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3 1 PRÉSENTATION DU TERRAIN CLINIQUE

3.2 PRÉSENTATION DE FRANCIS

3.2.1 ÉLÉMENTS D’ANAMNÈSE

a) Présentation

Francis est un garçon blond de neuf ans au nez en trompette, à la peau diaphane, la bouche rouge vif, aux grands yeux bleu pâle, l’air indolent mais non dénué d’intelligence. Sa silhouette mince, toute en jambes, croît de semaine en semaine. Son sourire, rare, dévoile des fossettes encadrant de belles dents blanches. Souvent en blue-jean, il porte des T-shirts et des gilets à fermeture éclair, toujours bleus. Quand il se lève en salle d’attente, il se tient collé contre sa mère et tend une main inexistante. Scolarisé en CM1 en classe ordinaire, il vit chez ses deux parents. Cadet d’une fratrie de deux enfants, il « déteste sa sœur », âgée de 15 ans, mais c’est à elle qu’il se confie quand il a un souci. Francis parle d’une voix fluette. Il a un bon niveau de langage mais son articulation, molle, oblige souvent à le faire répéter. Il se passionne pour l’astronomie, n’aime pas l’école. Après l’équitation et le tennis, pratiqués sans enthousiasme, Francis s’est mis avec plaisir cette rentrée au basket. Chez lui, il lit, parle à ses doudous et « joue à ranger sa chambre en écoutant la radio ».

La grossesse d’Alexandre s’est déroulée normalement. Il bougeait beaucoup dans le ventre de sa mère qui le décrit comme un bébé « très physique ». Il a marché à 18 mois. Il a acquis la propreté diurne vers 2 ans, nocturne à 3. En crèche, il est sujet à des otites à répétition, avec perforation du tympan. Vers 2 ans, suite à un événement isolé inexpliqué, Alexis est « très, très, triste » en quittant la crèche. Son comportement change. Il devient « très, très dur » en petite section de maternelle. En moyenne section, cela « s’inverse » à nouveau. Au CP, il souffre de réveils nocturnes.

b) Histoire familiale

Les parents de Francis ont vingt-deux ans de vie commune. Madame est employée de banque, Monsieur chef de restauration collective. La grossesse de l’aînée, difficile, est marquée par une dépression pendant et post-partum, dans un contexte professionnel compliqué. Le couple désire un autre enfant pendant plusieurs années et conçoit Francis par PMA après plusieurs essais infructueux. Les deux parents semblent vouloir tout mettre en œuvre pour le bien-être de leur fils. Monsieur assiste au premier entretien. Il accompagne rarement Francis. Madame s’en charge, ponctuelle, régulière, très soucieuse de bien faire.

c) Histoire institutionnelle

Les parents de Francis sont à l’origine de la demande en novembre 2011. Francis est alors en CE1. Ils désirent que leur enfant soit suivi par une des psychologues du centre sur recommandation d’autres parents. Cela fait suite à un événement vécu par Francis à l’école. Des enfants l’ont battu et mis au sol pour baisser son slip. Les parents estiment que Francis « souffre de troubles de la communication ». Un suivi démarre avec la psychologue, à raison d’un rendez-vous tous les quinze jours. Après quelques mois, la psychologue propose une orientation en psychomotricité motivée par l’observation d’un « décalage entre la pensée et l’action », qui se traduit notamment par une mauvaise écriture, lente, qui énerve et décourage l’enfant. L’indication est confirmée en réunion de synthèse et Francis reçu pour un bilan psychomoteur en mai 2012. Il commence son suivi en psychomotricité à la rentrée 2012, parallèlement au suivi psychologique. Fin 2013, la psychologue part en retraite. Début 2014, son remplaçant souhaite recevoir Francis chaque semaine, tandis que la psychomotricité se poursuit le vendredi matin.

3.2.2 PRISE EN CHARGE PSYCHOMOTRICE

a) Indication

Francis est orienté en psychomotricité pour un décalage entre la pensée et l’action ayant des répercussions sur son comportement, ses apprentissages, ses relations sociales et familiales. Il est suivi à raison d’une séance hebdomadaire.

b) Bilan psychomoteur

Un premier bilan est effectué en mai-juin 2012. Francis y est perçu comme un enfant participatif, qui veut bien faire quand il est encouragé à dépasser ses difficultés. Mais rien n’est stable, ni son corps ni son visage qui se fixe à peine dans des échanges verbaux soutenus par le regard. La situation d’examen provoque des manifestations émotionnelles sous forme de syncinésies axiales tout au long des épreuves.

Au niveau de la motricité globale, ses mouvements sont peu ou mal organisés. Le contrôle moteur fait défaut. Ses postures, son investissement de l’espace manquent de structuration corporelle. Francis a du mal à se porter lui-même pour se déplacer. Au niveau du tonus, une hypotonie globale donne l’impression que le corps de Francis l’encombre, qu’il ne lui appartient pas. Un équilibre statique précaire apparaît par manque de tenue axiale.

Francis est latéralisé de façon homogène à droite. Il a une bonne connaissance du schéma corporel. Il est bien repéré dans l’espace et le temps. Il a une bonne orientation spatiale. La reproduction de la Figure de Rey révèle des difficultés de structuration spatiale, de concentration et de représentation. En outre, Francis s’embrouille dans ses récits, où il mélange par exemple réalité et image télévisuelle. Au niveau de la motricité fine, Francis dévalorise ses capacités graphiques et investit peu ses dessins. Il a spontanément recours à une prise tridigitale pour tenir l’outil scripteur. Aucune évaluation de son écriture n’a été effectuée lors de ce premier bilan.

Son dessin du bonhomme représente un personnage qui flotte sans pieds tout en haut de la page, avec deux seins tracés distinctement puis recouverts de feutre pour colorier l’ensemble du tronc.

En conclusion, aucun problème majeur relevant des acquisitions psychomotrices n’est susceptible de gêner Francis dans ses apprentissages. Il semble vivre son corps comme étranger à lui-même, ce qui pourrait traduire un manque de vécu et d’investissement corporels en lien avec un éventuel défaut de contenance. Il témoigne d’un accès incertain à la conscience de soi. Cette difficulté à se percevoir corporellement se répercute sur ses capacités d’organisation, de structuration spatiale et ses possibilités de représentation. Son évitement devant l’effort peut être en lien avec une construction psychocorporelle fragile, en dépit d’une intelligence évidente et de facultés d’adaptation effectives.

Ce tableau clinique pourrait évoquer une inhibition93 psychomotrice.

c) Projet thérapeutique

L’axe principal du projet thérapeutique consiste à favoriser l’engagement corporel dans l’espace et en relation, sans enjeu de performance, dans la détente et le plaisir. Un autre axe consiste à développer et à soutenir l’imaginaire de Francis. La psychomotricienne, qui a pris en compte ses difficultés d’écriture, recommande une participation à un groupe de jeu dramatique, afin que Francis renforce sa construction identitaire à travers des jeux de rôles. Cette proposition n’est pas retenue par l’enfant, qui choisit à la rentrée 2013 de poursuivre en individuel, acceptant ma présence aux séances en tant que stagiaire.