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Présence sociale, socio-affective et apprentissage informel

Chapitre 2 : Environnements d’apprentissage et vie privée

2.1. Environnements d’apprentissage en ligne

2.1.4. Présence sociale, socio-affective et apprentissage informel

La théorie du pragmatisme souligne l’importance du climat socio-affectif dans lequel se déroulent les transactions lors de la pratique d’enquête. Elle insiste plus spécifiquement sur les aspects permettant de soutenir les interactions à distance entre les apprenants tels que le respect mutuel nécessaire à la confrontation des divers points de vue, à la négociation et à la régulation pour concevoir et mettre en œuvre des solutions pour résoudre des problèmes d’apprentissage (Shea et Bidjerano, 2009). Ces éléments constituent la dimension de la présence sociale et socio-affective telle que définie par Jézégou (2010).

Présence sociale et socio-affective

La présence dans les environnements virtuels fait référence aux interactions entre les apprenants lorsque que ces derniers, bien qu’éloignés géographiquement, se regroupent, spontanément ou pas, pour résoudre une situation problématique en collaborant ensemble à distance par des outils de communication synchrones ou asynchrones (Jézégou, 2010).

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Se focalisant sur les aspects socio-affectifs des interactions, Dejean-Thircuir (2010) propose de cerner l’analyse des interactions en deux indicateurs principaux : le dévoilement de soi et la gestion de conflits.

Le dévoilement de soi, selon l’auteur, passe souvent en premier lieu par le dévoilement de son univers incluant certains traits de son caractère ou encore de ses émotions. Par exemple, le simple partage de ses émotions afin de justifier une confusion liée à une connaissance bien déterminée peut susciter une certaine empathie chez les membres de la communauté et contribuer ainsi à l'intensité socio-affective entre les membres manifestée dans leurs échanges. Grosjean (2008), quant à elle, estime que la révélation d’aspects multiples de soi-même conduit les individus à construire une identité sociale et à se démarquer des autres en présentant leurs caractéristiques individuelles. Cette présentation de soi permet aux apprenants impliqués dans une situation d’apprentissage informel d’établir des connexions et échanger des expériences personnelles nécessaires pour leur apprentissage.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la présence socio-affective et sociale s’avère un élément fondamental pour le bon déroulement d’interactions entre apprenants, plus particulièrement dans un contexte informel d’apprentissage où le formateur ou l’instructeur est généralement absent.

Une étude de Mangenot et Nissen (2013) approfondit cette idée de l’importance de la dimension socio-affective dans l’apprentissage. Les résultats ont montré très clairement, de manière statistiquement significative, que les apprenants ayant bénéficié des feedbacks affectifs lors de leurs interactions avec les pairs (par feedback affectif nous désignons ici les interventions destinées à créer un climat relationnel propice à l'apprentissage, à favoriser l’entraide entre apprenants et à les soutenir) ont plus progressé que les autres dans leur apprentissage.

Enfin, l'intérêt que suscite le concept de présence socio-affective dans les contextes d’apprentissage informel est non seulement lié au soutien qu’offre cette dimension à la présence cognitive qui résulte des transactions en jeu entre les apprenants pour résoudre une situation problématique, mais également à l’engagement et la motivation socialement ancrés qu'ont les apprenants pour interagir ensemble autour de leurs objectifs communs.

Néanmoins, si le climat lié à la présence socio-affective est une condition propice à la construction de la connaissance, il n’est pas évident pour les apprenants, sans s’être rencontrés

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physiquement, de créer à distance des relations symétriques et stables basées sur une empathie et une amabilité ressentie par chacun (Balsam et Tomie, 2014).

Cette situation est d’autant plus délicate que, dans les environnements d’apprentissage informel, les outils de communication intégrés aux plateformes permettent rarement de mettre en jeu le facteur émotionnel; ce dernier étant alors peu perceptible par des interlocuteurs distants. Or, il constitue un puissant vecteur d’affectivité dans l’interaction humaine. Ainsi, il convient de soutenir la présence socio-affective avec la dimension émotionnelle.

Émotions

De nombreux travaux nous amènent à constater que les émotions influencent fortement tout processus mental, notamment l’apprentissage. Pekrun et Linnenbrink-Garcia (2012) ont prouvé que, durant une séance d’apprentissage, un apprenant peut éprouver différentes émotions négatives ainsi que positives tels que l’ennui, l’anxiété, l’espoir, la joie, etc., ayant un grand impact sur ses performances. En revanche, des émotions positives peuvent, selon Isen (2001), faciliter la mémorisation et le raisonnement et favoriser le succès de l’apprentissage. D’autre part, Cleveland-Innes et Campbell (2012) ont démontré, lors d’une session d’apprentissage en ligne, que le rendement d’un apprenant est fortement influencé par certains états affectifs tels que la confusion, l’ennui, la frustration, etc.

O’Regan (2003), pour sa part, a étudié les émotions, négatives et positives des étudiants en ligne : la frustration à cause de la technologie ou le contenu mal structuré, l’anxiété face au temps à gérer, face à des consignes de travail peu claires, face au regard des pairs inconnus ou face aux feedback des autres. L’auteur a également étudié l’embarras ou la honte liés au caractère public et permanent des échanges publiés, l’enthousiasme dû à la nouveauté du mode d’apprentissage, la fierté ou la joie résultante de la réussite d’une tâche ou de la réception d’un feedback positif de l’enseignant et des pairs. L’auteur livre en conclusion de ses travaux un certain nombre de conseils pratiques destinés à éviter les émotions négatives, en affirmant que la question des émotions ne doit pas être écartée de la recherche sur l’apprentissage en ligne.

Lipman (2003) a évoqué la question des émotions dans les communautés d’apprentissage et a affirmé que la considération du facteur émotionnel dans un contexte social et collectif améliore le raisonnement et renforce la présence sociale. Cette présence a été définie dans le modèle de COI (Garrison et al., 1999), présenté ci-haut, comme la mesure dans laquelle les

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apprenants se sentent socialement et émotionnellement engagés dans la communauté et connectés aux autres membres. Ceux qui sont engagés dans l'apprentissage en ligne ou en communauté expérimentent les effets de l'émotion sur une base quotidienne, que ce soit en relation à l'apprentissage en ligne ou à leur rôle dans la communauté.

Les travaux sur l’apprentissage en ligne, et l’éducation en général, suggèrent que l'émotion est ni un objectif, ni un résultat de l'apprentissage. Elle est au cœur de la cognition et doit être considérée comme un élément nécessaire, au bon fonctionnement de la communauté, l’adaptation de l’apprenant à son rôle dans la communauté et son autorégulation (Artino et al., 2010).

Enfin, selon Artino et al. (2010), sept des quinze indicateurs socio-affectifs identifiés lors des analyses des traces d’apprentissage en ligne sont des expressions émotionnelles. Ceci dit, l’étude de l'émotion comme un aspect fondamental de la présence sociale est nécessaire pour l’analyse des interactions sociales entre apprenants, et plus particulièrement dans un contexte informel d’apprentissage où la dimension affective a un grand impact sur l'expérience d'apprentissage.