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PARTIE II : les comptabilités environnementales agricoles : analyse comparative

1. Présentation de la méthodologie

Nous souhaitons élaborer une étude de cas longitudinale au sein d’entreprises agricoles françaises et russes, ce qui permettra de saisir les ressemblances, les différences et les tendances de la comptabilité environnementale en agriculture.

Nous avons fait ce choix puisque l’étude de cas s’emploie notamment pour appréhender profondément des structures organisationnelles, le style de management et leurs changements, en prenant en compte le contexte, ce qui permet d’intégrer la dimension

116 En effet, actuellement, en France, aussi qu’en Russie, la prise en compte des aspects écologiques et sociaux permettant de refléter les efforts des entreprises pour le progrès vers le développement durable ne concerne que les seules entreprises cotées en bourse. En France, il s’agit notamment de la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques, dite la loi NRE (Zahm, 2004).

chronologique, de comprendre les causalités (Yin, 1994 ; Wacheux, 1996 ; Labelle et Touron, 2001). En général, cette stratégie de recherche nécessite une présence d’assez longue durée sur le terrain pour bien observer le contexte, les acteurs, et recueillir des données par différentes sources, pour permettre la triangulation.

L’étude de cas est une « analyse spatiale et temporelle d’un phénomène complexe par les conditions, les événements, les acteurs et les implications » (Wacheux, 1996, p. 89), c’est une « méthodologie de recherche issue de la sociologie » (Labelle et Touron, 2001, p.117).

De plus, cette méthodologie permet « de remettre en cause et d’affiner des théories existantes, mais aussi, de développer des explications nouvelles fondées sur des théories alternatives » (Labelle et Touron, 2001, p.130).

D’après Labelle et Touron (2001, p.119), « l’étude de cas comme méthodologie de recherche accorde une place centrale à la théorie ce qui influence les choix les plus importants effectués lors de la démarche de recherche ». Cela conforte notre intérêt pour cette méthodologie puisque nous retenons le modèle de la durabilité forte comme position scientifique pour la comptabilité environnementale. De surcroît, pour notre cadre théorique nous avons privilégié une théorie de l’évolution dialectique du capitalisme et de la comptabilité en interaction avec une classification des comptabilités environnementales.

Comme l’indiquent Ragin et Becker (1992, p. 221), cités par Labelle et Touron (2001, p.119), « ce type de cas... résout le problème de liaison des évidences empiriques aux idées en spécifiant lesquelles utiliser, parmi toutes celles susceptibles d’être pertinentes. Lorsqu’aucune des idées existantes n’est compatible avec le cas, il sert de base pour élaborer de nouvelles théories ou réviser celles qui existent ». Ainsi, on assiste à « l’interaction entre les observations et le développement ou raffinement de la (des) théorie(s) », à la mise de la théorie en question (Humpfrey et Scapens, 1996) et « à l’épreuve des faits et réciproquement », la « coïncidence entre les deux » faisant accroître la validité interne (Labelle et Touron, 2001, p.119). Enfin, « l’étude de cas ... prend toute sa dimension lorsqu’elle est effectuée non pas à des fins de prédictions mais à des fins de compréhension » (Labelle et Touron, 2001, p.120).

En ce qui concerne le problème de généralisabilité, il a été traité, entre autres, par Chua (1986), Spicer (1992), Labelle et Touron (2001) :

« Dans un paradigrne interprétatif ou critique (Chua, 1986), la vocation des études de cas est d'expliquer des phénomènes complexes à l’aide de théories non prédictives. Dans ces conditions, une étude bien menée peut produire des résultats généralisables. Elle peut être explicative lorsqu’elle est mise en œuvre suivant une logique de réplication. En dépit de différences importantes, elle relève plus de la méthode expérimentale que de l’enquête. La généralisation repose sur deux éléments. Le premier, [...] consiste à mettre en correspondance observation et théorie. « L’objectif de l’étude de cas

explicative n’est pas de faire des inférences sur un échantillon plus large, mais plutôt généraliser en revenant à la théorie... Une tentative est faite pour faire correspondre le modèle des observations tirées du cas avec celles suggérées par la théorie117 » (Spicer, 1992, p. 13). Le second élément, [...] est la réplication qui est « recherchée pour étudier des cas semblables et dissemblables. Si ces cas additionnels révèlent des modèles qui correspondent aux modèles théoriques, il est alors possible de s'y appuyer pour renforcer la généralisabilité de la théorie118 » (Spicer, 1992, p. 13). La signification de la réplication est donc renforcée par l'idée que la généralisabilité des résultats de la recherche peut être remplacée par leur « transférabilité ». » (Labelle et Touron, 2001, p.121).

Dans le cadre de notre recherche, nous avons choisi d’analyser un cas unique pour la France. Ce choix est habituellement de mise, lorsque l’objectif est de « vérifier si la théorie offre de bonnes explications ou s’il faut développer d’autres hypothèses » (Labelle et Touron, 2001, p.122).

Par ailleurs, nous traitons de la comptabilité agricole russe pour élargir la théorie et couvrir ainsi « un éventail de circonstances plus larges » (Labelle et Touron, 2001, p.122), ceci pour élaborer une théorie explicative nouvelle (puisqu’étendue capitalisme « écologique »).

Il importe d’évoquer la question de la validité des études de cas. Celle-ci peut être assurée par la triangularisation des données (Yin, 1994 ; Labelle et Touron, 2001), c’est-à- dire par l’utilisation de plusieurs sources de preuves. Quatre sources principales sont généralement utilisées « par le chercheur en comptabilité financière : le rapport annuel, les archives, la documentation et l’entretien », les autres sources étant l’observation directe participative ou non et l’artefact physique (Labelle et Touron, 2001, p.125-126).

Toutefois, il ne faut pas oublier les risques de la méthodologie de l’étude de cas. Labelle et Touron (2001, p.117, p.126) évoquent les limites de l’entretien qu'il faut avoir à l'esprit lors de l'interprétation des résultats :

« D’abord, les dires des managers doivent être corroborés avec d’autres sources, car le risque que les justifications fournies soient des rationalisations élaborées a posteriori est grand ».

C’est pourquoi, la documentation « s’avère pertinente pour corroborer et ajouter à l’évidence obtenue d’autres sources » (Labelle et Touron, 2001, p.125-126).

117

Notre traduction de «The objective of explanatory case research is not to draw inference to some larger

sample based on sample evidence, but rather to generalize back to theory... An attempt is made to match the pattern of observations made in the case back to those suggested in theory”.

118 Notre traduction de « sought by stadying similar and dissimilar cases. If these additional cases yield pattern of evidence which match back to theoretical patterns then it is possible to build support for the generazability of the theory”.

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