• Aucun résultat trouvé

Polymorphisme nucléotidique, génétique et mutations acquises :

Chapitre IV) L’Antibiorésistance chez M. abscessus

1) Polymorphisme nucléotidique, génétique et mutations acquises :

L’antibiorésistance innée de M. abscessus est due, en plus de l’imperméabilité de sa paroi, à un fort polymorphisme génétique retrouvé soit sur les cibles de certains antibiotiques soit sur les gènes codants les enzymes responsables de leurs activations. La résistance intrinsèque aux antituberculeux de première intention est un bon exemple de ce polymorphisme génétique comme c’est le cas pour l’éthambutol (EMB). Cet antibiotique cible les arabinosyltransférases produites par l’opéron embCAB qui sont impliquées dans l’arabinosylation de l’arabinogalactane et du LAM (Zhang et al. 2003). Deux substitutions d’acides aminés ont un rôle dans la résistance à l’EMB. La présence de résidus glutamine et méthionine en position 303 et 304 de la protéine ciblée par cet antibiotique EmbB confère de haut niveau de résistance à M. abscessus et à d’autres mycobactéries (Nessar et al. 2012). M. tuberculosis possède des résidus isoleucine et leucine à ces positions 303 et 304, le rendant sensible à cet antibiotique (Alcaide et al 1997).

La résistance aux fluoroquinolones de deuxième et troisième génération est aussi due à un polymorphisme génétique de leurs cibles, les gènes gyrA et gyrB, encodant les deux sous-unités de l’ADN gyrase (Guillemin et al. 1998). Les résidus, selon la numérotation faite chez E. coli, alanine en position 83 (A83) dans le gène gyrA, ainsi qu’une arginine et qu’une asparagine en position 447 (R447) et 464 (N464) dans le gène gyrB respectivement, sont critiques. En effet, la substitution de ces aminoacidespar les résidus d’E. coli chez M. tuberculosis, qui possède le même polymorphisme de résistance que M. abscessus, provoque une sensibilité du bacille de Koch (Matrat et al. 2008).

Un autre exemple de polymorphisme génétique responsable de résistance intrinsèque à un antituberculeux de première ligne est celui de l’isoniazide (INH) et du gène katG, codant pour une catalase/péroxydase. L’INH est une pro-drogue inactive qui doit être péroxydée par KatG. Les dérivés de l’INH produits se lient au NADH cytoplasmique. Ce complexe va par la suite inhiber InhA, une énoyle réductase faisant partie du complexe enzymatique FAS-II impliquée dans la synthèse desprécurseurs des acides mycoliques (Wiseman et al. 2010). Cette bio-activation de l’INH ne se produit pas chez M. abscessus. KatG est présente et fonctionnelle mais elle est incapable de transformer l’INH en métabolite actif (Luthra et al. 2018).

Ce défaut de bio-activation est aussi observé pour un antibiotique utilisé dans le traitement de MDR-Tb, l’éthionamide (ETH). Cette molécule est un dérivé structural de l’INH qui va également

inhiber la synthèse d’acides mycoliques en ciblant InhA. L’ETH est activé par la monooxygénase EthA chez M. tuberculosis (Dover et al. 2007). L’EthA de M. abscessus n’est pas capable d’activer l’ETH mais cette enzyme est fonctionnelle car elle active d’autres antibiotiques de la même classe, le thiacétazone (TAC) et ses dérivés (Halloum et al. 2017). La résistance au TAC chez M. abscessus est due à une redondance fonctionnelle de sa cible, la déhydratase HadBC. Ces phénomènes de redondances fonctionnelles transforment les cibles initiales essentielles en cibles secondaires, et l’effet antibiotique est alors perdu. L’autre déhydratase résistante au TAC, MAB_4780, remplit la fonction de HadBC lorsqu’elle est inhibée par le TAC (Halloum et al. 2016).

Les mutations chromosomiques spontanées sur les cibles des antibiotiques après une exposition trop courte ou après des concentrations trop faibles représentent également un mécanisme majeur d’émergence de résistances chez M. abscessus. Cependant, il convient également de prendre compte le fait qu’une infection bactérienne est provoquée par une population génétiquement très hétérogène. Si le traitement n’est donc par exemple pas administré de manière régulière et ponctuelle, l’irrégularité de la prise d’antibiotique va dans un premier temps éliminer les populations sensibles. Les sous-populations résistantes résiduelles, possédant à la fois des mutations conférant une résistance sans impacter le métabolisme basal vont alors émerger, se multiplier et occuper le vide laissé par l’élimination des populations sensibles. L’émergence de ces souchesrésistantes mènent éventuellement à l’échec thérapeutique (Blair et al. 2015). Ces altérations génétiques sont rencontrées lors de thérapies basées sur l’utilisation de plusieurs classes d’antibiotiques comme les macrolides, les aminoglycosides et les fluoroquinolones.

!" #$ %&' #("#$)"$ *$+ ,-#)(*'.$+/ -&#&"$ '"0(),-1'(" "!$+1 .'+2("'3*$ +&) *- .'004)$"#$ .$ 2(&5(') ,&1-67"$ $"1)$ *- 89: $1 *!;<=> 9$+ ,&1-1'("+ +$,3*$"1 1(&1$+ +$ 2)(.&')$ +&) *$ 67"$ #'3*$

!!" #(.-"1 2(&) *!;:?) @AB> 9$+ ,&1-1'("+ -22-)-'++$"1 -& "'5$-& .$+ "&#*4(1'.$+ )$+2("+-3*$+ .$+

*'-'+("+ CD.)(67"$+ -5$# #$+ -"1'3'(1'%&$+/ $" *!(##&))$"#$ *$+ "&#*4(1'.$+ ;@EFG $1 ;@EFH>8$+ 454"$,$"1+ ,&1-67"$+ +("1 "4-",('"+ 1)7+ )-)$+/ 2*&+ 2-)1'#&*'7)$,$"1 +&) *$ )4+'.& ;@EFH I8-)5-*C( $1 -*> @EJGK> L* +$,3*$)-'1 #$2$".-"1 %&$ *$ 1-&M .$ ,&1-1'("+ +('1 2*&+ ',2()1-"1 #C$N #$

%&''("()*')/ #$11$ .$)"'7)$ "$ 2(++4.-"1 2-+ .$ +D+17,$ .$ )4+'+1-"#$ '".&#1'3*$ +(& ,41CD*-1'(" .$

*!;:?) @AB #-) !),IOJK $+1 1)("%&4$ I9'& $1 -*> @EJPK> 9$ 2$& .$ +(&#C$+ #$ &,'-)''.' ')*'. '/!(-/0 -D-"1 ,&14$+ 2(++7.$"1 2)(3-3*$,$"1 &" 2(*D,()2C'+,$ "&#*4(1'.'%&$ .4*417)$ #(,,$ *- +&3+1'1&1'(" #*-++'%&$ Q@G8/ )$".-"1 !),IOJK "("R0("#1'(""$**$ I?-+C $1 -*> @EEHK> 9- +(&+R $+27#$ #$%&''("()*') $1 *$ +4%&(5-) Q@G +("1 .("# +(&,'+ S &"$ ',2()1-"1$ 2)$++'(" .$ +4*$#1'(" 2(&5-"1 $M2*'%&$) #$+ ,&1-1'("+ #C)(,(+(,'%&$+ +&) *$ 67"$ !!"> T)-'+$,3*-3*$,$"1/ $" 2)4+$"#$ .!&" +D+17,$ .$ )4+'+1-"#$ '".&#1'3*$ 1)7+ $00'#-#$/ #$ &,'-)''.' &,'-)''.' $1 #$

&,'-)''.' ,0"")/(( "!-#%&$))("1 -&#&"$ ,&1-1'("> Q(&+ *$+ @R.$(MD+1)$21-,'"$+ -,'"(6*D#(+'.$+ "$

avec exactement les mêmes nucléotides de l’ARNr 16S. Néanmoins, tous vont avoir ont une forte affinité pour l’A1408, qui est l’un des quatre nucléotides les plus communément mutés, avec les A1492, A1493 et la G1494 (Shakil et al. 2008)(Prammananan et al. 1998)(M. Wu et al. 2019). Comme pour le gène rrl et la résistance constitutive aux macrolides, cette mutation ne semble pas être un événement fréquent. Ceci est potentiellement dû en partie à des mécanismes de résistances inductibles inhérents à cette classe d’antibiotiques. M. abscessus possède des enzymes modifiant directement ces antibiotiques et des pompes à efflux les expulsant du cytoplasme (Hurst-Hess et al. 2017)(Pryjma et al. 2017). Un type de mutation original a été identifié chez des isolats cliniques de M.

tuberculosis et entraîne une résistance à la KAN. Il s’agit cette fois-ci de mutation non pas sur le gène

cible mais dans son promoteur. Le gène en question, Rv2416c, code pour une acétyltransférase impliquée dans la survie intramacrophagique (Zaunbrecher et al. 2009). Les mutations dans le promoteur vont entrainer une surexpression de cette protéine qui est également capable de bio-inactiver certains des 2-deoxystreptamines aminoglycosides.

Le polymorphisme génétique responsable de la résistance intrinsèque de M. abscessus aux fluoroquinolones de deux- et troisième générations, A83 pour gyrA et R447-N463 pour gyrB, ne semble pas empêcher l’activité antimycobactérienne de la MXF. Quarante souches appartenant au complexe M. abscessus considérées comme résistantes à la MXF ont été séquencées pour les gènes

gyrA et gyrB. Ces séquençages n’ont révélé aucune mutation pour l’ADN gyrase (Kim et al. 2018). Cet

antibiotique cible également la topoisomérase IV, il serait donc, a minima, nécessaire de séquencer les gènes encodant cette enzyme, parC et parE, voire d’effectuer un séquençage complet du génome pour incriminer l’apparition de mutation dans ce phénotype de résistance.

A ce jour concernant la BDQ, aucune mutation dans le gène atpE chez des isolats cliniques de

M. abscessus n’a été rapporté dans la littérature. Cependant, des mutations dans ce gène générées

au sein de notre laboratoire ont offert une forte résistance in vitro rendant M. abscessus 250 fois plus résistant (Dupont et al. 2017). Au vu de l’énorme avantage en termes de résistance apportées par ses mutations qui n’ont apparemment ni coût réplicatif ni coût métabolique pour les bactéries, on ne peut omettre la possibilité qu’une telle sous-population existe d’ores et déjà ou qu’elle soit susceptible d’apparaitre.