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monodon

I. Présentation générale

En 2014, environ 4 000 espèces de crevettes différentes ont été recensées, subdivisées en 4 principales superfamilles (Fransen C.H.J.M. 2014) :

- Sergestoidea (112 espèces) ; - Penaeoidea (430 espèces) ; - Stenopodidea (70 espèces) ; - Caridea (3 300 espèces).

Les Caridés comprennent la majorité des espèces, mais seules certaines sont assez abondantes pour être intéressantes d’un point de vue commercial (familles : Pasiphaeidae, Nematocarcinidae, Palaemonidae, Hippolytidae, Pandalidae et Crangonidae). Ainsi, la plupart des crevettes commercialisées appartiennent à la superfamille Penaeoidea.

Les Penaeoidés sont exploitées principalement dans les eaux tropicales et subtropicales, alors que les Caridés se trouvent dans les mers chaudes et tempérées.

La crevette Penaeus monodon a été décrite pour la première fois par Fabricius en 1798. Par la suite, afin de faciliter les échanges commerciaux entre les différents pays, la FAO lui donna un nom rappelant les caractéristiques morphologiques principales de l’espèce et facilement traductible : « Crevette géante tigrée » soit « Giant tiger prawn » en anglais, ou « Langostino jumbo » en espagnol. Elle fait partie de l’embranchement des arthropodes, puis du sous-embranchement des crustacés (présence d’un exosquelette). Ce sont des décapodes (dix pattes) de la famille des Pénaeidés (FAO 2017).

À ce jour, la classification taxonomique de P. monodon est la suivante : Règne : Animalia Sous-règne : Bilateria Infra-règne : Protostomia Super-embranchement : Ecdysozoa Embranchement : Arthropoda Sous-embranchement : Crustacea Super-classe : Multicrustacea

Classe : Malacostraca - Latreille, 1802 Sous-classe : Eumalacostraca Super-ordre : Eucarida Ordre : Decapoda Sous-ordre : Dendrobranchiata Super-famille : Penaeoidea Famille : Penaeidae Genre : Penaeus

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II. Caractéristiques biologiques

1. Morphologie et anatomie générale

La crevette P. monodon possède un exosquelette dur composé principalement de chitine et de carbonate de calcium. Au cours de son développement l’animal va subir des mues périodiques (ecdysis) qui lui permettent de grandir. Le terme de carapace est normalement attribué uniquement à la partie qui protège la tête de l’animal (Motoh H. 1981), le reste étant constitué par les somites ou segments abdominaux. De manière plus générale, le terme carapace est également utilisé pour parler aussi de l’ensemble de l’exosquelette. Les différents éléments de morphologie sont présentés dans la Figure 2.

Figure 2 : Morphologie externe de la crevette P. monodon d’après (Motoh H. 1981, Fransen C.H.J.M. 2014).

Les cercles rouges représentent les éléments caractéristiques de l’espèce P. monodon (clés de détermination). Chaque péréiopode est identifié par un numéro.

La crevette P. monodon est considérée comme la plus grande des crevettes commercialisées (FAO 2017). La femelle est de manière générale plus grande que le mâle. Certains individus peuvent atteindre jusqu’à 33,6 cm de longueur totale (LT, du bout du rostre à la pointe du telson) et peser jusqu’à 500 g (FAO 2017, Sandoval L.A. et al. 2014). Il est difficile de déterminer une taille et un poids moyen, cela dépendant de plusieurs paramètres tels que le sexe, l’âge, la provenance (individu sauvage ou d’élevage). De plus, il existe différentes façons de mesurer les individus, cela pouvant entraîner des confusions au sein même de la littérature (Figure 3).

37 Figure 3 : Les différentes façons de mesurer une crevette, modifiée d’après Motoh H. (1981)

(LT : longueur totale ; LCa : longueur de carapace ; LCo : longueur de corps ; LR : longueur de rostre).

P. monodon est décrite comme une crevette de couleur foncée. Elle possède au niveau des

somites de l’abdomen et de la queue des rayures transversales de couleur bleue/jaune, ou noire/jaune, ce qui lui vaut le nom de crevette tigrée (Figure 4.a). La carapace est également parsemée de pigments ressemblant à de minuscules pixels (Figure 4.b.). Ils sont de couleur foncée, gris, noir, mais aussi bleu. Les pléopodes, blancs par endroits, sont entourés de rose. Les uropodes sont généralement jaune vif, avec le bout rouge foncé. Cette pigmentation peut montrer des variations interindividuelles, saisonnières, fonction de l’habitat [type d’eau (salée, saumâtre, douce), type de fond (sable ou vase), lieu (estuaire, large, côte), …] et donc de la nourriture (Fransen C.H.J.M. 2014, Motoh H. 1981). A la cuisson, elle se colore en orange, les bandes caractéristiques à l’état cru sont moins visibles, devenant oranges et blanches (Figure 4.c.). Il est alors plus difficile de la distinguer des autres espèces.

Figure 4 : Crevette Penaeus monodon à l’état cru (a), avec zone pigmentée en gros plan (b) et à loupe binoculaire (x 45) (d) ; et à l’état cuite (c) (Zeyer E., 2017).

(a)

(c)

(b)

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Le système sanguin se compose d’un cœur en face dorsale, dans la région postérieure du céphalothorax, duquel s’échappent plusieurs ostia, en général au nombre de trois paires (Figure 5).

Figure 5 : Dessin du système circulatoire typique d’un décapode, d’après Felgenhauer B.E. (1992).

Le cœur est entouré d’un sac péricardique. L’artère principale, ou aorte antérieure, se trouve en face dorsale. Elle se divise en plusieurs artères qui irriguent l’ensemble du corps de l’animal. Les arthropodes possèdent de l’hémolymphe, l’équivalent fonctionnel du sang des vertébrés. Les cellules qui circulent dans l’hémolymphe sont appelées hæmocytes et possèdent des fonctions très diverses allant de la réparation des plaies, à la coagulation, en passant par l’induration de la cuticule (Felgenhauer B.E. 1992). La protéine responsable du transport de l’oxygène est l’hémocyanine.

2. Cycle de vie et reproduction

Le cycle de reproduction du genre Penaeus est commun à l’ensemble des espèces le constituant (Fransen C.H.J.M. 2014).

Pour pouvoir produire des spermatozoïdes, les mâles de l’espèce P. monodon doivent atteindre au moins 35 g de poids corporel. En revanche, les femelles accèdent à la maturité sexuelle lorsqu’elles atteignent les 70 g (FAO 2017). L’accouplement a lieu la nuit, peu après la mue, lorsque la carapace de la femelle est encore molle. Le spermatophore du mâle contenant les spermatozoïdes est déposé dans le thylécum fermé de la femelle. Aussitôt après l’accouplement, la femelle relargue les œufs dans l’eau en même temps que les spermatozoïdes : la fertilisation est externe. Les œufs vont alors subir une longue série de métamorphoses (16 stades de développement), dont une partie aura lieu en eaux marines, l’autre en eaux saumâtres [Figure 6, (Fransen C.H.J.M. 2014)].

Les crevettes pondent au large, entre 10 et 80 m de profondeur. Les œufs éclosent 14 à 24 h après, selon la température de l’eau, libérant les « nauplii », 1er

stade larvaire planctonique (Fransen C.H.J.M. 2014). Emmenés par les courants, ils atteindront le rivage après 2 à 3 semaines. Pendant les 2 jours qui suivent la ponte, ils subissent une succession de 6 moulures larvaires, non alimentées [réserves vitellines, (Motoh H. 1981)]. Les 5 jours suivants, ils passent au stade de « protozoaires » (3 mues) où ils commencent à s’alimenter de plancton. Le

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développement se poursuit encore par 3 mues supplémentaires, ce sont les stades « mysis » I, II et III. Ces changements se font entre 3-4 jours.

Une fois sur le rivage, ils ont atteint le stade dit « postlarvaire » ou « megalopa », qui durera entre 6 et 15 jours à l’état pélagique. Se distingue alors une première ressemblance avec la morphologie globale de la crevette adulte. Ils envahissent les eaux saumâtres côtières peu profondes (inférieures à 6 m de profondeur), qui forment de véritables nurseries, ou ils deviennent des animaux benthiques. Ils se nourrissent de détritus benthiques, vers polychètes, et petits crustacés. Rapidement, ils atteignent le stade de « juvénile » qui durera 15 jours. Plus leur taille augmente, plus ils se dirigent vers l’embouchure des baies ou des estuaires où ils deviennent des « adolescents » (4 mois). À ce stade, la détermination du sexe est possible. Ils deviennent ensuite des « sous-adultes » qui se développent pendant encore 4 mois. C’est alors que les premières copulations ont lieu, au niveau des estuaires. Les crevettes continuent de croitre tout en se dirigeant vers le large, où elles atteindront les zones de frai à l’âge « adulte » et le cycle se répète. La plupart des crevettes mettent moins d’un an pour réaliser un cycle. Les femelles sont très fertiles. Elles pondent en moyenne cinq cent mille œufs par ponte (Fransen C.H.J.M. 2014) et pourront se reproduire jusqu’à quatre fois dans leur vie. Grâce à des essais en bassin, et par la taille d’individus sauvages, la durée de vie des crevettes a été estimée à 1 an et demi pour les mâles, 2 ans pour les femelles (Motoh H. 1981). Des essais complémentaires sont nécessaires pour pouvoir affirmer avec certitude ces hypothèses.

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3. Habitats et comportements

À l’état naturel, l’espèce P. monodon se trouve à des profondeurs comprises entre 0 et 110 m, mais de manière plus courante entre 20 et 50 m, sur des fonds sablo-vaseux. Adulte mature, elle vit dans les eaux marines tropicales où elle se reproduit. Aux autres stades, larvaire, juvénile, adolescent, et sous-adulte, elle est aussi bien en eaux lagunaires, que dans les mangroves ou dans les estuaires (FAO 2017). L’espèce fréquente des eaux comprises entre 18 et 34,5 °C, et ne survit pas dans les eaux dont la température est inférieure à 13 °C (Knott D.M. et al. 2017). Organisme benthique, elle est omnivore et détritique (Motoh H. 1981). Lorsqu’elle est élevée, P. monodon est nourrie avec des aliments spéciaux composés de farines de poissons et végétales. Il a été noté que les individus croissent plus rapidement lorsqu'ils reçoivent ce régime (Kiel J. 2013).

À l’état naturel, elle sort la nuit pour chercher sa nourriture, alors que la journée, elle s’enfouit dans les fonds sableux. Elle possède donc une très bonne vision nocturne. Tout au long de leur vie, les crevettes tigrées géantes font aussi face à une variété de prédateurs tels que les oiseaux, les crustacés et les poissons. En plus de leurs défenses physiques comme le rostre ou les épines de la carapace, les crevettes s’enterrent dans le substrat, pour cacher leur corps mais aussi pour masquer leurs déchets, qui pourraient être détectés par les systèmes chimio-sensoriels de leurs prédateurs. Leurs rayures distinctives et sa couleur du corps sont semblables à son environnement boueux, contribuant à la camoufler de ses prédateurs (Kiel J. 2013).