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La présence des ETM dans les Mafor et les flux d'apport aux sols via les Mafor

3. Les apports de contaminants via les Mafor

3.3. Les contaminants minéraux (Eléments Traces Minéraux)

3.3.2. La présence des ETM dans les Mafor et les flux d'apport aux sols via les Mafor

Ordres de grandeur des concentrations en ETM totaux dans les différentes Mafor

Les données les plus abondantes portent sur les neuf ETM réglementés ; ce sont ces données qui ont été synthétisées. Il serait pourtant important de disposer de données sur Sb, Sn, Tl, Te, classés comme métaux lourds selon la règlementation européenne, ainsi que sur Ag et Ti, du fait de leur utilisation croissante sous forme de nanoparticules. Beaucoup de données ne portent que sur les teneurs totales en ETM.

Les données analytiques disponibles sur les Mafor en France ont été recherchées, et comparées aux résultats présents dans la littérature scientifique internationale ou les recensements de données européennes. Lorsque les données françaises, qui sont surtout issues de la littérature grise, sont suffisamment nombreuses, les concentrations en ETM dans les Mafor françaises sont distinguées.

Les teneurs en ETM dans les effluents d'élevage

Dans les effluents bovins et porcins des élevages intensifs, Cu et Zn sont présents à de fortes concentrations (le lisier de porc, par exemple, contient 360 à 800 mg Cu /kg MS). Ce Cu et ce Zn ont pour origine la supplémentation en minéraux de l’alimentation du bétail. Cu et Zn sont des oligo-éléments essentiels pour le bon déroulement de nombreuses fonctions physiologiques pour tous les animaux. Le cuivre a également un effet stimulant sur la croissance des porcs, alors que le zinc leur permet de lutter contre une maladie cutanée (parakératose). Ces minéraux, apportés en excès, se retrouvent de fait en grandes quantités dans les déjections, principalement les fèces. La plupart des études indiquent que le Cd, le Cu et le Zn dans les fumiers sont majoritairement présents sous une forme complexée à la matière organique.

Lorsque les lisiers sont digérés avant d’être épandus, la plus grande partie des ETM se retrouve dans le digestat solide, qui contient la majorité de la matière sèche. La mobilité des métaux (Cu et Zn) est plus faible dans les lisiers digérés que dans les lisiers non digérés. Excepté s'ils proviennent de lisiers porcins qui peuvent être riches en Cu et Zn, les digestats produits à partir de déchets agricoles présentent pratiquement toujours des teneurs en ETM nettement en dessous des valeurs limites des normes de mise sur le marché des amendements organiques. Il est difficile de juger de l’effet du compostage, car on ne dispose pas en général des teneurs avant et après le traitement de l’effluent d’élevage considéré. D’autre part, les co- substrats utilisés comme éléments structurants peuvent apportés des ETM.

Les teneurs en ETM dans les boues de STEU en France, et leur évolution

Les ETM étant surtout dans la phase particulaire des eaux brutes (très majoritairement pour Zn, Cd, Cr, Pb Cu et Hg ; largement pour Ni, As et Se), ils se retrouvent, à l'issue du traitement des eaux, en grande majorité (70 à 90%) dans les boues produites.

Les concentrations en ETM rencontrées dans les boues de STEU françaises sont largement inférieures aux seuils règlementaires pour les sept ETM règlementés (Tableau 3-7). Une étude réalisée en 2010-2011 sur le bassin Rhône- Méditerranée-Corse notait que 95% des stations envoyant leurs boues en épandage direct produisent des boues conformes à l’Arrêté du 8 janvier 1998 (les dépassements concernent surtout le Cu, parfois le Zn, jamais le Cd, le Cr ou le Pb). Depuis 1993 (Figure 3-7), on observe une diminution pour le cadmium, le chrome, le mercure et le plomb – pour ce dernier, la baisse s'explique en partie par la disparition de l’essence au plomb en Europe. La baisse est moindre pour le nickel et le zinc. En revanche, la concentration en Cu a légèrement augmenté depuis 1993, et elle est souvent responsable des cas de non-conformités.

Figure 3-7. Evolution des concentrations en ETM dans les boues en France entre 1993 et 2009

Sources :1993 : CSHPF; 1997, 1999-2000 (1) et (2) : Huyard et al., 2004 ; 2007 à 2009 : Commission européenne

Les effets des traitements appliqués aux boues

Les boues de STEU urbaines peuvent subir divers traitements : déshydratation, séchage thermique ou solaire, lagunage, chaulage, compostage, digestion (aérobie et surtout anaérobie). La littérature concernant le contenu en ETM dans les boues digérées et séchées est abondante, les effets des autres traitements étant beaucoup moins documentés. Ces traitements influencent les concentrations en ETM. Les tendances d’évolution des concentrations sont similaires pour tous les ETM. Les boues de lagunage, qui ne sont extraites que tous les 10 ou 15 ans, sont fortement minéralisées et présentent des teneurs en ETM supérieures à celles de boues déshydratées.

Les teneurs en ETM des boues digérées sont systématiquement supérieures à celles mesurées dans les boues primaires ou biologiques, suggérant un phénomène d’accumulation des métaux pendant la digestion anaérobie, en lien avec la perte de matière organique. Ainsi, il existe un consensus dans la littérature selon lequel, l’ensemble des ETM se concentre lors de la digestion anaérobie des boues. Les ETM liés à la matière organique se retrouvent majoritairement dans le digestat solide. A l’exception de quelques rares cas (Ni par exemple), toutes les valeurs de concentrations en ETM dans les boues digérées sont inférieures aux valeurs exigées par la réglementation française dans le cadre de l’arrêté de Janvier 1998. La digestion anaérobie semble globalement favoriser la formation de formes chimiques stables des ETM. Des études reliant la qualité des boues digérées à la spéciation des ETM permettraient de mieux étayer ces observations. D’autre part, les ETM s’accumulent dans les boues en fin de digestion aérobie, comme dans le cas de la digestion anaérobie.

Dans les boues compostées, l’ajout du structurant carboné lors du mélange avant compostage conduit à une "dilution" des polluants contenus dans les boues. Il existe un certain consensus dans la littérature selon lequel la mobilité de la plupart des ETM et leur phytotoxicité sont réduites par le compostage.

Concernant les boues industrielles, la littérature est peu abondante, et peu diversifiée par rapport à l’éventail des activités industrielles. Dans les cas documentés (boues papetières, de distilleries ou issues de l’industrie textile), le contenu en Cu, Zn, Ni, Pb et Cr est bien plus faible que dans les boues urbaines digérées. Les éléments bibliographiques concernant la spéciation des ETM dans les Mafor d'origine industrielle sont rares et ne permettent pas de tirer de conclusions.

Les teneurs en ETM dans les Mafor issues d’autres déchets urbains

Les concentrations en ETM mesurées dans les composts obtenus après un tri mécanique des ordures ménagères sont globalement plus élevées qu'après une collecte sélective chez les particuliers (tri à la source). La littérature internationale montre que certains composts d’OMR triées mécaniquement ne seraient pas conformes à la norme française NFU 44051, notamment pour le cuivre, le plomb, voire le zinc. Les teneurs en ETM des composts de biodéchets des ménages sont en moyenne supérieures à celles des composts de déchets verts. En France, les composts d’OMR ont des teneurs largement

0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 Cd Cr Cu Hg Ni Pb Se Zn Teneur en mg/kg de MS 1993 1997 1999-2000 (1) 1999-2000 (2) 2007 2008 2009 0 1 2 3 4 5 Cd 0 1 2 3 4 Hg

inférieures à la norme NFU 44051 pour l’ensemble des ETM réglementés, même si une attention particulière pourrait être portée à l’arsenic. Comme dans les boues de STEU, les ETM se concentrent au cours du processus de compostage du fait de la minéralisation de la matière organique. Il existe un consensus dans la littérature selon lequel le compostage augmente la complexation des métaux avec la matière organique résiduelle, limitant leur solubilité et leur biodisponibilité potentielle dans le sol. La matière organique du compost de déchets verts (fortement humifiée) présente globalement un fort degré d’affinité avec les ETM (formation de complexes organométalliques très stables). Ainsi, le potentiel de lixiviation des métaux lourds à partir de compost mature, qu’il s’agisse de biodéchets ou de déchets verts, apparaît faible.

Les teneurs en ETM dans les autres Mafor

Les boues issues des usines de potabilisation des eaux présentent des concentrations en ETM réglementés largement inférieures aux seuils réglementaires. Cependant, ces boues sont susceptibles de contenir des éléments non réglementés comme l’aluminium.

Dans les cendres de boues de STEU, de bois ou de résidus agricoles, les teneurs en ETM sont plus élevées que dans la matière première dont ils sont issus du fait de leur concentration suite au processus de combustion. Des teneurs en ETM largement supérieures aux valeurs de la norme NFU 44 051 ont été observées dans des cendres de bois, notamment de bois de rebut, lors d’études réalisées en France. Les cendres de STEU peuvent être supérieures à ces limites pour les Zn, Cu et Cd, alors que les cendres de charbon seront problématiques pour le Ni.

Dans la majorité des biochars étudiés, le Zn et le Cu sont les ETM présents dans les plus fortes concentrations. Les biochars obtenus à partir de boues de STEU ou de déjections sont ceux qui présentent les plus fortes teneurs en ETM. L’analyse de la littérature montre qu’il est difficile avec un biochar de respecter les valeurs-seuils de la NFU 44-051 ; il est en revanche possible, avec un biochar de boues de STEU, de satisfaire aux critères de l’Arrêté de Janvier 1998. Il existe peu d’études sur la spéciation des ETM dans les biochars. Cependant, le processus de pyrolyse est réputé réduire les formes labiles des ETM, et donc leur lixiviation potentielle dans le sol. Les premiers travaux de spéciation réalisés confirment que le procédé d’obtention permet de stabiliser les ETM dans le biochar.

Dans les sédiments fluviatiles de dragage, d'après les données françaises, toutes les concentrations en ETM sont inférieures aux valeurs-seuils de l’arrêté de Janvier 1998 pour les boues. La littérature internationale signale en revanche que certains sédiments de dragage de rivière sont susceptibles de dépasser ces seuils, pour les Cd, Cr, Cu, Ni, Pb et Zn. On peut noter la quasi-absence de références concernant des Mafor utilisables en agriculture biologique comme les poudres de sang et d’os (trois références).

Effet des traitements sur la teneur et la spéciation des ETM

Toute opération visant à éliminer une phase (eau par séchage, matière organique par digestion, compostage ou combustion) concentre les ETM, mais augmente leur stabilité (donc réduit leur disponibilité). Toute opération impliquant l'ajout d'un élément (structurant pour le compostage, chaux pour le chaulage) entraîne une dilution des ETM.

La valeur de la concentration totale est insuffisante pour prédire le devenir dans le sol des ETM : il est important de prendre également en compte la disponibilité. Cependant, les éléments permettant d’apprécier la spéciation des ETM ne sont pas disponibles pour toutes les Mafor, et la grande diversité des matrices et des techniques d'analyse de la spéciation rend les comparaisons très difficiles. Néanmoins, il apparaît que les différents procédés appliqués aux Mafor brutes, tels que le compostage ou la digestion, conduisent à une réduction globale des fractions facilement mobilisables et à une plus forte stabilité des complexes formés avec la matière organique, notamment lors du processus de compostage.

Flux d'apport aux sols agricoles

Les flux d'apport aux sols agricoles via les Mafor ont été estimés à l’échelle nationale et régionalisée, et comparés aux autres sources d'ETM que sont les contaminations atmosphériques et les apports par les engrais de synthèse, les amendements basiques et les traitements phytosanitaires (voir Tableau 3-13 de synthèse en fin de section).

A l’échelle nationale (Figure 3-8), les estimations des flux d'ETM entrant sur les sols agricoles par l’apport de Mafor

dépendent de l’élément considéré. Les déjections animales représentent la source principale (> 50%) pour As, Cu, Hg, Mo, Ni et Zn, alors que les engrais minéraux contribuent le plus à l’apport de Cd, Cr et Se (> 40%). Les apports d’ETM dus aux boues et composts d’origine urbaine ne contribuent pas à plus de 20% du total des apports. Toutefois, à l’échelle d’une

parcelle amendée, les flux effectifs d’ETM et leur origine dépendront des modes de fertilisation appliqués et des

caractéristiques des Mafor épandues, qui ne sont pas toujours connues. Les flux liés aux cendres de chaufferie bois restent très faibles à l’échelle nationale ; mais à la parcelle, ces flux peuvent être importants pour des éléments comme As, Cu, Cr et Pb, et approcher, voire dépasser, les seuils maximum réglementaires de flux pour ces éléments.

Figure 3-8. Flux annuel d'ETM apportés aux sols agricoles en France : contribution des différentes sources, à l'échelle nationale pour 10 ETM (a) et à l'échelle départementale pour le Zn (b)

a.

Source : Sogreah, 2007

b.

Parmi les ETM considérés dans l'ESCo, Cu et Zn sont les éléments dont les flux sont les plus importants lors de l’apport de Mafor. Ainsi un apport annuel d’effluent porcin (correspondant à une dose de 170 kgN/ha) induit une augmentation de l’ordre de 1 à 2% de la concentration en Cu et Zn du sol en surface. Les pertes annuelles par lixiviation, érosion ou transfert aux plantes sont plus faibles, conduisant à une augmentation graduelle des concentrations des sols en Cu et Zn, lorsqu’ils sont amendés avec ce type d’effluents d’élevage.