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3 Présentation du projet de développement de la zone d’épidémiologie

Chapitre III. Méthodologie et modèle d’analyse

III- 3 Présentation du projet de développement de la zone d’épidémiologie

Comme nous l’avons souligné plus haut, notre étude s’inscrit dans le cadre d’un vaste projet de recherche portant sur le développement d’une zone circonscrite d’études épidémiologiques en psychiatrie dans le Sud-Ouest de Montréal. Il s’agit d’un projet financé pour cinq ans (de 2006 à 2010) par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et dirigé par le docteur Jean Caron, chercheur à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et professeur agrégé au département de psychiatrie de l’Université McGill.

Pour les chercheurs impliqués dans le projet, il fallait corriger certaines lacunes de l’Enquête sur la santé des collectivités canadiennes (ESCC) par exemple, saisir l’interaction complexe entre les facteurs de risque et les facteurs de protection en santé mentale, comprendre les différents mécanismes précédant au déclenchement de la symptomatologie et la prise en charge des patients par les services formels, les services communautaires ainsi que les réseaux informels.

Il était aussi important, selon eux, de ne plus se limiter aux approches quantitatives si on veut comprendre les mécanismes du milieu qui agissent comme déterminants de la santé mentale et/ou comme facteurs associés à la prise en charge des personnes ayant un problème de santé mentale. Une approche combinant à la fois les techniques quantitatives et les méthodes qualitatives peut permettre de saisir les effets du contexte physique,

sociopolitique et économique pour enrichir la littérature scientifique et aider à une meilleure planification des services. De ce fait, les chercheurs ont identifié quatre objectifs majeurs pour l’étude :

« 1) Examiner les liens et les interactions entre les déterminants personnels, l’écologie des quartiers (l’environnement physique et socioéconomique) et la santé mentale de chacun des quartiers de cette zone; l’incidence et la prévalence de la détresse psychologique, des troubles mentaux, l’abus de substances, le jeu pathologique, le suicide, les para-suicides et les comportements à risque; le niveau de bien-être psychologique et la qualité de vie; les facteurs de protection et les facteurs de risque en santé mentale; les effets de la pauvreté sur les différentes problématiques; les problématiques reliées à la santé mentale des populations immigrantes;

2) Identifier les conditions qui facilitent l’intégration des personnes présentant des problèmes de santé mentale dans chacune des communautés et les obstacles à cette intégration; stigma social, comportements antisociaux, comportements à risque et problèmes judiciaires;

3) Apprécier l’impact sur la santé mentale du contexte écologique des quartiers tant du point de vue social et économique que physique : cohésion sociale, liens sociaux et capital social et culturel; infrastructure sociale; paramètres économiques; paramètres physiques; 4) Vérifier l’adéquation des services de santé mentale aux besoins de la population telle l’organisation et la dynamique des réseaux de services; déterminer les trajectoires d’accès aux services formels de santé mentale – réseau MSSS et organismes communautaires; identifier les paramètres reliés aux taux d’utilisation des services et à la satisfaction des usagers » (tiré du protocole de recherche).

Les activités de l’équipe du projet ont débuté depuis 2005 et la première phase de collecte de données s’est effectuée entre mai 2007 et août 2008 et la collecte des données pour la deuxième phase s’est achevée en 2010. Parallèlement à l’étude épidémiologique longitudinale sous forme d’enquête communautaire, des études qualitatives visant à mieux comprendre la dynamique territoriale en lien avec les déterminants de la santé mentale et de l’utilisation des services sont menées. La dimension spatiale de l’étude est effectuée à l’aide

du système d’information géographique (SIG). Ce SIG, élaboré à la chaire de recherche du Canada en santé des populations et déterminants biopsychosociaux dirigée par le docteur Mark Daniel, couvre le territoire de la région métropolitaine de Montréal et a été développé dans un but de mieux appréhender les déterminants territoriaux de la santé. Il comporte des variables géoréférencées qui serviront à la caractérisation des quartiers. A la fin du projet, on procèdera à la triangulation des données issues de l’étude longitudinale et des études qualitatives spécifiques.

Ce qui précède montre très clairement le caractère pluridisciplinaire du projet de recherche dans lequel s’inscrit notre thèse doctorale. Toutefois, notre programme d’étude, à savoir le programme de doctorat en sciences humaines appliquées, se veut plutôt interdisciplinaire. De ce fait, il nous revient de construire un pont entre l’interdisciplinarité (utilisation de plusieurs disciplines mais sous la domination d’une de ces disciplines qui s’impose aux autres en tant que champ intégrateur. Le système présente ici deux niveaux et on trouve l’hégémonie d’une discipline sur les autres) et la pluridisciplinarité qui consiste à faire coexister (que ce soit consciemment ou non) le travail de plusieurs disciplines à un même objet / sujet d'étude. Dans la présente étude, les informations empruntées aux différentes disciplines seront mises au service de l’épidémiologie en tant que discipline maîtresse. L’autre originalité de notre étude est que nous ne nous limiterons pas à l’approche de l’épidémiologie classique. Dans l’analyse et l’interprétation de nos résultats, nous tenterons de rechercher comment l’organisation spatiale des services de santé influence leur utilisation. Nous irons aussi dans le champ de l’anthropologie et de l’ethnologie pour rechercher s’il est possible de dé-construire ou de co-construire la définition de la santé mentale et des services de santé pour mieux comprendre les facteurs explicatifs de l’utilisation et/ou de la non-utilisation des services.