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Chapitre II : État des connaissances

II- 3-5 La Culture

Les options de recours aux services de santé varient considérablement d’un pays à un autre et d’une culture à une autre. Comme le fait remarquer Quah (2005),

« even in a modern developed country like the United States, people may not look at modern medicine as the only or right option. In the discussion of culture and

health, reference must be made to the wide range of healing options found in most societies today. For the sake of clarity and expediency, it is useful to consider all healing options as falling into three general categories: the modern or western biomedicine system; traditional medicines systems; and popular medicine » (Quah 2005).

Cette clarification montre combien la notion même de recours aux soins de santé est chargée de connotation culturelle. De plus, plusieurs auteurs ont montré que même le nombre d’années depuis l’arrivée de l’immigrant a peu d’influence sur la perception qu’il a de la maladie et de l’utilisation des services de santé (Gater and Goldberg 1991; Flores, Abreu et al. 1998; Gater, Jordanova et al. 2005) . Selon plusieurs auteurs (Saha, Taggart et al. 2000; Knipscheer and Kleber 2001; Soskolne, Auslander et al. 2006; Dias, Severo et al. 2008), les immigrants préfèrent le plus souvent rechercher de l’aide auprès des membres de leur famille ou au sein de leur communauté ethnique. La barrière linguistique serait aussi un facteur expliquant la faible utilisation des services de santé par les immigrants puisqu’elle empêche une communication directe entre le professionnel de santé et l’usager (Woloshin, Schwartz et al. 1997; Flores, Abreu et al. 1998; Minh Lan Trân 2004; Flores 2006).

Dans les pays européens, l’OMS (2005) note que « le recours aux services d’aide et les voies assez inopportunes et inefficaces empruntées pour aborder les services psychiatriques sont typiques de l’utilisation que font les minorités ethniques des services de santé mentale » (OMS 2005). Le recours tardif aux services de santé mentale par ces immigrants aggrave généralement leur état de santé. Des études menées auprès de 164 cabinets de médecins généralistes révèlent que l’ethnie asiatique à elle seule représente 28% de la variation prescriptions d’antidépresseurs et 20,5% de celle des anxiolytiques (Hull, Cornwell et al. 2001).

En Israël, Soskolne et al. (2005) trouvent que les immigrants russes n’utilisent presque pas les services de santé durant les premières années de leur arrivée (Soskolne, Auslander et al. 2006). En Australie, 60% de réfugiés Tamul déclarent ne pas utiliser les services de santé et

34% n’ont jamais recherché un soutien en counselling (Silove, Steel et al. 1999; Davidson, Skull et al. 2004).

La plupart des études faites aux États-Unis montrent de façon unanime que les Américains d’origine africaine, asiatique et les latino-américains utilisent moins les services de santé (Berkanovic, Telesky et al. 1981; Clair, Smeriglio et al. 1989; Fiscella, Franks et al. 1998) et presque pas les services de santé mentale (Scheffler and Miller 1991; Commander, Sashi Dharan et al. 1997a; Commander, Sashi Dharan et al. 1997b; Dickey and Blumberg 2002; McMillen, Scott et al. 2004; Koopmans and Lamers 2007) comparativement aux américains de souche. Chez les Latino Américains, la langue est le premier obstacle à l’utilisation des services de santé, loin devant les considérations économiques et culturelles. En Ontario, Woloshin et al. (1997) montrent que le fait de ne pas pouvoir s’exprimer en anglais limite l’accès des femmes aux services de la médecine préventive (Woloshin, Schwartz et al. 1997). Mentionnons néanmoins que les études américaines se comparent difficilement aux études canadiennes puisque l’assurance santé universelle rend les soins de santé sont gratuites au Canada, ce qui n’est pas le cas des Américains.

Selon Salas et Sushrut (2004), la sous-utilisation des services en santé mentale dans les pays européens s’explique par le fait que les aspects liés aux convictions spirituelles des patients sont rarement considérés comme prioritaires et, lorsque les services de santé mentale en tiennent compte, c’est le plus souvent dans une optique chrétienne (Salas and Sushrut 2004).

Analysant les données de l'Enquête nationale sur la santé de la population de Statistique Canada pour 1996–1997, Newbold et al. (2006) montrent que 41% seulement des immigrants ayant vécu moins de 5 ans au pays utilisent les services de santé dentaire contre 60% de ceux qui y séjournaient depuis plus de 10 ans (Newbold and Patel 2006).

Des études faites au Québec confirment aussi la sous-utilisation des services en santé mentale par les immigrants (Jimenez, Oxman-Martinez et al. 2000; Bielinski 2001; Minh Lan Trân 2004). A Montréal, Kirmayer et al. (2007) ont trouvé des différences significatives entre les immigrants et les non immigrants en ce qui concerne l’utilisation des

services en santé mentale. Selon les résultats de leurs travaux, 1% des immigrants contre 5% des non-immigrants avaient consulté un psychiatre (p<0,001); 1% des immigrants et 1% des non-immigrants avaient consulté un travailleur social pour des problèmes de santé mentale (p<0,001) et 5% des immigrants contre 14% des non-immigrants avaient consulté divers autres services pour cause de trouble mental (p<0,001) (Kirmayer, Weinfeld et al. 2007).

Toutefois, il faut préciser que la sous-utilisation des services par les immigrants pourrait s’expliquer en partie par le fait que les immigrants sont sélectionnés dès le départ sur la base de leur état de santé. De ce fait, ceux qui arrivent au pays sont déjà en bonne santé et ont moins de risque de consulter un professionnel de santé dans les premières années de leur installation. Ce phénomène est plus connu sous le nom de healthy worker effect (Li and Sung 1999; Shah 2009).