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présentation de la coupe d’Abraham’s Bay

E. Formation de Owl’s Hole

1. présentation de la coupe d’Abraham’s Bay

La coupe d’Abraham’s Bay Hill (Fig. 62) représente une des meilleures localités pour décrire au mieux les dépôts du stade 11. Elle renferme également plusieurs informations concernant les fluctuations du niveau marin entre le stade 13 et 7.

1.1. origine du nom

La coupe (coordonnées géographiques : N 22°22'23.74" et W72°57'03.37") affleure au nord-est du village d’Abraham’s Bay, d’où son nom, et représente un important relief entièrement végété.

1.2. morphologie générale

Figure 62: A : Carte topographique de la dune d’Abraham’s Bay qui constitue la coupe étudiée. Les courbes de niveau en pieds ont été converties en m. Le profil AA’ est détaillé à la Fig. 63A. B : Chemin d’accès menant à la grotte. C : Le chemin rocheux à terreux emprunté (au premier plan) est fait d’une lumachelle grossière.

La localité d’Abraham’s Bay Hill forme une colline (Fig. 62A) d’une hauteur maximale estimée à 70 pieds (21 m) selon la carte topographique. Elle s’étend selon un axe nord-sud sur

une distance d’environ 1.2 km et présente une largeur comprise entre 100 et 500 m. La morphologie de ce monticule fortement végété est plutôt atypique par rapport à l’ensemble des grands cordons dunaires décrits dans la Formation de Grotto Beach. Il forme une entité unique au milieu de l’île sans lien apparent avec les autres dépôts fossiles. Son accès, relativement difficile en raison de la forte végétation, se fait par une ancienne route non praticable qui débute à l’arrière de Government School. Cette route également recouverte de végétation traverse des dépôts marins très coquilliers (Fig. 62B et C) et toute une série de petits "ponds" et de "blue holes" avant de monter progressivement sur le flanc ouest de la colline. La base de celle-ci se situe entre 0 et 3 m au dessus du niveau marin actuel. La roche n’affleure malheureusement pas sur l’ensemble de ces flancs, mais on peut facilement l’observer par le biais d’anciens conduits phréatiques (Fig. 63A et B) situés vers sommet de la colline, entre 18 et 20 m, qui débouchent finalement dans une grande grotte. Dans celle-ci, des piliers robustes d’une hauteur d’environ 2.50 m créent un réseau de petites galeries toutes connectées entre elles (Fig. 63C).

1.3. caractéristiques lithologiques et sédimentologiques

Figure 63: A : Profil AA’ à travers la dune d’Abraham’s Bay. B : Photo montrant l’entrée de la grotte au sommet de la dune. C : Vue à l’intérieur de la grotte phréatique mettant en évidence les différents conduits et l’emplacement de l’échantillon FAb 191. D : Photo de lame mince illustrant la pétrographie principalement péloïdale de la dune. E : Vue rapprochée de la lame mince montrant la cimentation isopaque circumgranulaire (flèches rouges). Barres d’échelle = 200 microns.

Les descriptions litho- et sédimentologiques de terrain ont été faites directement de l’intérieur de la grotte. Ce monticule consiste en un seul et unique faciès caractérisé par de grandes stratifications obliques qui marquent l’ensemble des parois de la grotte. Ce sont les seules structures sédimentaires apparentes. Le sol de la grotte est recouvert d’une matière brunâtre meuble, vraisemblablement du guano. La roche, très bien indurée, représente un grainstone biopéloidal relativement fin et bien trié. Les bioclastes sont en général des fragments de

foraminifères porcelanés, des Halimeda, des mollusques et des échinodermes. Aucun oolite n’a été observé dans ce microfaciès. Ce dernier, relativement bien préservé, montre une importante dissolution interparticulaire ne laissant entrevoir que quelques plages de cimentation. Les ciments observables sont caractérisés par des ciments ménisques et drusiques de première génération et par une deuxième génération de ciments calcitiques isopaques palissadiques. On note également la présence importante de structures d’origine bactérienne et fungique dans la porosité.

1.4. géochronologie

Deux datations réalisées sur le même échantillon (FAb 191) ont été obtenues, respectivement, par la méthode des acides-aminés et par la mesure des isotopes du strontium. La première méthode a fourni un rapport A/I de 0.637 ± 0.029 soit une appartenance à l’aminozone H (Fig.

31; Hearty et Kaufman, 2009), en tenant compte de l’erreur analytique, alors que la deuxième présente un rapport 87Sr/86Sr de 0.709185 soit un âge futur (McArthur et al., 2001).

1.5. interprétations

La présence de stratifications obliques pentées vers le nord-est, sa composition pétrographique (granulométrie fine, bon degré de classement) et la position estimée de sa base indiquent que le monticule d’Abraham’s Bay Hill représente une ancienne dune accumulée au milieu de la plate-forme de Mayaguana. La grotte située à proximité de son sommet, à environ 18-20 m, possède la morphologie typique d’une grotte phréatique ("flank-margin cave";

Carew et Mylroie, 1995a) et indique donc le niveau d’une ancienne nappe d’eau douce. La présence de celle-ci explique en partie les caractéristiques pétrographiques de la roche.

Les datations obtenues sont contradictoires. Le rapport des isotopes du strontium suggère un âge futur ce qui paraît fortement improbable. Ce résultat jette ainsi un doute sur la fiabilité de cette méthode pour la datation des roches d’âge Pléistocène moyen et supérieur.

Le rapport A/I indique, selon le tableau de Hearty et Kaufman (2009), un âge de 500'000 ans, soit le SIM 10. Le stade 10 représente une période glaciaire, période pendant laquelle les plates-formes carbonatées des Bahamas étaient émergées et donc peu propices à la production et à l’accumulation de sédiments. Cependant, en tenant compte de l’incertitude analytique, on parvient à un rapport de 0.656, soit à une appartenance à l’aminozone H (Fig. 31; Hearty et Kaufman, 2009). L’âge de 450 à 400'000 ans déduit de ce rapport indique ainsi le stade 11.

Sur les îles carbonatées, le niveau de la nappe phréatique se situe à environ 1 ou 2 m en dessus du niveau marin (Vacher, 1997). Ainsi, dans les régions tectoniquement peu actives telles que les Bahamas, les conduits karstiques horizontaux fossiles représentent des bons indicateurs des niveaux marins anciens (Carew et Mylroie, 1995a). La présence de conduits phréatiques vers 18 m d’altitude au sommet de la dune d’Abraham’s Bay Hill implique un niveau marin relatif du même ordre. Il a été démontré que la majorité des grottes phréatiques des Bahamas datées du SIM 5e tardif se sont développées dans des éolianites transgressives du SIM 5e précoce (Schwabe et al., 1993; Carew et Mylroie, 1995a). Cela implique une phase précoce de diagénèse météorique permettant la cimentation rapide des dépôts éoliens sous des conditions climatiques chaudes et humides (e.g. Kindler et Mazzolini, 2001). A titre d’exemple, les dépôts supratidaux de la Formation de Rice Bay (chapitre B) se sont parfois lithifiés en l’espace de 1000 ans (Halley et Harris, 1979), démontrant que la cimentation dans cette région est un processus diagénétique relativement rapide. Dans le cas de la dune

d’Abraham’s Bay Hill, une phase importante d’accumulation sédimentaire supratidale au début du SIM 11 et la formation plus tardive de la grotte peuvent être également envisageables. Le SIM 11 représente en effet un interglaciaire complexe caractérisé par trois hauts niveaux marins estimés respectivement à environ +2.5 m (SIM 11 précoce), +7 m (SIM 11 moyen) et +20 m (SIM 11 tardif; Hearty et al., 1999; Kindler et Hearty, 2000; Godefroid et al., 2010b). La dune d’Abraham’s Bay se serait ainsi formée lors d’une des deux premières fluctuations du niveau marin et la grotte lors du pic à environ +20 m.