jugée utile. Ils ont certainement été sous-estimés car les patients étaient considérés comme non algiques si la notion de douleur n’était pas renseignée.

Enfin, la réalisation de cette étude a permis d’évaluer les pratiques du service. La motivation initiale de mise en place des VVP lors de la venue des patients aux urgences respectait les recommandations établies par la HAS [1] en 2005 : 44 % des patients de notre étude recevaient le dispositif intra veineux secondaire à la prescription d’un traitement intra veineux, 7.5 % pour une hydratation par voie intraveineuse.

45 Un quart des cathéters ont été posés « si besoin », et 23 % parce qu’un autre prélèvement était prévu. Ces résultats sont comparables avec la seule étude publiée sur le même sujet à Béziers [32] dans plusieurs centres où le taux de cathéters posés en « si besoin » représentait 24 % de la population.

Ces chiffres démontrent une meilleure adéquation entre les recommandations théoriques et leur application en pratique par rapport la pose de cathéters veineux périphériques chez les personnes âgées [7] aux urgences du CHU de Bordeaux (motivation « si besoin » dans 51.3 % des cas).

Les conditions de pose respectaient elles aussi dans la majorité des cas les recommandations [1] : 50.6 % des voies veineuses étaient disposées en distalité au niveau de l’avant-bras, et 32.4 % au niveau du pli du coude.

La proportion non négligeable de pose de voie veineuse au niveau du pli du coude peut être expliquée par une éventuelle zone d’accès plus rapide pour le personnel infirmier, ces derniers devant fréquemment réaliser ce geste en peu de temps et dans des conditions urgentes.

La Chlorhexidine alcoolique a été utilisée dans 50.9 % des cas pour réaliser l’antisepsie de la zone cutanée. La Bétadine alcoolique a été utilisée dans 17.3 % des cas. L’alcool à 70 degrés a été utilisé que dans 7.3 % des cas et la détersion n’a été réalisée que chez 4 patients soit 1.3 % des poses. Depuis 2016 [17], (comme décrit dans le chapitre cathéters veineux périphériques) la chlorhexidine alcoolique représente l’antiseptique de premier choix à utiliser avant l’insertion du cathéter sans détersion préalable (si la peau est visiblement non souillée). Il pourrait être intéressant de pouvoir revoir les protocoles d’antisepsie aux urgences afin de pouvoir actualiser les pratiques à ces dernières recommandations.

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