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Récemment, plusieurs études dont Vivolo-Kantor et al. (2014) ont commencé à examiner les facteurs derrière l'implication dans la cyberintimidation en essayant de répondre aux questions suivantes : Quelles sont les caractéristiques des intimidateurs et celles des intimidés ? Y a-t-il des prédicteurs de la victimisation et la perpétration d’actes de cyberintimidation?

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Dans ce sens, certains chercheurs se sont focalisés sur les facteurs psychologiques ou sociaux liés à la perpétration d’actes de cyberintimidation ont constaté que le narcissisme (Fanti et al., 2012) et le désengagement moral (Hemphill et Heerde, 2014) ont un rôle considérable à jouer dans la perpétration d'actes de cyberintimidation. En revanche, d'autres études ont trouvé différents facteurs tels que l'hyperactivité et l’extraversion comme de forts prédicteurs de la victimisation à la cyberintimidation (Kowalski et al., 2014). En effet, il est clair que la personnalité, qui implique une combinaison particulière des modèles émotionnels, psychologiques et réponse comportementale d'un individu, a une influence sur la façon dont ce dernier se comporte et ses réponses à l’interaction avec les autres. Par exemple, les traits de personnalité peuvent affecter le choix de contenu en ligne ou peuvent conduire à un modèle général de comportement dans une situation spécifique. Cela signifie que la personnalité influe les comportements des utilisateurs en ligne et leurs stratégies d’auto- présentation (Nevin, 2015).

Dans cette étude, nous nous intéressons aux associations entre la personnalité, le comportement en ligne et la cyberintimidation à savoir la victimisation et la perpétration d’actes de cyberintimidation. Les associations entre ces facteurs constituent les hypothèses de notre modèle de recherche, détaillé dans cette section.

7.2.1. Personnalité, comportement en ligne et perpétration d’actes de

cyberintimidation

La compréhension du rôle que jouent les traits de personnalité dans les comportements abusifs et dans la cyberintimidation peut aider à mieux concevoir des solutions de prévention/intervention visant à réduire la prévalence de ce phénomène dans les interactions sociales. Dans les faits, cela permet de prédire si un individu pourrait être un intimidateur ou s’il est plus vulnérable à la cyberintimidation et par conséquent le protéger avant que le mal ne soit fait. Dans ce contexte, des chercheurs ont étudié les relations entre les cinq facteurs de l’inventaire de personnalité Big Five et la cyberintimidation (Festl et Quandt, 2013). Rappelons que cet inventaire comprend cinq traits qui sont : extraversion, agréabilité, ouverture à l'expérience, conscienciosité et névrosisme.

L’extraversion est associée à la sociabilité et la loquacité, alors que l'agréabilité est généralement associée à la cordialité, l’esprit de coopération, et la serviabilité. L'ouverture à l’expérience, elle, est associée à la créativité, la recherche de la nouveauté et l’excitation,

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tandis que la conscienciosité se rattache à la discipline, la crédibilité et l'organisation. Enfin, le névrosisme est associé à l'anxiété et l'instabilité émotionnelle.

Dans l'une des études reliant la cyberintimidation au Big Five, Festl et Quandt (2013) ont constaté que le névrosisme et l'extraversion étaient de forts prédicteurs de la perpétration d’actes de cyberintimidation. Néanmoins, deux autres traits pourraient être de bons prédicteurs de la cyberintimidation, bien qu’ils y soient négativement associés. Le premier trait est l'agréabilité qui se rattache aux individus de confiance, coopératifs qui préfèrent maintenir des relations positives avec les autres (Foody et al., 2015). Le second trait est la conscienciosité qui concerne la façon dont les gens contrôlent, règlent et dirigent leurs réactions envers les autres.

Les individus ayant de faibles scores d’agréabilité et de conscienciosité, dits égocentriques, sont généralement indifférents à la fois aux règles conventionnelles et aux émotions des autres (Foody et al., 2015). Ils sont généralement décrits par les autres comme peu coopératifs, irrespectueux, égoïstes et prétentieux (Kowalski et al., 2014). Nous estimons que, dans un contexte d'interaction en ligne, ces deux traits de personnalité auraient un impact sur la volonté de coopération des individus et leurs réactions face aux requêtes d’aide des autres, ce qui augmente la probabilité de s’engager dans des comportements abusifs et intimidants. Par conséquent, nous formulons les hypothèses suivantes :

H1. L'agréabilité est négativement associée à la probabilité d’implication dans des comportements abusifs

H2. La conscienciosité est négativement associée à la probabilité d’implication dans des comportements abusifs

H3. L’implication dans des comportements abusifs est positivement associée à la perpétration d’actes de cyberintimidation.

7.2.2. Personnalité, comportement en ligne et victimisation

Il est à noter que les individus présentant différents facteurs de vulnérabilité sont bien souvent ceux qui adoptent des comportements plus risqués en ligne en s’engagement dans une divulgation excessives des données souvent sensibles et s’y exposent de façon plus hasardeuse (Xu et al., 2012). Soutenu souvent par l'anonymat et le manque de supervision significative en ligne, certains utilisateurs pourraient réagir défavorablement à l'information

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divulguée ou révélée en s’impliquant dans des comportements abusifs ou dans la cyberintimidation. Ceci dit en s’engageant dans une pratique d’auto-divulgation qui inclut souvent des informations personnelles très sensibles, des émotions intimes, attitudes, ou des sentiments, les individus peuvent devenir plus vulnérables (Kokolakis, 2015).

Compte tenu de ces constatations, nous considérons l'hypothèse suivante :

H4. Les personnes s’engageant dans l’auto-divulgation sont plus susceptibles d'adopter des comportements à risque.

Les processus d'auto-divulgation et d'auto-présentation sont des aspects importants de l'interaction sociale (Giota et Kleftaras, 2014) recouvrant la manière dont un individu se présente aux autres. Les individus ont tendance à mettre en évidence leurs aspects positifs et négatifs dans la création de leurs identités sociales virtuelles en utilisant de nombreuses stratégies (Sampasa-Kanyinga et Hamilton, 2015). Ces stratégies sont principalement divisées en deux catégories : assertive et défensive (Dredge et al., 2014). Les stratégies défensives sont utilisées pour justifier ou rétablir une situation, alors que celles assertives visent à créer une identité particulière de l'individu (Sadler et al., 2010). Par exemple, au cours de leurs échanges en ligne avec les autres, certains individus ne se soucient pas d'être détestés, ils cherchent plutôt à être craints et à paraitre puissants. Cette stratégie assertive, dite d’ingratiation, est l’une des plus étudiées dans la littérature sur l’auto-présentation (Sadler et al., 2010). Ainsi, cela peut être considéré comme un comportement à risque de s’engager dans certaines stratégies négatives d’auto-présentation lors de ses interactions avec les autres, soit dans des requêtes d’aide ou en répondant aux requêtes des autres. Cela nous mène à formuler l’hypothèse suivante :

H5. Les personnes qui se livrent à l’auto-présentation sont plus susceptibles d'adopter des comportements à risque.

7.2.3. Impact de la victimisation sur la perpétration d’actes de

cyberintimidation

Peu d'études se sont intéressées à la relation et l'effet de la victimisation sur la perpétration d’actes de cyberintimidation. Par exemple, Pabian et Vandebosch (2015) ont étudié l'impact de la participation à l'intimidation traditionnelle sur l’implication dans la cyberintimidation, mais ils n’ont pas étudié les relations bidirectionnelles entre la victimisation et l’engagement ultérieur dans la cyberintimidation. Tandis que Kowalski et al. (2014) ont démontré qu’une

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exposition à une intimidation préalable augmente le risque de la participation à la cyberintimidation.

La recherche sur l'intimidation a montré qu'il existe deux types d’intimidateurs : les purs intimidateurs et les intimidateurs-victimes (Law et al., 2012). Les premiers sont ceux qui sont les plus susceptibles de s’engager dans l’intimidation afin d'améliorer leurs situations sociales en croyant rétablir de cette manière un rapport de pouvoir envers l’autre par exemple (Foody et al., 2015). Les intimidateurs-victimes, eux, sont plus susceptibles de se livrer à un comportement abusif où à une intimidation dans le but de se venger ou se défendre suite à une victimisation. En se basant sur ces constatations, nous établissons les hypothèses suivantes :

H6. Les personnes qui s’engagent dans des comportements à risque sont plus susceptibles de se livrer à des comportements abusifs

H7. Les comportements à risque sont positivement associés à l’implication dans la cyberintimidation

La figure 27 présente le modèle de recherche et résume les hypothèses évoquées ci-haut.

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Après avoir présenté nos hypothèses, nous décrivons dans la section suivante la méthodologie ainsi que les différentes mesures utilisées dans cette étude pour tester et évaluer ces hypothèses.