• Aucun résultat trouvé

IV. Compétition chaînes/anneaux

IV. 3. Influence des conditions expérimentales

Les parties précédentes ont mis en avant la compétition entre chaînes et anneaux, dont la

proportion relative dépend principalement des propriétés de l’espaceur, sa flexibilité et aussi sa conformation préférentielle (ou sa configuration pour un espaceur rigide). Selon les degrés de liberté disponibles sur l’espaceur, particulièrement si celui-ci est flexible, cette proportion sera orientée sous la pression des conditions expérimentales.

Concentration

A faible concentration la plupart des monomères sont inclus dans des anneaux ; à forte concentration la proportion de chaînes devient plus importante tandis que la concentration en

anneaux tend asymptotiquement vers un plateau (CR → CCr). 2 CCr peut être considérée comme la

concentration en deçà de laquelle la proportion en anneaux est majoritaire, tandis qu’au-delà de cette concentration ce sont les chaînes qui sont les plus représentées. D’autre part, la taille des anneaux augmente avec la concentration jusqu’à atteindre un plateau lorsque la concentration en monomère

atteint CCr. La taille des chaînes augmente sans limite avec la concentration, du moment que la

stœchiométrie 1 :1 est respectée pour le couple métal/ligand (figure 4).

Rapport métal/ligand

Si le rapport métal/ligand (y) s’écarte de l’unité, la proportion en anneaux devient plus

faible : le composant en excès favorise la formation de bouts de chaînes puisque le défaut de fragment complémentaire va bloquer leur capacité à se refermer. La concentration maximale effective en anneaux CRmax devient alors inférieure à CCr (figure 5). Pour y < 1, la valeur du plateau CRmax est fixée par y, tandis que pour y > 1, cette valeur est fixée par y et le rapport K1/K2. De même, lorsque le

rapport y s’écarte de l’unité, la longueur des chaînes atteint un plateau pour de fortes concentrations

0,998 0,99 chaînes anneaux CL2/CCr <nC>, <nR> 0,01 1 100 1 10 100 1000 M/L2 1 1

figure 4. Longueur moyenne en nombre d'unités dans les chaînes <nC> et les anneaux <nR> en

fonction de la concentration en monomère CL2

pour différents rapports métal/ligand (M/L2). Les anneaux atteignent rapidement une taille limitée à un petit nombre d’unités, qui n’évolue plus avec la concentration. Les chaînes ont une longueur qui augmente avec la concentration d’unités monomère, sauf si la stœchiométrie M/L2 est différente de 1, auquel cas un plateau

est également observé (44).

M/L2 CRmax/CCr 1 10 1000 K1/K2 1 2 0 0,5 1 <n>max M/L2 0 1 2 1 10 100 1000 1 10 1000 chaînes anneaux K1/K2

figure 5. Concentration maximale de monomère dans les anneaux en fonction du rapport métal/ligand (M/L2). La proportion d’unités monomère dans les

anneaux décroît lorsque M/L2≠1 à cause de

l’apparition de bouts de chaînes supplémentaires (44).

figure 6. Longueurs maximales des chaînes et des anneaux en fonction du rapport métal/ligand. Le nombre d’unité constituant les chaînes chute lorsque l’on s’écarte du rapport 1/1. Au-delà de l’équivalence cet effet est minimisé dans les chaînes lorsque le

rapport K1/K2 diminue (i. e. ML2 devient plus stable que ML) (44).

Stoppeurs de chaînes

Un stoppeur de chaînes est un ligand monotopique (par exemple une terpyridine) en compétition avec le ligand ditopique (L2), vis-à-vis de la coordination de l’ion métallique ; il influence considérablement le comportement des polymères de coordination. La présence de ces motifs diminue la longueur des polymères et limite la cyclisation. La synthèse des ligands ditopiques est donc une étape extrêmement critique, les contaminants monofonctionnels étant généralement des sous-produits réactionnels. Il est à la fois difficile de révéler leur présence et de purifier le produit

appropriée au milieu industriel de séparation de phase sur une solution de polymère contaminée (80). Son principe revient à utiliser un mauvais solvant, provoquant une séparation entre une phase enrichie en ligand bifonctionnel (responsable de la polymérisation) et une phase appauvrie contenant la majorité du contaminant. Les auteurs ont estimé que 99 % du contaminant peut être retiré en une voire deux étapes de purification, en conservant 80 % du monomère bifonctionnel.

S’il s’agit de contaminants lorsque leur présence n’est pas contrôlée, les stoppeurs de chaînes peuvent également être considérés comme un moyen de réguler la longueur des chaînes formées.

Constantes d’association

Pour des valeurs finies de K1 et K2, la transition entre régime annulaire et régime linéaire se

fait de façon progressive. Lorsque ces valeurs sont infinies, la transition est brutale et CCr peut être

considérée comme la concentration à partir de laquelle la formation d’anneaux s’arrête, et où la formation de chaîne débute (figure 3). Ce comportement est analogue à celui des surfactants, où la

formation de macromolécules débute au-delà de la concentration micellaire critique (CMC). Les

valeurs de K pourront être orientées par la température ou la polarité du solvant.

Température

La température peut influencer l’équilibre entre chaînes et anneaux. Une étude RMN a

permis à Vermonden et coll. de montrer que la proportion de chaînes augmente avec la température

(44). Dans le cas des polymères conventionnels une augmentation de la température augmente la

mobilité des chaînes et donc diminue la viscosité. En revanche, dans le cas des polymères dynamiques une élévation de la température peut provoquer une augmentation de la viscosité de la solution. Ce

phénomène a également pu être décrit par Folmer et al. dans le cas de polymères dynamiques à

liaison hydrogène (81),(82).

L’augmentation de viscosité peut être explicitée par le fait qu’un anneau présente une structure plus compacte qu’une chaîne constituée d’autant d’anneaux et sa contribution en termes de viscosité est donc plus faible. Les anneaux, systèmes plus organisés, sont thermodynamiquement défavorisés à haute température : le facteur entropique devenant prépondérant, la minimisation d’énergie liée à la disparition des bouts de chaînes n’est plus suffisante pour compenser le coût de l’organisation supérieure des macrocycles. D’autre part, en augmentant la température, les valeurs des

constantes de stabilité vont diminuer, ce qui signifie que les maillons sont plus enclins à se casser, donc les cycles à s’ouvrir : en s’ouvrant, les cycles deviennent des chaînes qui augmentent la viscosité. Néanmoins, dans le cas des polymères de coordination il faut considérer également l’évolution du rapport des facteurs K1 et K2.

Espaceur

Comme nous l’avons vu précédemment, l’espaceur joue un rôle majeur sur la structure édifiée par des liaisons labiles. Ses caractéristiques de flexibilité, longueur et géométrie déterminent les structures préférentielles ou accessibles. Etonnement, peu d’auteurs utilisent un espaceur sensible à différents stimuli. Un tel espaceur, de structure dynamique, permettrait pourtant de contrôler, sous l’action des contraintes extérieures, les caractéristiques du système macromoléculaire auto-assemblé dont découleront les propriétés physicochimiques du matériau obtenu. Ce fait a attiré notre attention.

V. Caractérisation

Comme Kurth et Friese le mettent en avant (83), des techniques in situ et indépendantes de

caractérisation doivent être développées pour exploiter le potentiel des polymères de coordination : la conception de tels systèmes nécessite une connaissance détaillée des processus réversibles de formation des complexes métalliques. Si la formation de la liaison de coordination peut être suivie par des techniques classiques (spectroscopie d’absorption, électrochimie, RMN, RPE, dosage calorimétrique), la nature dynamique de ces polymères rend délicate l’étude de leur aspect macromoléculaire. En effet, toute méthode modifiant l’équilibre du système étudié conduirait à des résultats ne reflétant pas son état avant qu’il ne soit soumis à cette méthode. Les techniques

classiques de caractérisation des polymères, telle la chromatographie par perméation de gel (GPC) se

révèlent peu adaptées aux polymères de coordination.

Résonance Magnétique Nucléaire

La RMN, généralement limitée aux systèmes diamagnétiques, n’est pas toujours applicable

aux polymères de coordination. Vermonden et coll. ont néanmoins mis en avant son intérêt afin de

distinguer anneaux et chaînes dans de tels polymères en déterminant in situ la proportion de

monomères impliqués dans chacune de ces espèces d’après l’intensité relative de certains pics.(44)

Une étude de RMN DOSY (Diffusion Ordered SpectroscopY) permet l’attribution des pics.

Dans cette expérience de RMN 2D, les déplacements chimiques des protons peuvent être différenciés d’après le coefficient de diffusion (D) de l’espèce sur laquelle ils se trouvent. Deux groupes sont distingués aux faibles coefficients de diffusion : l’un correspondant aux macrocycles, le second aux chaînes (figure 7). La gamme large de coefficients de diffusion des pics attribués aux chaînes peut être

expliquée par leur polydispersité. Une étude RMN ROESY (Rotating frame Overhauser

Enhancement SpectroscopY) indique que les phénomènes d’échange dynamique à l’échelle de temps

de la mesure DOSY entre chaînes et anneaux sont responsables de la largeur en diffusion de certains

pics. Cependant, si cet effet d’échange entre structures cycliques et ouvertes est visible aux échelles de

temps des études DOSY et ROESY (200 ms), il peut être négligé à l’échelle de la RMN 1H 1D afin de

a b c

figure 7. RMN DOSY de polymères de coordination

basés sur le ligand ditopique

bis-pyridine-2,6-dicarboxylique-tétraéthylène oxyde

(Schéma 24) en présence d’un équivalent molaire de

Zn2+. Les espèces en solutions sont séparées en fonction

de leurs coefficients de diffusion. Trois populations sont ainsi distinguées :

a : solvant ; -9,2 < log D < -7,3 b : macrocycles ; -9,9 < log D < -8,6 c : polymères ; -10,1 < log D < -9,5

Cette expérience a permis de discriminer les groupes de pics correspondant à des macrocycles ou des polymères en fonction de leur déplacement chimique pour des

expériences ultérieures de RMN du proton classiques.(44)

Electrochimie

Comme nous le verrons dans le paragraphe V, une étude voltampérométrique à électrode tournante peut indiquer la taille d’un polyélectrolyte, en combinant les équations de Levich afin de

déterminer le coefficient de diffusion et d’Einstein pour en déduire le diamètre particulaire (84),(85).

Centrifugation

La technique d’ultracentrifugation analytique permet de déterminer le poids moléculaire d’entités en solution. Son interaction avec les systèmes à l’équilibre est suffisamment faible pour que

cette technique puisse être employée pour la caractérisation de polymères dynamiques (86).

Viscosimétrie

Afin de déterminer le poids moléculaire de polymères dynamiques par viscosimétrie, une

étape préalable de calibration avec un standard adéquat est nécessaire (87).Néanmoins cette technique

reste fréquemment employée, car si elle ne permet pas forcément de déterminer avec précision le degré de polymérisation, il n’en reste pas moins que la viscosité relative de solutions de polymères

Imagerie

Les techniques AFM peuvent être appliquées à la caractérisation de ces systèmes sur surface

(longueur, rigidité, morphologie) (88). Néanmoins, le solvant doit généralement être évaporé, ce qui

implique une modification de la concentration. Les objets visualisés (à l’état solide) ne correspondent donc pas forcément à leur état en solution.

Les techniques cryo-TEM placent le système hors équilibre aux temps très longs afin

d’obtenir sa réplique métallique, véritable cliché du système au moment où il a été vitrifié à très basse

température (89). Cependant, à la différence des techniques AFM, les relevés par cryo-TEM restent

purement topographiques.

Techniques physiques de diffusion de faisceau incident

Les techniques de scattering des neutrons (SANS) ou des rayons X (SAXS) indiquent in situ

la taille, la forme et l’organisation de macromolécules. Les techniques SANS nécessitent l’emploi de

solvants deutérés, tandis que le contraste des techniques SAXS est amélioré en présence d’ions

métalliques. Par ailleurs les techniques de diffusion de la lumière (DLS) permettent de déterminer les

rayons hydrodynamiques de giration de particules finies en milieu dilué (90),(91) et d’envisager l’étude

de différents processus dynamiques des systèmes étudiés (relaxation, diffusion…).

Chromatographie d’exclusion stérique (SEC)

Tandis que la SEC a permis la caractérisation de polymères de coordination inertes à base de

ruthénium, son application aux systèmes réversibles (liaison hydrogène, complexes de cobalt, de zinc…) reste plus délicate. Cependant, Schubert a mis en avant son utilité vis-à-vis des polymères de

coordination (92). Du fait de leur nature hautement chargée, ceux-ci interagissent très fortement avec

la phase stationnaire de chromatographie. Des expériences préliminaires de SEC avec des complexes

de ligands terpyridine-poly(éthylène glycol) ont montré que les complexes de CoII et de FeII se

dissocient dans ces conditions, alors que les polymères de NiII conservent leur intégrité. La SEC a permis d’estimer que le degré de polymérisation des polymères à base de nickel était de 28.

Documents relatifs