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Le mandat élaboré à notre intention est le résultat d’une seconde réunion, qui a eu lieu en novembre 2005, où étaient présents tous les acteurs de la « plateforme de travail : François VERNOTTE, Edith BURGEY, Olivier MOREL, Paul REAL, Nathalie DUCATEL et moi-même. Il ne me semble pas utile de détailler ici le déroulement de cette réunion, mais seulement les principales décisions qui y ont été prises :

Mettre les trois objets en conservation demanderait certainement des traitements curatifs car des dégradations étaient à l’œuvre sur ceux-ci.

Ces traitements seraient réalisés chez Olivier MOREL à Paris pour les problématiques de corrosion des métaux.

L’étude et les traitements nécessaires pour la remise en fonctionnement se feraient chez Paul REAL à Lyon.

La documentation de l’objet et les opérations simples comme les nettoyages et l’application de moyens de protection des surfaces pourraient se faire avantageusement à Besançon. Une étude climatique des locaux de conservation serait nécessaire.

Des mesures devraient être prises pour le transport des objets.

Le mandat a donc été formulé par l’Observatoire de la façon suivante : « mettre en conservation » trois chronographes, respectivement de 1905, 1945 et 1970. En ce qui concerne le chronographe Gautier datant de 1905, une remise en fonctionnement à des fins de démonstration a été demandée. Étant donné que l’Observatoire possède en tout trois appareils du type du chronographe Gautier, la remise en fonctionnement de l’un de ceux-ci ne sacrifie pas, a priori, le contenu historique que portent les deux autres appareils, pour lesquels aucune intervention n’a été prévue dans l’immédiat. De plus, il avait été demandé d’une part, qu’une étude préalable soit faite sur les objets concernant leurs besoins en conservation, d’autre part qu’une documentation sur l’appareil et sur l’intervention de restauration puisse être présentée au public dans le cadre des Journées européennes du patrimoine en 2006.

Financièrement parlant, la faisabilité du projet reposait sur l’attente d’une subvention de la Délégation régionale à la Recherche et à la Technologie (DRRT) au titre de la « diffusion de

la culture scientifique ». Partant d’un préavis positif, une demande18 a été adressée à cette administration, mais a finalement été refusée alors que le projet avait déjà démarré. Suite à cette défection, la charge financière s’est reportée sur l’Observatoire de Besançon et il a fallu considérablement restreindre l’envergure du projet dans le souci d’en limiter les coûts. Pour « sauver » ce qui pouvait l’être de ce projet, j’ai adressé une proposition de modification du mandat avec un budget corrigé19, qui dès lors ne portait plus que sur un seul objet, le chronographe Gautier de 1905.

En regard de ce qui précède, notre mandat consiste donc à agir conjointement sur l’objet et sur son contexte de conservation. En pratique, il nous a été demandé :

D’étudier les conditions de conservation du site et, au besoin, proposer certains aménagements permettant de limiter les risques de dégradations dus au contexte de conservation. Ceci implique donc une étude climatique dans la (les) zone(s) prévue(s) pour la conservation de l’objet et une réflexion sur les différents risques subséquents.

De proposer, puis éventuellement effectuer un travail de restauration dans le respect des règles éthiques en vigueur, mais incluant la demande de remise en fonctionnement de façon conditionnelle selon l’état de l’objet. Ceci implique donc une procédure curative dont la séquence classique est : constat d’état, diagnostic, proposition de traitement. Si l’option curative est qualifiée de « justifiée », elle donne lieu à un traitement, obligatoirement suivi d’un rapport de traitement.

Au premier abord, la conservation d’un appareil comme le chronographe Gautier ne pose pas de problème technique difficile à résoudre. On peut observer que :

Au point de vue préventif, le contexte de conservation, bien qu’hors de standards établis pour les musées, ne semble pas complètement inadapté à la conservation des objets scientifiques, puisqu’il en abrite depuis fort longtemps et que la plupart des objets inventoriés ne sont pas fortement dégradés.

D’un point de vue curatif, on constate que les matériaux constituant l’objet ne semblent pas sévèrement dégradés et les dégradations observées sont traitables par des moyens simples, connus et sans occasionner de très grosses dépenses.

En s’arrêtant à ces seules considérations, la mise en conservation ne pose pas de problématique pointue.

18

Voir annexe II, p. 60, Demande de financement DRRT Franche-comté. 19

En y regardant de plus près, lors de l’étude préalable, on s’aperçoit que le chronographe Gautier présente des anachronismes dans sa constitution. En effet, pour un appareil ostensiblement daté de 1905, des câbles électriques gainés en PVC (chlorure de polyvinyle, un polymère thermoplastique dont l’usage courant s’est développé dès les années 1940 environ) ressortant d’un orifice de la face avant, ces détails mettent immédiatement en doute l’observateur sur l’intégrité originale de l’objet. Sur la face arrière, un petit moteur électrique de construction compacte faisant visuellement penser à la production des années 1950 renforce encore cette impression. Finalement, le couvercle en tôle pliée et peinte s’éloigne notablement du niveau de facture de l’ensemble mécanique. Une hypothèse prend alors corps : l’objet a subi une modification. Cependant, comme le stipule la charte de Venise, « la restauration […] s’arrête là où commence l’hypothèse ». Il faut donc tenter de répondre le plus complètement possible à cette question ouverte. Il s’agit d’un travail d’enquête, qui va se révéler long. Cette problématique va mettre en lumière un aspect par ailleurs mentionné à plusieurs reprises dans la littérature, à savoir qu’une intervention de restauration sur un objet scientifique doit, avant toute chose, faire l’objet d’une recherche approfondie. A ce sujet, Paolo BRENNI20 dit ceci : « Je crois que deux choses sont essentielles à une bonne restauration : de la sensibilité et une connaissance approfondie de l’objet. » Cette recherche va avoir une incidence profonde sur le constat d’état, qui permet de révéler de nombreux détails dus aux modifications. Plus généralement, c’est le processus d’interdépendance entre la documentation historique et le constat d’état qu’il devient intéressant de développer, ainsi que le rôle potentiel du conservateur-restaurateur dans le processus de documentation historique d’un objet technique et en particulier un instrument scientifique.

20 Brenni P. The restoration of scientific instruments. Proceedings of the workshop held in Florence, December