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Présentation du problème et identification des critères de choix de l’approximation

Chapitre 5 : Analyse a priori

2. Analyse a priori du problème de lissage

2.2 Présentation du problème et identification des critères de choix de l’approximation

2.2.1 L’énoncé du problème donné aux étudiants

Nous avons distribué aux étudiants ayant participé à l’expérimentation une feuille sur laquelle ils pouvaient lire l’énoncé suivant :

Ci-dessous des valeurs yi, entachées d'erreurs aléatoires pouvant aller jusqu'à 10 %.

Ces valeurs sont issues d'un polynôme P de degré 3 de coefficients inconnus, évalué en xi.

On propose cinq approximations de ce polynôme. Choisissez celle qui approche au mieux ce polynôme :

• sur l'intervalle [0;20] • sur [0 ; +∞ [

Vous expliquerez les raisons pour lesquelles vous retenez ou vous refusez chacune des approximations.

Les données :

xi 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

yi 1.22 1.41 1.38 1.42 1.48 1.58 1.84 1.79 2.03 2.04 2.17 2.36 2.30 2.57 2.52 2.85 2.93 3.03 3.07 3.31 3.48

Les fonctions d'approximation :

Proposition 1 : polynôme de degré 2 de représentation algébrique : f1(x) = 1.2310 + 0.0752 x + 1.789 × 10-3 x2

Proposition 2 : polynôme de degré 3 de représentation algébrique : f2(x) = 1.2429 + 0.06706 x + 2.833×10-3 x2 – 3.48 ×10-5 x3

Proposition 3 : polynôme de degré 4, de représentation algébrique : f3(x) = 1.2712 + 0.0308 x + 0.0115 x2 – 7.1626 ×10-4 x3 + 1.704 ×10-5 x4 Proposition 4 :

• elle passe par chacun des points (xi, yi)

• sur chaque intervalle [xi ; yi], f4 est un polynôme de degré inférieur ou

égal à 3

• elle est deux fois dérivable et sa dérivée seconde est continue

• sa représentation algébrique est la suivante (sur chaque intervalle [xi ; yi]) : f4/[0;1] = -0.0634 x3 +0.2534 x + 1.22 f4/[1;2] = 0.0971 x3 – 0.4816 x2 + 0.7350x +1.0594 f4/[2;3] = -0.0350 x3 + 0.3115 x2 – 0.8512x + 2.1170 f4/[3;4] = -0.0068 x3 +0.0573 x2 - 0.0888x - 1.3545 f4/[4;5] = 0.0824 x3 – 1.0134 x2 + 4.1946x – 4.3567 f4/[5;6] = -0.2027 x3 + 3.2644 x2 – 17.1950x +31.2926 f4/[6;7] = 0.2587 x3 – 5.0433 x2 + 32.6515x - 68.4004 f4/[7;8] = -0.2322 x3 + 5.2671 x2 – 39.5216x + 100.0035 f4/[8;9] = 0.1501 x3 – 3.9093 x2 + 33.89x – 95.7614 f4/[9;10] = -0.0183 x3 + 0.6385 x2 – 7.0407x + 27.0315 f4/[10;11] = -0.1369 x3 + 4.1963 x2 – 42.6183x+145.6237 f4/[11;12] = 0.2559 x3 – 8.7664 x2 + 99.9715x - 377.2058 f4/[12;13] = -0.3067 x3 + 11.4889 x2 – 143.0930x+ 595.0525 f4/[13;14] = 0.3210 x3 – 12.9950 x2 + 175.1989x – 784.2127 f4/[14;15] = -0.2774 x3 + 12.1434 x2 – 176.7401x+ 858.1695 f4/[15,16] = 0.1588 x3 – 7.4923 x2 + 117.7970x – 614.5163 f4/[16,17] = -0.0879 x3 + 4.3574 x2 – 71.7991x+ 396.6630 f4/[17,18] = 0.1131 x3 – 5.9000 x2 + 102.5777x – 591.4725 f4/[18,19] = -0.1045 x3 + 5.8522 x2 – 108.9627x+ 677.7704 f4/[19,20] = 0.0349 x3 – 2.0940 x2 + 42.0168x – 278.4334

Proposition 5 : f5 est le polynôme de degré inférieur ou égal à 3, prenant les quatre

valeurs f5(0) = 1,22 ; f5(6) = 1,84 ; f5(13) = 2,57 et f5 (20)=3,48 :

f5(x)= 8,817×10-5x3 - 0.00160x2 + 0.10977x + 1.2200 Vous pouvez :

• Evaluer f1, f2, f3, f4 et f5 en tout x réel. (ouvrir dans Maple le fichier

("lissage.mws") et taper la commande "> fi(valeur);" avec i=1..5 pour évaluer fi pour i=1..5"

• Avoir une représentation graphique (conjointement ou non) d'une ou

plusieurs fonctions fi et des données (xi ,yi). Par exemple, pour avoir

une représentation graphique des données représentées par des points, et de la fonction f3, taper la commande :

> with(plots):

> A:=plot(xiyi,style=point): > B:=plot(f3,0..20):

> display({A,B}); "on obtient la figure" :

"

• Faire toute opération de votre choix dans Maple. Expliquez alors ce

que vous faites et vos raisons.

2.2.2 Maple

L’énoncé du problème suggère aux étudiants d’utiliser le logiciel Maple. Il donne des indications sur le type d’opérations qu’il leur est possible d’effectuer dans Maple. La littérature sur les environnements informatiques d’algèbre et de calcul formel atteste de leurs effets stimulant auprès des étudiants par les feed-back qu’ils permettent (Dreyfus and Hillel, 1998) et parce qu’ils permettent aux étudiants de développer des intuitions visuelles avant de mettre en œuvre les outils formels d’une théorie (Tall, 2000a). Par ailleurs, l’usage de tels environnements permet d’effectuer des calculs et de donner à voir des représentations auxquelles il aurait été difficile d’accéder dans un temps raisonnable pour une expérimentation sans l’usage d’un logiciel permettant du « calcul » sur les représentations d’une fonction. Le choix particulier de Maple a été fait parce qu’il permettait la mise en œuvre des outils nécessaires à l’expérimentation et qu’il avait déjà été utilisé par la majorité du public participant à l’expérimentation.

La littérature donne aussi des avertissements concernant de tels usages. Les processus d’instrumentation (c’est-à-dire comment l’outil devient un instrument pour l’activité

mathématique) se révèlent complexes (Artigue, 2001). Nous verrons au cours de l’analyse certaines difficultés qui ont pu apparaître liées aux spécificités de Maple (en particulier, pour les représentations graphiques des fonctions sur [0 ; +∝[. Ces difficultés ont parfois pu être intéressantes car révélatrices de la capacité qu’ont eu ou non les étudiants à dépasser les contraintes de Maple. Cependant, nous ne mènerons pas d’analyse prenant systématiquement en charge ces spécificités, celles-ci ne nous étant pas apparues déterminantes pour les éléments d’analyse retenus dans les protocoles : d’une part parce que Maple (ses outils de calcul formel et numérique) était familier aux étudiants ayant participé à l’expérimentation, d’autre part parce que les questionnements de notre problématique, qui ont guidé l’analyse, ne nous sont pas apparus comme significativement perturbés par ces spécificités.

2.2.3 Quelques remarques sur les caractéristiques de ce problème

Tout d’abord, pourquoi annoncer que les valeurs yi sont issues d’un polynôme de degré 3 ? Cela permet de fermer en partie le problème relativement à la notion d’approximation. Cela présentait différents avantages. Tout d’abord, nous ne cherchions pas une situation adidactique relativement aux questions d’approximation, mais bien relativement à la notion de fonction. Annoncer que P est un polynôme de degré 3 permet de fermer beaucoup de questions autour de la nature de l’approximation. Cependant, la situation nécessite tout de même de qualifier les propriétés de l’approximation, et en cela donnait accès à la manière dont l’objet P est défini. En cela, la situation permettait de savoir comment la fonction était qualifiée par les conceptions des sujets, au travers des propriétés données à l’approximation. Il parait également légitime de se demander pourquoi ne pas proposer de fonction polynôme de degré 1, ce que nous avions prévu initialement. Or nous avons pu constater, au cours d’un pré expérimentation, que la présence d’un polynôme de degré 1 n’apportait rien de plus à celle d’un polynôme de degré 2 dans la construction des critère de choix d’une meilleure approximation, car tous deux étaient traités sous le même critère de choix, à savoir être un polynôme de degré inférieur à 3.

Nous pouvons aussi questionner le choix de points équidistants. Nous avons également pu constater que la présence de points non équidistants était un élément fortement perturbateur pour les étudiants. Nous avons décidé de ne pas introduire de discussion sur la répartition des points afin de ne pas rendre la situation trop complexe à gérer pour l’analyse didactique, sans avoir pour autant de gain qualitatif sur les critères de choix et de qualité de l’approximation.

Nous avons fait le choix de l’intervalle [0 ; 20] car il constitue un intervalle fermé, d’une amplitude « raisonnable », c’est-à-dire dans l’échelle des amplitudes rencontrées dans les problèmes usuels des manuels d’introduction à l’analyse numérique.

Enfin, il est important de remarquer que les représentations analytiques de f4 ne sont pas

nécessaires, puisque la régularité et le fait de passer par les points xiyi suffisent à définir f4.

D’ailleurs, les coefficients des représentations analytiques données dans l’énoncé sont des valeurs approchées des coefficients de f4. Alors, pourquoi proposer ces représentations

(monstrueuses…) ? Il y a plusieurs raisons à cela. D’une part, Maple donne à voir ces représentations dès que l’on définie f4 comme une spline C2 reliant les points xiyi. D’autre part, notre pré expérimentation montrait que la proposition 4 était déconsidérée car non définie analytiquement. Or nous souhaitions que d’autres critères soient construits à son propos. L’analyse a priori montre en particulier que la conception analytique valide f4, ce qui n’apparaissait pas en l’absence des représentations analytiques (voir ci-dessous).

2.2.4 Critères de choix de l’approximation [0 ; 20]

Il est nécessaire, pour décider du choix d’une meilleure approximation de P sur [0 ; 20], de construire un critère de meilleure approximation, qui désignera les propriétés de l’approximation. Un critère classique, nous l’avons vu lors de l’étude des problèmes d’approximation, consiste d’une part à minimiser l’écart aux données en faisant le choix d'une mesure discrète aux données et d’autre part à assurer que l’approximation ait la régularité souhaitée (par exemple, le polynôme dont sont issues les données étant de degré 3, on peut demande à l’approximation d’être un polynôme de degré 3, ce qui permet en particulier d’assurer que l’approximation ne comporte pas trop de variations entre les valeurs xi). P étant inconnu, il n’est pas possible de décider entre f1, f2, f3 et f5, laquelle de ces fonction est une meilleure approximation (au sens où elle minimise la mesure discrète (fi – P(xi)i=0…20). La

conscience de cette incertitude, constitue un critère de validation de la solution choisie.

Nous faisons ci-dessous une liste des critères de choix de l’approximation susceptibles d’apparaître, sans donner de résolution du problème. Puis, dans un second temps, nous proposons une résolution du problème par chacune des conceptions courbe, analytique et objet. Nous verrons que ces conceptions se saisissent d’un ou plusieurs des critères listés en amont.

"Proximité graphique des points xiyi et de la courbe" :

Les représentations graphiques permettent d'évaluer visuellement la proximité des fonctions fi

aux points. Elles se révèlent inefficaces pour distinguer une meilleure approximation parmi f1,

f2, f3 car les courbes sont visuellement très proches. Elles permettent d'identifier f5 (en bleu)

comme la seule fonction laissant toutes les données en dessous de la représentation graphique, ce qui peut laisser présager que f5 n’est pas un minorant de la mesure discrète aux données yi.

Le registre graphique permet de vérifier que f4 passe par tous les points.

o Voici la procédure de tracé des courbes dans Maple et le résultat du tracé :

> A:=plot(xiyi,style=point): > B:=plot(f1(x),x=0..20,color=red): > C:=plot(f2(x),x=0..20,color=green): > E:=plot(f3(x),x=0..20,color=yellow): > F:=plot(f4(x),x=0..20,color=black): > G:=plot(f5(x),x=0..20,color=blue): > display({A,B,C,E,F});

ƒ soit e1= 1 0..20 ( )j j j f x y = −

≈0.09503 ; e2= 2 0..20 ( )j j j f x y = −

≈0.0942 ; e3≈0.0893 ; e4=0 ; e5 ≈ 0.1835.

f4 annule l’écart, et f3, qui est le polynôme de plus haut degré minimise la les autres écarts.

ƒ Voici la procédure de calcul de e1 dans Maple :

> M:=map(f1,xi):

> d1:=zip((x,y)->abs(x-y),M,yi): > add(i,i=d1);

ƒ Autre mesure possible des écarts avec e1= 2 1( )j j j f x y  −   

≈1.1863 ; e2= 2( )j j 2 j f x y  −   

≈1.1821 ; e3≈1.1653 ; e4≈1.4619.

De même, f4 annule l’écart, et f3, qui est le polynôme de plus haut degré minimise les autres écarts.

ƒ procédure de calcul de cet écart dans Maple :

> M:=map(f3,xi):

> d2:=zip((x,y)->(x-y)^2,M,yi): > add(i,i=d2);

Nous verrons que f4 ou f3 peuvent être choisis selon le critère des écarts aux yi selon que ce critère s’associe ou non à un critère de régularité de la courbe de l’approximation.

Critères sur les régularités de l’approximation :

Critère « l’approximation est un polynôme » :

L'approximation choisie sera un polynôme, c'est-à-dire une fonction d'expression analytique Σakxk. Ce critère invalide f4.

Critère « nombre de variations » :

L’approximation est une fonction dont les variations sont représentatives de celles de f. Le registre graphique permet d'observer que la courbe f4 passe par toutes les points donnés et

comporte donc de nombreuses oscillations, ce qui est différent du comportement prévu de la courbe de P. Le registre graphique permet en revanche de valider les variations des autres fonctions fi.

L'approximation est un polynôme de degré 3, c'est-à-dire une fonction dont l'expression analytique est de la forme ax3+bx2+cx+d. Ce critère fait le choix de f2 et f5.

Critère "l'approximation est un polynôme de degré minimum" :

Ce critère fait le choix de f1, qui est le polynôme de degré le plus faible (à moindre coût de

calcul pour des estimations des valeurs f(x) pour x appartenant à [0 ; 20]).

Contrôles sur l’incertitude du problème :

Le problème a un caractère « mal défini ». La notion d’approximation n’est pas absolue mais relative à un contexte qui rend légitime le choix d’un critère ou plusieurs. Les sujets ont à leur charge de fixer ces critères. Dans notre problème particulier, les contraintes du savoir mathématique en jeu laissent ouverts les choix d’une meilleure approximation38. Cette incertitude offre l’avantage de favoriser les discussions, parce que les choix sont ouverts. Par ailleurs cette incertitude ne prend pas le même sens selon la conception engagée : il nous semblait intéressant de voir si les étudiants étaient conscients de cette incertitude, et les cas échéant, de déterminer la manière dont ils la contrôlaient. En revanche, la situation manque de régulation externe par le milieu et cela peut favoriser l’apparition de rapports d’autorité ou des comportements contingents des étudiants.

2.3 Choix d’une meilleure approximation sur [0 ; 20] par les conceptions