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Chapitre 6 : Analyse d’interactions entre apprenants

6.1. Analyse d’interactions entre apprenants

D’une manière générale, l’interaction dans un contexte d’apprentissage formel diffère de celle dans un contexte informel par plusieurs éléments. En effet, la principale motivation de joindre un environnement d’apprentissage informel selon les apprenants est la recherche de la valeur sociale et la satisfaction des besoins socio-émotionnels (De Wever et al., 2010), alors que l’acquisition de nouvelles connaissances est la principale motivation dans l’apprentissage formel. Ceci étant dit, analyser les interactions entre apprenants dans les contextes formels vise à trouver des indicateurs de l’apprentissage réalisé en se basant sur un ensemble de critères tels que les arguments et les contre arguments construits par les apprenants dans les interactions (Weinberger et Fischer, 2006).

Par ailleurs, des études de Lin et al. (2013) et kasdali (2014) ont démontré la marginalité de la dimension cognitive et la prédominance de la dimension sociale et affective dans les contextes informels. Les auteurs ont suggéré de considérer des indicateurs socio-émotionnels tels que le partage d’émotions et l’empathie entre apprenants afin d’évaluer l’apprentissage réalisé dans ces contextes. Ceci étant dit analyser les interactions dans les contextes informels revient à trouver des indicateurs socio-émotionnels témoignant les émotions, l’attitude et la perception des apprenant vis-à-vis un cours ou un matériel didactique. Dans ce sens, Ortigosa

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et al. (2014) ont analysé des interactions dans le but de déduire les sentiments d’un apprenant et lui recommander des activités d’apprentissage adéquates en se basant sur des indices socio- émotionnels et en utilisant des techniques d’analyse des sentiments.

D’autres chercheurs se sont focalisés à l’étude de l’impact de l’interaction sur l’apprentissage en examinant les indices socio-émotionnels dans les interactions entre apprenants. Dans cette optique, une étude de Mangenot et Nissen (2013) a montré que les apprenants ayant bénéficié des feedbacks affectifs positifs lors de leurs interactions avec des pairs ont plus progressé que les autres dans leur apprentissage. En effet, de point de vue socio-émotionnel, un feedback est considéré positif s’il provoque des sentiments positifs et stimule l'intérêt de l'apprenant, sa motivation et son auto-efficacité, même quand ce feedback n’est pas orienté sur la tâche d’apprentissage (Kulkarni et al., 2015). En revanche, un feedback est désigné comme étant négatif s’il inclut un message décourageant, démotivant, ridiculisant l’apprenant ou le harcelant psychologiquement lors de son interaction avec ses pairs. Ce type de feedback est vu comme une forme de punition auprès des apprenants décourageant ces derniers de demander l’aide et de poursuivre leurs objectifs d’apprentissage (Kulkarni et al., 2015). La perception du feedback, un élément nécessaire de l’analyse des interactions, est étroitement liée aux émotions : les émotions qui ont initié le besoin d’aide et celles qui en résultent. En effet, des états émotionnels et psychologiques tels que la motivation et l’engagement ont un rôle fondamental non seulement dans les interactions mais aussi l’apprentissage surtout que l’impact des émotions sur l’apprentissage n’est plus à démontrer (Lipman, 2003).

6.1.1. Rôle des émotions dans l’interaction

L’effet de l’émotion sur l’interaction a été étudié sous différentes perspectives. En effet, des chercheurs voient que la relation entre ces deux facteurs est bidirectionnelle, ce qui veut dire que les émotions suscitent le besoin de l’interaction et cette dernière peut affecter positivement ou négativement les émotions d’un apprenant (Nummenmaa et al., 2012). Les auteurs ont attiré l'attention sur le fait que des états émotionnels et psychologiques tels que l'incertitude, la confusion, l'anxiété jouent un rôle important dans le processus de recherche et de demande d’aide entre apprenants, et que les émotions doivent être considérées comme nécessaires pour l’apprentissage dans ces contextes.

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Précisons ici que nous nous intéressons dans cette recherche à l’effet de l’interaction sur l’apprenant qui a demandé l’aide et non pas sur celui qui l’a fournie. Dans cette optique, O’Regan (2003) a suggéré de considérer des émotions négatives et positives des étudiants en ligne tels que la frustration ou l’anxiété face au regard des pairs inconnus ou face aux feedback des autres, l’embarras ou la honte liés aux interactions, la fierté ou la joie résultante de la réussite d’une tâche ou de la réception d’un feedback positif d’un pair.

En outre, Hage et Aïmeur (2009) voient qu’examiner l’effet de l’émotion dans l’apprentissage est intéressant mais instaurer un environnement préservant la vie privée est indispensable. Dans ce qui suit, nous verrons le rôle de la protection de la vie privée dans les interactions sociales entre apprenants.

6.1.2. Rôle de la protection de la vie privée dans l’interaction

Les apprenants inscrits dans les environnements et les communautés virtuelles d’apprentissage ont souvent mentionné ne pas se sentir en sécurité pour pourvoir demander de l'aide de leurs pairs (Amichai-Hamburger, 2012). En effet, il semble que beaucoup d'apprenants trouvent que l'accès non contrôlé et les messages persistants sont un obstacle à leur vie privée et leur sécurité et donc les freine de participer aux interactions en ligne même quand ils en ont besoin. Dans ce contexte, Malinen et Nurkka (2015) soulignent que la vie privée et la sécurité ne sont pas souvent garanties dans les interactions sociales en ligne. Bien que ces deux notions soient liées, elles ne sont pas identiques. La sécurité (safety) se réfère à la protection physique et psychologique des utilisateurs alors que la vie privée désigne davantage la protection des données personnelles (Amichai-Hamburger, 2012).

Bien que la plupart des interactions dans les situations d’apprentissage soient positives, force est de constater la prévalence des feedbacks négatifs visant à ridiculiser, embarrasser ou harceler l’autre. Ainsi, les apprenants peuvent être mal à l'aise avec les feedbacks négatifs et le ton et l'hostilité de leurs pairs et se sentent plus à l'aise quand ils peuvent rester anonymes car ils ne se sentent pas être personnellement visés par les commentaires des autres (Malinen et Nurkka, 2015). Pour cela, afin de protéger les apprenants, toute divulgation non intentionnelle ou non contrôlée doit être détectée et supprimée afin d’éviter qu’un pair mal intentionné ou abusif puisse acquérir des connaissances sur l'identité des apprenants en se basant sur certaines informations divulguées dans leurs interactions.

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