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3. Méthodologie

3.1. Électroencéphalographie et Potentiels Évoqués

3.1.1. Présentation générale de la méthode

3.1.1.1. Définition

Le flux de courant existant entre les neurones génère un potentiel électrique qui peut être mesuré de façon non invasive au moyen d'électrodes placées sur la surface du scalp (Kutas & Dale, 1997). L'électroencéphalogramme (EEG) reflète les variations de l’activité électrique spontanée du cerveau liées à différents types d’activité neurale. Cette activité spontanée peut-être contaminée par différentes sources de bruits comme les interférences dues au réseau de distribution électrique (50 ou 60 Hz) ou des signaux biologiques tels que les activités musculaire et cardiaque (Key, Dove, & Maguire, 2005). Cet amalgame d’activités peut rendre difficile l’extraction des réponses neurocognitives isolées. L’activité neurale spécifique associée ou évoquée par un événement sensoriel, cognitif ou moteur particulier peut, toutefois, être extraite de cette activité globale par une technique de moyennage permettant d’obtenir un potentiel évoqué (PE) (Luck, 2005).

3.1.1.2. Montage des électrodes

La procédure pour l’obtention d’un EEG et l’estimation des PE associés commence par l’emplacement des électrodes. L’une des pratiques les plus utilisées est basée sur le « Système International 10-20 » (Jasper, 1958) qui permet d’assurer la reproductibilité entre les études. Selon ce système, la distance entre deux électrodes adjacentes correspond à 10% ou 20% de la longueur des lignes antéropostérieures (du nasion au inion) ou latérales (entre les deux points pré-auriculaires en passant par le vertex) (voir Figure 4). Les électrodes sont identifiées par des lettres qui font référence à la région où elles sont placées (F : Frontale, C : Centrale, P : Pariétale, O : Occipitale et T : Temporale) suivies par la lettre « z » si les électrodes sont situées sur la ligne médiane, par des numéros pairs si elles sont dans l’hémisphère droit ou impairs si elles sont placées dans l’hémisphère gauche.

Figure 4. Représentation du montage des électrodes selon le Système International 10-20 sur l’hémisphère gauche (A) et vue de dessus (B). D’après Jasper (1958).

L’EEG nécessite une électrode de référence. En effet, l’EEG reflète la différence de voltage entre l’électrode active et l’électrode de référence et non le voltage d’une seule électrode. L’emplacement de l’électrode de référence doit correspondre à une zone peu affectée par les changements de l’activité électrique. Même si il n’y a pas de zones totalement neutres, certains sites comme le bout du nez, les lobes des oreilles ou les mastoïdes sont souvent utilisées pour placer l’électrode de référence.

3.1.1.3. Traitement du signal

L’activité électrique recueillie par l’EEG est un signal très faible qui nécessite d’être amplifié pour pouvoir être mesuré. De plus, comme il a été signalé précédemment, le signal EEG peut être contaminé par des artéfacts électromagnétiques provenant du réseau électrique ou du corps lui-même (mouvements oculaires, mouvements moteurs, conductance de la peau, etc.). Pour atténuer cette activité, des filtres qui ne laissent pas passer les fréquences supérieures ou inferieures à un certain seuil peuvent être utilisés pendant l’enregistrement du signal EEG (filtre analogique) et ou a posteriori (filtre digital).

Étant donnée la faible amplitude des PEs (de l’ordre de la dizaine de microvolts) en comparaison avec l’activité électrique spontanée recueillie dans l’EEG (de l’ordre de la centaine de microvolts), il est difficile de distinguer le signal associé à un stimulus particulier. Pour cela, il faut répéter un grand

nombre de fois le stimulus d’intérêt et moyenner tous les segments d’EEG calés sur le début de ce stimulus (voir Figure 5). En effet, l’activité spécifique évoquée par un stimulus est relativement stable d’un essai à l’autre tandis que le bruit est aléatoire. Ainsi, grâce au moyennage, le bruit aléatoire tend à s’atténuer et l’activité spécifiquement associée au stimulus ou potentiel évoqué est alors révélée. Une fois que le PE a été extrait il est possible d’identifier une succession d’ondes ou composantes caractérisées par leur polarité, latence, amplitude et topographie (voir Figure 5, en bas).

Figure 5. Représentation de la méthode d’extraction des potentiels évoqués. En haut : signal EEG enregistré en continu à partir d’une électrode pendant la présentation de stimuli. En bas : PE obtenu par moyennage de séquences du signal EEG calées sur les stimulations.

Ces composantes sont habituellement désignées par une lettre (N ou P) correspondant à la polarité de la composante (négative ou positive) et par un numéro correspondant à sa position dans la chronologie (par exemple, P1, N1, N2, etc.) ou à la latence de son apparition ou de son pic (par exemple, N185 visuelle correspond à une composante négative dont le pic est atteint autour de 185 ms après la présentation du stimulus). Les différences observées en fonction des conditions expérimentales dans la latence du pic d’une composante pourraient être liées à la vitesse du traitement de l'information du stimulus. L’amplitude du pic d’une composante mesurée en microvolts est généralement interprétée en termes d’activation ou de ressources engagées dans le traitement du stimulus. Finalement, la topographie fait référence à la distribution d’une composante sur le scalp et permet d’identifier les électrodes où l’amplitude est plus grande.

Les différentes composantes des PE dépendent à la fois du type de stimulus employé (composantes sensorielles) et du type de tâche à effectuer (composantes cognitives). Par ailleurs, leurs caractéristiques en termes de latence et d’amplitude reflètent différents processus cognitifs (attention, motivation, etc.).

3.1.1.4. Avantages et limites

L’un des principaux avantages des potentiels évoqués est l’identification des différentes étapes dans le traitement de l'information (par exemple, processus d’anticipation, sensoriels et cognitifs) et leur modification suite à des manipulations expérimentales. De plus, les PE peuvent être enregistrés indépendamment du fait que le sujet ait à donner une réponse motrice ou non. Enfin ils présentent une haute résolution temporelle (de l'ordre de la milliseconde).

En ce qui concerne leurs limitations, comme il a été mentionné précédemment, les PE sont très sensibles aux artefacts en provenance de l’environnement et du propre corps du sujet. De plus, la faible intensité des PE nécessite de répéter un grand nombre de fois la stimulation d’intérêt (des dizaines ou des milliers de fois selon la stimulation et les composantes des PE observées). Dans des conditions de recherche appliquées comme la conduite automobile ceci peut rendre la tâche monotone, longue et moins réaliste.