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Polymères de coordination en phase gel

II. Préparation des gels

Ayant observé de façon fortuite la gélification de nos composés, nous avons dans un premier temps tenté de déterminer quels facteurs (systèmes et conditions expérimentales) permettent au

système de gélifier. L’examen visuel reste une méthode efficace pour le screening d’un grand nombre

de molécules potentiellement gélifiantes. Observer si le liquide coule ou non constitue la toute première étape de caractérisation de ces systèmes.

Une étude préliminaire reposant sur une méthode de diffusion d’éther rappelle les

techniques de cristallogenèse : une solution de polymère homo- ou hétérométallique de L2 ou de L3

dans le méthanol est placée dans une enceinte saturée en éther diéthylique. En une heure une solution, un précipité, ou un gel peuvent être observés. Nous avons en premier lieu tenté de déterminer l’influence du ligand et du couple d’ions métalliques employés (tableau 5).

tableau 5. Gélification par diffusion d’éther. Influence du ligand et du couple métal/métal.

Second métal Premier

métal

Ligand

Co(NO3)2 Cu(NO3)2 FeCl2 NiCl2 Zn(NO3)2

Co(NO3)2 L2 gel orangé gel orangé (a) (a) gel orangé

L3 précipité orange précipité orangé (a) (a) (a)

Cu(NO3)2 L2 (a) gel violacé (a) (a) précipité violet

L3 (a) précipité turquoise (a) (a) (a)

FeCl2 L2 solution violette (a) précipité violet (a) précipité violet

L3 (a) (a) précipité violet (a) (a)

NiCl2 L2 (a) gel bleu clair (a) gel jaune gel jaune

L3 solution

viscoélastique jaune

(a) (a) précipité jaune gel jaune

Zn(NO3)2 L2 (a) gel violacé (a) (a) gel jaune

L3 (a) (a) (a) (a) précipité blanc

a

: test non effectué.

Il apparaît que L2 forme plus facilement des gels que L3. Les sels de cobalt, cuivre, nickel et

zinc semblent également favoriser la formation de gels. Notons toutefois les points suivants :

- l’éther, volatil, rend difficile la caractérisation des matériaux.

- La diffusion d’éther ne permet pas de quantifier facilement le volume d’éther solubilisé.

Un autre protocole a ensuite été employé : dans l’acétonitrile, les complexes obtenus avec des sels de nitrates peuvent gélifier spontanément en une heure environ à température ambiante (tableau

6). Les sels de Fe(NO3)2 n’étant pas commerciaux ont été exclus de cette étude.

tableau 6. Gélification dans l’acétonitrile. Influence du ligand et du couple métal/métal.

Second métal Premier

métal

Ligand

Aucun Co(NO3)2 Cu(NO3)2 Ni(NO3)2 Zn(NO3)2

Co(NO3)2 L2 solution orangée gel orangé gel violet gel orangé solution orangée a

L3 solution orangée solution orangée solution marron solution orangée solution orangée Cu(NO3)2 L2 précipité violet gel violet gel violet gel violet solution violette a

L3 solution vert clair solution marron solution bleu clair solution bleu clair précipité bleu Ni(NO3)2 L2 solution jaune clair gel orangé solution violette a gel jaune solution jaune a

L3 solution jaune clair solution orangée solution bleu clair solution jaune clair solution jaune clair Zn(NO3)2 L2 solution incolore solution orangée précipité violet solution jaune a précipité blanc

L3 solution incolore solution orangée solution bleu clair solution jaune clair précipité blanc a

: turbide

Cette seconde étude confirme qu’en présence de cations métalliques, L2 est un meilleur

gélificatateur que L3. D’autre part aucun gel n’est observé avec un seul équivalent métallique, ce qui

souligne l’importance du site cyclame. Les sels de cobalt, nickel et cuivre permettent une bonne gélification, alors que les gels de cuivre (II) sont métastables.

Différentes méthodes de gélification ont ensuite été mises en place. Celles-ci reposent généralement sur un jeu d’affinité soluté/solvant (tableau 7). Par exemple, en additionnant un

contre-ion sous forme de sel solide (KPF6…) à une solution de polymère de coordination de L2, une

gélification s’amorce à proximité de ce solide, et se propage ensuite à tout le système, illustrant les phénomènes de diffusion. Si le contre-ion est introduit en solution, le mélange trop rapide des deux systèmes provoque en général la formation d’un précipité. L’introduction d’un mauvais solvant ou d’un mauvais contre-ion peut donc provoquer de façon contrôlée la gélification, mais nous avons retenu les méthodes où celle-ci est spontanée. Dans ce cas, le solvant et les contre-ions du complexe présentent une affinité modérée (nitrates et acétonitrile, chlorures et DMF etc.).

Les gels obtenus dans l’acétonitrile et le DMF se sont avérés particulièrement stables à des concentrations très faibles (<0,5 % massique). Le DMF présente l’avantage de solubiliser à la fois le ligand, les sels métalliques et leurs complexes, ce qui évite d’utiliser des mélanges de solvant. Chaque méthode présente une fenêtre extrêmement réduite de concentration en deçà de laquelle le système se

comporte comme un liquide non visqueux et au-delà de laquelle le système démixte et collapse très rapidement. Quelque soit la méthode employée ces gels ne se liquéfient pas en augmentant la température (testé jusqu’à 150°C).

tableau 7. Méthodes de gélification : éléments remarquables et fractions massiques.

méthode fraction massiquea solvant contre-ions gélifiant

diffusion d’éther <0,6 % MeOH/CHCl3 (8 :1) nitrates, chlorures éther ; par diffusion gazeuse

échange d’ions 0,7 % MeOH/THF (88 :5) nitrates, chlorures BF4

-, PF6 ; par solubilisation spontanée dans le benzonitrile

0,3 % benzonitrile tétrafluoroborates aucun

spontanée dans CH3CN 0,3 % CH3CN/THF (88 :5) nitrates aucun

spontanée dans le DMF 0,5 % DMF chlorures aucun ; accéléré par chauffage

a

en masse d’unité monomère par masse de solvant, tenant compte des cations métalliques et de leurs contre-ions.

L’écoulement des gels obtenus dans le DMF a été comparé en fonction du couple métallique

additionné sur L2 (tableau 8) :

tableau 8. Gélification dans le DMF a. Influence du couple métal/métal.

2nd métal 1er métal

Aucun CoCl2 CuCl2 FeCl2 NiCl2 ZnCl2

CoCl2 solution rouge gel rouge précipité rouge gel violet gel orangé gel rouge

CuCl2 solution bleue précipité rouge solution bleue visqueuse

précipité violet solution bleue turbide

solution bleue

FeCl2 solution violette gel violet précipité violet précipité violet gel turbide

violet

précipité violet

NiCl2 solution jaune gel orangé gel bleu turbide gel violet gel jaune gel jaune

ZnCl2 solution jaune

fluorescente

gel rouge solution bleue turbide

précipité violet gel jaune solution jaune fluorescente a

observations après une heure à l’étuve à 50°C dans un flacon fermé.

Il ressort de cette étude que CoII et NiII restent de très bons candidats à la gélification du DMF. En présence d’un équivalent de ces derniers, des gels peuvent être observés avec un deuxième

équivalent de FeII ou de ZnII. Les capacités de gélification des complexes de CuII s’avèrent en revanche

très médiocres dans le DMF avec des contre-ions chlorure. Cette étude a également mis en lumière les propriétés de fluorescence des complexes de zinc (II) dans ces conditions.

A ce stade, aucune méthode de gélification n’a pu être élaborée dans l’eau ou dans les solvants très apolaires. D’autre part ces gels se sont avérés extrêmement sensibles à l’addition de bon solvant : en soumettant un gel de chlorure dans le DMF à quelques gouttes d’éthanol ou d’eau, ces

systèmes peuvent retourner à l’état de solution, y compris lorsqu’ils étaient initialement à l’état de xérogels. En évaporant le bon solvant, il est possible d’observer à nouveau un comportement de gel. Soulignons que dans les mêmes conditions pourra être formé soit une solution très peu visqueuse soit un gel uniquement selon les contre-ions utilisés. Ainsi, des gels sont obtenus lorsque le polymère de coordination est peu soluble dans le solvant. Mécaniquement, si le polymère est parfaitement soluble il n’y a pas de constituant solide dans le système qui puisse conférer ses propriétés élastiques. D’un point de vue thermodynamique, l’importance de l’affinité contre-ion/solvant indique que ce paramètre joue un rôle clef dans l’organisation de ces matériaux par auto-assemblage, conduisant à la minimisation de l’énergie du système.

Les travaux de Tanaka (35) concernant les gels de polyélectrolytes covalents font état de

l’importance des contre-ions utilisés pour les propriétés des gels polymériques (non auto-assemblés) obtenus. Certains travaux cristallographiques mettent également en avant l’importance du rôle de la

nature du contre-ion dans la structure solide obtenue (37). En effet, de par leur encombrement et les

interactions (hydrogène notamment) qu’ils établissent avec le complexe, les contre-ions vont exercer une influence sur le motif de répétition observé en cristallographie. Rowan et Beck ont étudié de façon

succincte une constatation similaire (38). En effet, les auteurs mettent en avant que si la nature des

cations de métaux de transition employés ne modifie pas la température de solubilisation (TG→S) de

leurs systèmes, la nature des contre-ions employés semble jouer un rôle majeur. En remplaçant des contre-ions ClO4- par des contre-ions BF4-, la thermosolubilisation s’effectue à 100°C ou 45 °C, respectivement. Devant cet effet les auteurs n’ont eu d’autre choix que d’évoquer la possibilité que le contre-ion puisse affecter la liaison de réticulation ligand-lanthanoïde.

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