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Présentation des outils d’analyse

1. Le sens du lexique

Le sens est défini de manière générale comme étant le produit d’une conjugaison des mots du lexique et de la syntaxe qui gère la distribution de ces mots. Il dépend donc d’un ensemble de distributions lexico-syntaxiques. C’est ainsi que nous délimiterons, pour l’étape suivante de notre travail qui consiste à la description de la relation méronymique dans le cadre anaphorique-en tant que sens résultant de la corrélation d’au moins deux unités lexicales-, deux axes essentiels qui sont susceptibles de rendre compte de cette configuration dans le discours. Ces deux axes sont la forme du lexique et la structure de l’énoncé.

D’après Riegel, la structuration sémantique du lexique s’opère en premier lieu, sur la délimitation et la distinction des différentes significations attachées à un mot (définition, polysémie). En second lieu, sur les relations d’identité, d’opposition et d’implication sémantique entre les mots (synonymie, homonymie, méronymie, etc.). Enfin, sur l’analyse de l’information sémantique (les sèmes ou traits sémantiques) véhiculée par les mots, qui marque souvent des oppositions binaires.1

Dans cette partie, nous essayerons de détailler la nature de la relation sémantique méronymique entre les deux unités lexicales, explicites ou implicites, formant le site anaphorique, en recourant à la théorie des trois fonctions primaires en vue de classer nos occurrences en termes de prédicats, d’arguments et d’actualisateurs. Cette étude va nous permettre de récupérer les éléments élidés dans l’anaphore associative méronymique et d’établir un lien entre la fonction prédicative ou argumentale des éléments figurant dans la structure de surface et les cas d’ellipse.

2. La théorie des trois fonctions primaires Définition :

P.A. Buvet 2 la définit comme étant une « théorie [qui] s’inscrit dans la lignée des théories qui ont comme point de départ les analyses de Zellig S. Harris. Elle a pour finalité d’expliquer les mécanismes langagiers en privilégiant le lexique comme objet d’étude. Il s’agit d’analyser

1

RIEGEL M., et al, Grammaire méthodique du français, Quadrige, 2004 : 558

2

BUVET P.-A., 2011, « Des unités lexicales aux unités discursives : la catégorisation sémantico-énonciative des prédicats ».L’unité en sciences du langage. Actes des neuvièmes journées scientifiques du réseau L.T.T.éd.

conjointement les propriétés morphologiques, syntaxiques et sémantiques des unités linguistiques selon qu’elles fonctionnent comme des prédicats (fonction prédicative), des arguments (fonction argumentale) ou des actualisateurs (fonction actualisatrice) ».

Selon Mejri S., « cette théorie est fondée sur deux catégorisations des unités linguistiques : l’une est de nature morphosyntaxique, l’autre de nature syntactico-sémantique »1. La notion d’emploi est donc fondamentale pour cette théorie dans la mesure où le mot est considéré non seulement à partir de sa forme, mais également à partir de ses occurrences dans les énoncés, c'est-à-dire ses conditions d’emploi.

La théorie des trois fonctions primaires postule que les énoncés minimaux sont des structures prédicat-argument actualisées, ce qui nécessite la réduction des occurrences à cette structure de base. Ce travail demande la prise en considération du schéma d’arguments dans sa corrélation avec le prédicat qui restent dépendants de l’emploi. Prenons l’exemple suivant analysé par Buvet qui correspond à une structure prédicat-arguments:

Ce garçon déteste son père.

Dans cet exemple, le prédicat est le verbe détester, les arguments sont ce garçon en position de sujet et son père en position de complément d’objet. Le prédicat détester sélectionne dans cet emploi un sujet et un complément qui sont des groupes nominaux formés d’un nom humain. En revanche, « les occurrences des prédicats ne procèdent pas nécessairement de celles de leurs arguments : ni garçon ni père n’exigent de se combiner avec le verbe détester ».2

Ainsi, pour l’étude de notre corpus, nous nous baserons sur la théorie des trois fonctions primaires. Cette théorie est, selon nous, susceptible de mieux décrire les anaphores associatives, notamment celles de type méronymique. En effet, d’une part, elle permet de reconstituer la structure profonde des éléments entretenant la relation de méronymie ce qui permet, à son tour, d’expliquer le lien anaphorique entre les unités lexicales, et d’autre part, elle permet de rendre compte des différents cas d’ellipse au sein de ce type particulier d’anaphore.

Etant donné que notre travail porte sur l’anaphore, l’analyse à laquelle nous procèderons s’inscrit dans un niveau interphrastique, celui-ci est nécessaire « quand l’interprétation

1

MEJRI S., 2009, « Le mot : problématique théorique », Le Français Moderne n°1, 77ème année: 68-82.

2

s’appuie sur les relations entre des constituants d’au moins deux énoncés »1, mais le niveau intraphrastique n’est pas, non plus, à négliger dans l’analyse des faits de langue de façon générale et des cas d’anaphores méronymiques de façon particulière.

Ainsi, la description des énoncés en termes de prédicat-argument-actualisateur permet d’une part, la réduction de l’énoncé à sa forme basique, et d’autre part, la reconstitution de l’énoncé en récupérant les éléments élidés. Par exemple :

(45) Il a essayé d’ouvrir la porte. La poignée était toute rouillée.

Dans un premier temps, il est important de récupérer les éléments manquants dans cette séquence, c'est-à-dire les éléments qui permettent de l’analyser, en l’occurrence le prédicat partitif justifiant cette corrélation sémantique entre poignée et porte.

Une porte a une poignée

Donc,

La poignée est une partie de la porte.

Dans un deuxième temps, il faut prendre en compte le fonctionnement des arguments reliés par le prédicat partitif pour saisir le rapport associatif méronymique. En effet, les arguments des prédicats partitifs, peuvent avoir deux configurations: soit ils fonctionnent comme des prédicats2, comme dans cet énoncé où maltage et fabrication dénotent des procès et sont par conséquent prédicatifs :

Le maltage fait partie du processus de fabrication de la bière. Soit ils fonctionnent comme arguments comme dans :

Ce militaire (appartient, est incorporé) à la deuxième armée française.3

3. Théorie des trois fonctions primaires et description des anaphores associatives

méronymiques

Les traits syntactico-sémantiques aident à distinguer les emplois standard des unités lexicales, des emplois métaphoriques et des emplois sémantiquement distincts. Leur rôle est

1

Ibid.

2

Nous précisons dans ce cas maltage et fabrication fonctionnent comme des prédicats de second ordre ; le prédicat élémentaire, étant ici faire partie.

3

donc de désambigüiser et de séparer les emplois des arguments et des prédicats. Les traits syntactico-sémantiques sont susceptibles de délimiter la nature de la relation entre les classes générales des unités lexicales (telles que celles des humains, des inanimés concrets, etc.) et les verbes avec lesquels elles se combinent. Le recours à ces traits pour la description de certaines de nos occurrences s’avère par conséquent, indispensable.

4. Les propriétés de sous-catégorisation syntaxique du prédicat

C’est l’ensemble des propriétés syntaxiques que le prédicat1 projette sur toute la phrase. Cela concerne le nombre des arguments, leur cas éventuel et leur nature morpho-syntaxique. Il s’agit également de la sélection des éventuelles prépositions et les éventuelles corrélations syntaxiques entre le prédicat et certains types de compléments argumentaux ou d’adverbiaux.

Toutes ces propriétés vont être prises en considération dans la description de nos prédicats explicites ou implicites, c'est-à-dire ceux qui figurent explicitement dans le site anaphorique, et ceux qui sont reconstitués lors du processus inférentiel.

Nous aborderons dans les chapitres qui suivent les différents cas d’anaphore associative méronymique que nous avons classés en trois catégories, suivant la nature grammaticale de l’expression anaphorisante : les anaphores nominales, les verbales et les adverbiales.

1

Nous avons précisé dans la première partie de notre travail que dans le cas de l’anaphore méronymique, les prédicats peuvent être soit des verbes soit des noms explicites ou implicites.