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Présentation de l’antibiothérapie dite « classique » :

Chapitre III) L’Antibiothérapie chez M. abscessus

1) Présentation de l’antibiothérapie dite « classique » :

Les recommandations pour le traitement d’une infection pulmonaires à M. abscessus ont été pendant plusieurs années basées sur une trithérapie s’étalant sur une période de 12 mois composée d’une β-lactamine, d’un aminoglycoside, tous deux administrés par voie parentérale, ainsi que d’un macrolide administré par voie orale. C’est dans l’optique d’optimiser cette trithérapie chez les personnes souffrant de mucoviscidose que s’est réuni en 2016 un consortium entre l’US Cystic Fibrosis Fondation et l’European Cystic Fibrosis Society. Il en a émergé une stratégie thérapeutique préconisant un traitement divisé en deux parties, la phase « intensive » et la phase de « prolongation » comprenant chacune différentes combinaisons d’antibiotiques (Floto et al. 2016) (Figure 13). Un régime antibiotique similaire peut être envisagé chez des personnes ne souffrant pas de mucoviscidose. Ce traitement peut être accompagné d’actes chirurgicaux qui paraissent améliorer l’issue des traitements (Jeon et al. 2009)(Jarand et al. 2011).

1a) Les β-lactamines :

La céfoxitine (CFX) est une céphalosporine semi-synthétique de deuxième génération. Son activité bactéricide est due à l’inhibition du stade final de la biosynthèse du peptidoglycane, un composé essentiel de la paroi mycobactérienne. La CFX rentre en compétition avec le substratd’une classe d’enzymes appelées « D, D-transpeptidases » (Figure 14). Ces enzymes également désignées Protéines Liant la Pénicilline (PLP)(Sauvage et al. 2008), sont présentes dans la partie externe de la membrane plasmique et tournées vers le périplasme (Luthra et al. 2018). Les β-lactamines ont donc de manière générale structure proche du substrat des PLP, le dipeptide D-alanyl-D-alanine. Leur stratégie d’inhibition est donc basée sur un mimétisme de substrat qui provoquera l’arrêt de la synthèse du peptidoglycane (Kohanski et al. 2010).

L’imipénème (IPM) est également une β-lactamine semi-synthétique mais appartient à la famille des carbapénèmes. L’IPM va inhiber les L, D-transpeptidases avec un mécanisme similaire mais avec une meilleure activité in vitro (Dubée et al. 2015).

1b) Les aminoglycosides :

L’amikacine (AMK) est un 2-deoxystreptamine aminoglycoside et également une molécule semi-synthétique dérivée de la kanamycine A (KAN A)(Figure 15A). Cet antibiotique interagit avec

Figure 15. Structures de l’amikacine (A) et de la région qu’elle cible dans l’ARNr 16S (B). Les nucléotides du site-A ciblés par l’amikacine sont en rouge (Adapté de Sarpe et al. 2019)

Figure 16. Structure de l’azithromycine et de la clarithromycine (A) ainsi que de la région qu’elles ciblent dans l’ARNr 23S (B). Les cycles lactones sont en vert, les sucres désosamines et cladinoses sont encadrés en bleu et en rouge respectivement. Les adénines de la boucle centrale du domaine V de l’ARNr 23S ciblées par ces macrolides sont marqués en rouge (Adapté de Douthwaite 2001).

l’ARNr 16S de la petite sous-unité du ribosome (30S). Les aminoglycosides étant des antibiotiques polycationiques et l’ARNr 16S chargé négativement (Shakil et al. 2008), l’AMK va former des liaisons électrostatiques avec les adénines en position 1408 (A1408), 1492 (A1492) et 1493 (A1493) responsables de l’activité de decoding, perturbant l’entrée du bon ARNt dans le site A (O’Sullivan et al. 2018)(Dudek et al. 2014)(Figure 15B). Ceci provoque l’incorporation d’aminoacides ne correspondant pas à l’ARNm. Ces erreurs de traduction mènent à la synthèse de protéines mal repliées ce qui génère alors un fort stress oxydatif et membranaire (Kohanski et al. 2010). Afin d’éviter les effets secondaires liés à l’injection intraveineuse d’AMK comme la perte de l’ouïe et la toxicité rénale, cette antibiotique peut être administré en aérosol, notamment lors de la phase de continuité (Yagi et al. 2017).

1c) Les macrolides :

Dérivés de l’érythromycine, la clarithromycine (CLR) et l’azithromycine (AZM) sont des antibiotiques d’hémisynthèses qui diffèrent principalement par le nombre d’atomes composant leur cycle lactone, 14 et 15 respectivement (Figure 16A). Cette classe d’antibiotiques cible également la synthèse protéique mais en interagissant cette fois avec l’ARNr 23S de la grande sous-unité ribosomale (50S), plus précisément avec la boucle du centre peptidyltransférase dans le domaine V (Figure 16B). La CLR et l’AZM vont former des liaisons hydrogènes réversibles avec deux nucléotides, l’A2058 et l’A2059 via leur sucre désosamine (Garza-Ramos et al. 2001). Ces deux antibiotiques établiront également des interactions électrostatiques avec d’autres nucléotides de cette région du ribosome qui forment la sortie d’un tunnel par lequel sort la chaine polypeptidique néo-synthétisée. Ceci aura pour conséquence d’empêcher la translocation, c’est-à-dire la formation du pont peptidique entre la protéine en cours de synthèse et le nouvel acide aminé porté par l’ARNt. M.

abscessus abscessus et M. abscessus bolletii sont de manière générale naturellement résistant à ces

macrolides (Nash et al. 2009). Néanmoins, ces molécules peuvent s’avérer efficaces lorsqu’elles sont utilisées en combinaison, particulièrement contre la sous-espèce M. abscessus massiliense (Zhang et al. 2017). L’AZM possède une demi-vie plus élevée que la CLR et ne provoque pas d’interaction médicamenteuse avec les autres antibiotiques présents dans l’antibiothérapie contre M. abscessus (Periti et al. 1992). Cependant, Renna et al. ont tiré la sonnette d’alarme quant à l’utilisation à long terme d’AZM, particulièrement chez les personnes souffrant de mucoviscidose. Tout d’abord, il arrive que l’AZM soit administrée pour ses propriétés immunomodulatrices et non pas pour traiter une infection. Les doses données sont subinhibitrices et peuvent donc permettre la sélection de MNT résistantes aux macrolides (Levy et al. 2008). Ces même propriétés immunomodulatrices vont bloquer l’autophagie, la fusion phagolysosomale et l’élimination des bacilles dépendante de la

Figure 17. Structures de la minocycline (A) et de la tigécycline (B). La chaine 2-tert-butylglycylamido en position C9 du cycle aromatique D de la tigécycline est encadrée en orange.

Figure 18. Structure de la clofazimine (A) et représentation schématique de sa voie d’activation (B).

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production d’IFN-γ et de TNF-α par les macrophages. Autant de facteurs combinés qui favorisent la colonisation par les MNT (Renna et al. 2011).

1d) Les tétracyclines :

La minocycline (MNC) est une tétracycline de deuxième génération qui ne possède généralement pas une très bonne activité in vitro contre M. abscessus. Son utilisation en deuxième phase de traitement contre les infections pulmonaires ne doit être envisagée que contre des souches sensibles. De plus, les récents travaux de Ruth et al. de 2018 rapportent la même inefficacité aussi bien seule qu’en combinaison avec d’autres antibiotiques in vitro.

1e) Les phénazines :

La clofazimine (CFZ), autrefois utilisée pour traiter la lèpre mais faisant partie actuellement du régime thérapeutique anti-MDR-Tb (Mirnejad et al. 2018) est toujours en cours d’évaluation clinique pour son efficacité contre M. abscessus. C’est une molécule de synthèse appartenant à la famille des phénazines. Cet antibiotique considéré comme bactériostatique possède aussi de bonnes propriétés anti-inflammatoires ce qui lui donne l’occasion de se retrouver dans le traitement de certaines maladies non-infectieuses comme le lupus et le psoriasis (Sanchez 2000). Le mécanisme d’action de la CFZ contre M. abscessus n’est pas décrit. Néanmoins, il a été montré chez M.

smegmatis que la CFZ est une pro-drogue nécessitant d’être bio-activée par la NADH oxydoréductase

de type II (NDH-2) insérée dans le feuillet interne de la membrane plasmique (Yano et al. 2011). Cette bio-activation mène à une importante production de ROS pouvant s’avérer fatale pour le bacille (Figure 18B).

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Figure 19. Structure de la moxifloxacine (A) et représentation schématique de son interaction avec l’ADN gyrase lors de la réplication de l’ADN (B). L’ADN gyrase va désenrouler l’ADN en générant des coupures temporaires de la double-hélice permettant à l’ADN polymérase de répliquer le matériel génétique. La moxifloxacine va former un complexe avec l’ADN et l’ADN gyrase ce qui provoquera un arrêt de la réplication et laissera l’ADN clivé. Ces cassures de l’ADN généreront un fort stress oxydatif déclenchant la mort cellulaire (Adapté de Kohanski et al. 2010).

1f) Les fluoroquinolones :

La moxifloxacine (MXF) est une fluoroquinolone de quatrième génération retrouvée en phase de continuité dans le traitement de M. abscessus. Cet antibiotique peut être administré par voie orale, parentérale mais aussi de manière locale mais aussi pour un traitement ophtalmologique. Cette molécule de synthèse dérive de l’acide nalidixique découvert en 1962 (Figure 19A). Elle va interagir avec les sous-unités α de l’ADN gyrase/Topoisomérase II lorsqu’elle forme un complexe avec l’ADN (Figure 19B). Cette enzyme est essentielle et a pour rôle de « dénouer » les super enroulements du chromosome bactérien causés lors de la réplication de l’ADN et de la progression de la fourche de réplication. Elle agit également sur une autre enzyme structurellement proche de l’ADN gyrase, la topoisomérase IV. Cette enzyme est impliquée dans les derniers stades de la réplication en séparant les deux chromosomes néo-synthétisés avant leurs ségrégations dans les deux cellules filles. L’interaction de la MOX avec ces deux complexes enzyme-ADN aboutiraau même résultat: cassure des chromosomes bactériens et lyse du bacille. Malgré l’efficacité des fluoroquinolones, l’Agence Européenne du Médicament recommande de limiter leur utilisation afin de prévenir l’émergence de résistance comme ce fut le cas pour les fluoroquinolones de deuxième et troisième générations (Kowalski et al. 2003) mais aussi à cause de leurs effets secondaires (Francisco 2018). 1g) Les oxazolidinones :