• Aucun résultat trouvé

Quelles sont les conséquences de la distraction au volant ?

2. Cadre Théorique

2.2. Modèles cognitifs et processus attentionnels en conduite automobile

2.2.4. Quelles sont les conséquences de la distraction au volant ?

Comme il a été évoqué précédemment dans les modèles cognitifs du traitement de l’information, le niveau d’interférence entre deux tâches peut dépendre du niveau des ressources attentionnelles nécessaires pour chacune des tâches et des modules de traitement impliqués. Ces modèles peuvent

être appliqués dans le cadre de la conduite automobile. Spécifiquement, dans ce contexte, plusieurs tâches sont réalisées en simultanée, liées ou non à la propre activité de conduite.

Ces activités concurrentes peuvent être classées en différents types de distraction en fonction du type de ressources impliquées : visuelles, auditives, physiques et/ou cognitives (Pettitt, Burnett, & Stevens, 2005). Ces types de distractions se produisent, respectivement, lorsque le conducteur concentre son attention sur des cibles visuelles, des signaux auditifs, des objets manipulés physiquement et des pensées, au détriment de la tâche principale de conduite (Young & Regan, 2007).

Nous allons décrire certaines études montrant les effets de la distraction au niveau comportemental et au niveau du traitement de l’information, mais aussi que certaines stratégies que les conducteurs peuvent adopter peuvent réduire l’impact négatif de la distraction.

2.2.4.1. Effets de la distraction au niveau comportemental

Comme il a été précédemment mentionné, la quantité de ressources attentionnelles disponibles est considérablement réduite par la présence d'une tâche compétitive. De plus, si deux tâches partagent le même type de ressources (par exemple, deux tâches de type visuel), le niveau d'interférence sera plus élevé (Wickens, 1984). C’est pourquoi les tâches secondaires visuo-spatio-motrices semblent produire le plus haut niveau d'interférence avec la tâche de conduite qui exige également le même type de ressources (Horberry, Anderson, Regan, Triggs, & Brown, 2006; Hurts, Angell, & Perez, 2011; Schömig & Metz, 2013). Les tâches visuelles les plus fréquemment utilisées pour analyser l'interférence avec la tâche de conduite impliquent la manipulation d'appareils électroniques (et donc des ressources spatiales et motrices sont également impliquées). Les effets de ces tâches ont été généralement associés à une augmentation des déviations latérales de la voie (Drews, Yazdani, Godfrey, Cooper, & Strayer, 2009; Engström, Johansson, & Östlund, 2005; Jamson & Merat, 2005), du nombre de regards hors de la route (Hurts et al., 2011; Kaber, Liang, Zhang, Rogers, & Gangakhedkar, 2012), d’une augmentation des temps de réaction au freinage du véhicule précédent (Drews et al., 2009; Lamble, Kauranen, Laakso, & Summala, 1999) ainsi que d’une réduction de la distance inter-véhiculaire (Jamson & Merat, 2005; Lamble et al., 1999) et de la vitesse (Engström et al., 2005; Horberry et al., 2006; Jamson & Merat, 2005).

Les effets de certaines tâches à caractère intermodal (par exemple, tâches auditives ou cognitives) par rapport à la conduite peuvent dépendre du niveau d’engagement du conducteur à la tâche secondaire. En général, dans des études réalisées en simulateur ou sur piste, l’écoute passive ou active des émissions de radio n’interfère pas avec la tâche de conduite (Collet, Clarion, Morel, Chapon, & Petit, 2009; Ho et al., 2007; Strayer, Drews, Albert, & Johnston, 2001). Cependant, à

mesure que les tâches auditives exigent un plus haut niveau d’engagement et des ressources cognitives (opérations de calcul mental ou conversations plus complexes) se produit une plus forte détérioration de la performance de conduite. La distraction cognitive a montré moins d’effets au niveau du contrôle latéral du véhicule, des variations de la vitesse (Engström et al., 2005; Horberry et al., 2006; Jamson & Merat, 2005) et des déviations du regard hors de la route (Engström et al., 2005; Harbluk, Noy, Trbovich, & Eizenman, 2007; Kaber et al., 2012). Cependant, les tâches cognitives interfèrent avec le temps de détection des stimuli (Collet et al., 2009; Jamson, Westerman, Hockey, & Carsten, 2004; Lamble et al., 1999) et le maintien de distances inter-véhiculaires sécuritaires (Jamson & Merat, 2005; Lamble et al., 1999).

Les tâches visuelles comme les tâches cognitives montrent une détérioration des performances (Engström et al., 2005; Kaber et al., 2012; Lamble et al., 1999), mais cette détérioration intervient à différents niveaux. Kaber et al., (2012) ont suggéré que les tâches visuelles (« détourner les yeux de la route ») interférent à un niveau opérationnel selon le modèle de Michon (1985), ce qui implique les activités du contrôle latéral et longitudinal du véhicule. Les tâches cognitives (« détourner l’esprit de la route ») quant à elles affectent le niveau tactique du modèle de Michon au cours duquel le conducteur doit faire les manœuvres nécessaires en réponse à des conditions de circulation, comme les intersections, dépassements, etc.

2.2.4.2. Effets de la distraction au niveau du traitement de

l’information

L'effet des tâches secondaires dans la conduite n’a pas seulement été étudié à partir des résultats de la performance des conducteurs. Des mesures physiologiques ont également permis d’étudier le niveau de charge mentale imposé par les doubles tâches. Des exemples de telles mesures comprennent l’analyse des mouvements oculaires (Engström et al., 2005; Kaber et al., 2012; Merat, Jamson, Lai, & Carsten, 2012; Recarte & Nunes, 2000; Schömig & Metz, 2013), l’activité électrodermale (Collet et al., 2009; Engström et al., 2005), la fréquence cardiaque (Engström et al., 2005; Gabaude, Baraca, Jallais, Bonniaud, & Fort, 2012), l’analyse de l’activité électrique du cerveau à partir des mesures électroencéphalographiques (Bruyas et al., 2006; Raabe, Rutschmann, Schrauf, & Greenl, 2005; Rakauskas et al., 2005; Strayer & Drews, 2007) ou magnétoencéphalographiques (Bowyer et al., 2009; Fort et al., 2010) ou encore l’étude des régions cérébrales impliquées dans l’activité de conduite par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (Schweizer et al., 2013; Uchiyama et al., 2012)

Étant donné le rôle central que la mesure de potentiels évoqués (PE), au travers de l’électroencéphalographie, occupe dans ce travail de thèse, l’objectif de cette sous-partie sera de discuter certaines études sur simulateur de conduite ayant utilisé cette technique.

L'analyse des PE a été utilisée dans le contexte de la conduite pour examiner principalement les effets liés à la fatigue et la vigilance. Cependant, bien que moins nombreuses, certaines études ont récemment analysé dans des simulateurs de conduite, les effets délétères de la réalisation de tâches secondaires sur le traitement de l’information. Par exemple, le traitement de l’information lors de la détection des stimuli non fréquents (paradigme oddball) a été analysé lors de situations de conduite peu ou hautement coûteuse (conduire sans ou avec une pression temporelle) (Raabe et al., 2005) ou en augmentant la charge cognitive au moyen d’une tâche distractive (conversation téléphonique) (Rakauskas et al., 2005). De même, la détection des événements pertinents pour la conduite (comme l’allumage des feux arrière d’un véhicule) a été étudiée dans des situations de conduite où les conducteurs étaient engagés dans une conversation téléphonique (Bruyas et al., 2006; Strayer & Drews, 2007). Ces études ont principalement analysé la composante P3 liée au traitement de plus haut niveau cognitif et reflétant l’attention allouée au traitement de la cible. Leurs résultats ont montré un impact négatif de l’augmentation de la charge mentale, due à la tâche distractive, se traduisant par une diminution de l’amplitude de la composante P3. Ce résultat suggère que la difficulté de la tâche de conduite, ou la présence d’une tâche distractive, entraîne une diminution de l’attention allouée aux cibles et détériore leur traitement.

Malgré les effets négatifs des tâches secondaires observés au niveau du comportement et du traitement de l’information, les conducteurs peuvent adopter certaines stratégies pour réduire ou essayer de compenser cette interférence. Les théories d’adaptation au risque énoncées précédemment ont déjà décrits quelques comportements compensatoires, comme la réduction de la vitesse ou l’adoption de marges de sécurité plus larges.