• Aucun résultat trouvé

Les signes cliniques classiques caractéristiques de la mP sont le tremblement, la rigidité et l'akinésie. Les neurochimistes estiment que les symptômes de la mP n'apparaissent que lorsque la déficience en Dopamine atteint 70 à 80% par rapport au taux normal (Bernheimer et al., 1973 ; Agid et al., 1987). La mP s'installe de façon insidieuse : le patient se plaint de fatigue, de crampes, de raideur douloureuse, de maladresses. Après une période variable d'un individu à un autre, les gestes deviennent limités et lents et le tremblement commence à apparaître. Ensuite, la triade parkinsonienne (tremblement, rigidité, akinésie), réunie au complet ou pas, s'installe (Guillard et Fenelon, 1983).

_________________________________________ Changements cognitifs dans la maladie de Parkinson

42

3.1.5.1 Le tremblement

Le tremblement parkinsonien, à qui la mP doit son ancien nom de "paralysie agitante", est le plus fréquent (85% des cas) des signes initiaux de la maladie (Pollak et al., 1989). Il s'agit d'un tremblement de repos qui disparaît lors de l'accomplissement d'un geste ou d'un changement d'attitude et pendant le sommeil. Dans les formes sévères, le geste n'abolit pas le tremblement mais réduit son importance. Il est surtout évident au niveau des extrémités. Il commence presque toujours aux membres supérieurs de façon asymétrique. Il peut s'étendre aux membres inférieurs, mais touche rarement la musculature buccale et péri-buccale.

Sur le plan physiopathologique, le tremblement relèverait d'une cause centrale et serait dû à l'interruption de la voie nigro-striatale qui entraînerait des modifications de l'influence modulatrice qu'exerce le pallidum sur le noyau ventrolatéral du thalamus. La chirurgie stéréotaxique du noyau ventromédian du thalamus abolit significativement le tremblement (Guillard et Fenelon, 1983).

3.1.5.2 La rigidité

C'est une rigidité plastique qui augmente avec la fatigue et le stress. Elle n'est pas modifiée en fonction de la vitesse de déplacement imprimée au segment du membre comme c'est le cas dans la spasticité. L'intensité de la résistance n'est pas régulière et elle est souvent renforcée par à-coups : c'est le signe de la roue dentée de Negro qui est particulièrement net quand il coexiste avec un tremblement (Pollak et al., 1989). L'attitude du malade est caractéristique. Les différents segments corporels sont comme soudés les uns aux autres. La posture du parkinsonien, globalement en flexion, traduit une répartition inégale de la rigidité (Guillard et Fenelon, 1983).

La rigidité serait, du point de vue physiopathologique due à l'hyperactivité au sein des longues boucles spino-cérébro-spinale. Cette hyperactivité traduirait une désinhibition consécutive aux perturbations des systèmes biochimiques des noyaux gris centraux : la libération insuffisante de dopamine désinhibe les neurones cholinergiques et provoque un état d'hyperactivité fonctionnelle cholinergique au niveau du striatum. Ce déséquilibre serait à l'origine de la rigidité.

3.1.5.3 L'akinésie

En absence de tout déficit paralytique, le patient est "avare du geste", lent dans ses mouvements, aspontané et amimique.

L'akinésie se traduit par une difficulté d'initiation du mouvement volontaire ou par des arrêts au cours de son exécution (Gauthier, 1985). L'akinésie réduit la motricité volontaire et automatique. Comme le souligne Charcot (cité par Gauthier, 1985), "Le parkinsonien est condamné au mouvement volontaire à perpétuité". L'akinésie perturbe l'exécution de deux

mouvements volontaires simultanés et les tests moteurs sont mieux effectués sous un contrôle visuel. C'est la nécessité de ce contrôle visuel qui expliquerait aussi en partie la difficulté qu'éprouve le parkinsonien à accomplir deux actes simultanément (Chouza, 1986 ; Horstink et al., 1990). L'akinésie est donc caractérisée par une mauvaise transmission des commandes motrices vers le système effecteur, bien que ces commandes soient élaborées dans des délais normaux, (Delwaide et Crenna, 1985, cités par Gauthier, 1985).

Gauthier (1985) souligne qu'il ne faut pas confondre akinésie et bradykinésie. Celle-ci étant la lenteur d'exécution du mouvement. Selon lui, l'akinésie est analysée par les temps de réaction, alors que la bradykinésie s'apprécie en termes de temps d'exécution (Hallett, 1988). Un mauvais état clinique du patient est fortement corrélé à l'allongement du temps d'exécution (Pullman et al., 1990). L'apprentissage préalable du test moteur à effectuer permet de réduire le temps de réaction, mais ne le normalise pas (Worringham et Stelmach, 1990).

L'akinésie interfère dans plusieurs activités, même les plus automatiques :

• La marche et l'équilibre sont perturbés : le démarrage est souvent difficile avec un net retard entre l'ordre et son exécution ;

• La parole, dysarthrique, devient monotone et aprosodique avec un débit accéléré ; • La mimique, souvent pauvre, donne au malade un aspect figé et indifférent.

Sur le plan physiopathologique, l'akinésie correspond à un défaut de transfert du programme moteur vers les structures exécutives (Gauthier, 1985). Elle serait la conséquence d'une altération de l'activité inhibitrice du striatum sur le pallidum (structure activatrice indispensable à la préparation du mouvement) par manque de contrôle inhibiteur dopaminergique du locus niger sur le striatum. À l'inverse, un excès de dopa dans le striatum pourrait conduire à une activité anormale du pallidum traduite par l'apparition de mouvements anormaux (Guillard et Fenelon, 1983).

3.1.5.4 Les autres signes moteurs et neurologiques

Les autres signes cliniques qu'on peut rencontrer chez les parkinsoniens incluent :

• Une altération des réflexes de la posture : attitude générale de flexion, le malade semble courir après son centre de gravité et ne s'arrête que devant un obstacle ;

• Une hypersudation ; • Une séborrhée du visage ;

_________________________________________ Changements cognitifs dans la maladie de Parkinson

44

3.1.5.5 Les troubles psychiques

Ils sont très variables quant à leur nature et leur intensité. Ces troubles concernent essentiellement l'humeur. La dépression est très fréquente. Trente à 70% des parkinsoniens présentent un état dépressif. La sévérité de la dépression serait selon certains travaux fortement corrélée à la sévérité de l'état mental tel qu'estimé par une forme modifiée du Mini-Mental State (Mayeux et al., 1981) et par des tests neuropsychologiques (Starkstein et al., 1989). Les Pk présentant une dépression majeure ont des déficits plus importants que ceux ayant une dépression mineure; particulièrement dans des tests supposés sensibles aux lésions frontales (Starkstein et al., 1989). Toutefois, ces résultats sont controversés et plusieurs études ne sont pas parvenues à établir de corrélation significative entre la dépression et les déficits cognitifs. En évaluant la mémoire à court terme, Taylor et al. (1986b) ne constatent pas de différence significative entre les performances des Pk déprimés et non déprimés. De plus, les deux groupes ont des performances supérieures à celles de patients ayant une dépression fonctionnelle. Quoi qu'il en soit, la dépression ne peut expliquer à elle seule les dysfonctionnements cognitifs de la mP.

Si la dépression est présente dans la mP quelle peut être alors son origine?. Plusieurs hypothèses explicatives se présentent :

 Pour Mindham et al. (1976), la dépression des Pk serait secondaire à la recrudescence des déficits physiques ;

 Pour Mayeux et al, (1984) elle serait le résultat inévitable des altérations monoaminergiques.

 Pour Rabins (1982) elle peut être endogène chez certains malades ressemblant à celle observée en psychiatrie.

Taylor et al. (1986b) testent ces hypothèses en analysant les performances de 4 groupes de sujets à des tests de MCT et au subtest de vocabulaire de la WAIS-R. Il s'agit d'un groupe de Pk déprimés, un groupe de Pk non déprimés, un groupe de patients souffrant de dépression endogène et un groupe témoin. Les auteurs notent que les performances des Pk en MCT sont comparables quel que soit le degré de sévérité de leur dépression. Toutefois, 3 des 5 indices de MCT sont déficients chez les patients ayant une dépression endogène. Les auteurs analysent les réponses des Pk à l'échelle de dépression Beck. Ils remarquent que les réponses peuvent être classées sous deux rubriques. Une rubrique générale contenant des difficultés psychologiques similaires à celles évoquées par les témoins. L'autre rubrique comporte des items en relation avec la frustration secondaire aux difficultés motrices. Très peu de patients rapportent des pensées auto-destructrices, un sentiment de culpabilité, une sensation d'échec ou un autre type de troubles

de l'humeur tels qu'on en retrouve dans la dépression endogène. Ainsi, la dépression des Pk est loin de s'apparenter à la dépression psychiatrique névrotique ou psychotique.

Il paraît que les modifications neurochimiques (déplétion dopaminergique du cortex préfrontal) et leurs conséquences neuropathologiques prédisposent les patients à un affect dépressif qui serait facilement réactivé par les difficultés motrices réelles (Agid et al., 1984; cités par Taylor et al., 1986b).

3.1.5.6 Les troubles cognitifs et la notion de démence sous-corticale

La présence de troubles cognitifs dans la mP a été niée par plusieurs auteurs classiques et par Parkinson lui-même. Toutefois, actuellement l'existence de troubles cognitifs même au début de la maladie est établie. La nature de ces troubles sera décrite plus loin. Nous discutons ici de la présence controversée de la démence dans la mP.

L'estimation de la prévalence de la démence dans la mP varie selon les auteurs de 8% pour Taylor (1985) à 72% pour Oyebode et al. (1986) voire même à 93% pour Pirozzolo et al. (1982). Cette divergence des estimations serait due à trois facteurs :

• Des différences de méthodes dans les critères utilisés pour définir la démence dans la mP, les instruments diagnostiques employés et les caractéristiques démographiques et cliniques des populations examinées (Oyebode et al,. 1986 ; Dubois et al., 1991).

• Des difficultés d'application des critères classiques de démence, tels les critères comportementaux ou ceux du DSM III-R (1989), du fait de la présence de troubles moteurs et des effets iatrogènes des thérapeutiques notamment les anticholinergiques. • l'association possible entre mP et maladie d'Alzheimer, l' "alzheimérisation de la mP" et le

fameux débat mettant en question l'individuation d'une "démence sous-corticale" (Cummings, 1986 ;, pour une revue Cf. Gibb, 1989).

Lorsque les critères de sélection des populations sont contrôlés, la fréquence est de 15 à 20% (Cf. Dubois, 1989) donc supérieure à la prévalence de la démence dans la population générale.

La "démence sous-corticale", décrite par Wilson en 1912 et introduite par Albert et al. en 1974 (cités par Cummings, 1986) réfère à un ralentissement des processus cognitifs associé à des troubles de la mémoire et des changements de l'humeur. Les études comparant les performances de patients ayant des lésions à prédominance corticale (comme la maladie d'Alzheimer) à ceux ayant des lésions sous-corticales (comme la mP) montrent des patterns de déficit différents. Dans les démences "corticales" les troubles des fonctions instrumentales aphaso-apracto-agnosiques et l'amnésie sont prévalants. La lenteur, l'altération des fonctions exécutives et le déficit du rappel sont typiques de la "démence sous-corticale" (Cummings, 1986). Ces données descriptives ont été

_________________________________________ Changements cognitifs dans la maladie de Parkinson

46

analysées dans le but de savoir si ces différences sont qualitatives (processus cognitifs différents) ou quantitatives (degrés différents de la sévérité de la démence). Les travaux de Huber et al. (1986) et Pillon et al (1993) postulent l'existence de patterns de dysfonctionnements différents entre mP et maladie d'Alzheimer. Les travaux de Mayeux et al. (1983) et la revue critique de Brown et Marsden (1988) montrent que le poids des arguments ne favorise pas un découpage clair entre ces deux pathologies. D'une part, les troubles exécutifs frontaux ne sont pas spécifiques aux "démences sous-corticales" et peuvent s'observer dans les "démences corticales" (Bhutani et al., 1992). D'autre part, les plaques séniles, marqueur histologique habituel de la maladie d'Alzheimer, sont observées dans la mP (Hakim et Mathieson, 1979). De plus, les lésions sous-corticales touchant le noyau de Meynert (Whitehouse et al., 1986) et le locus niger avec le corps de Lewy (Ditter et Mirra, 1987) sont également observées dans la maladie d'Alzheimer.