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Les préliminaires de l’enquête

II. L E CONTROLE SUR PLACE OU LES RUSES DE LA RAISON JURIDIQUE

1. Les préliminaires de l’enquête

La recherche et le traitement de l‘information concernant les allocataires sont en quelque sorte pré-cadrés par les catégories de perception déjà constituées, mélange des cibles de contrôle, des catégories administratives et de tout « ce qu‘on sait » sur la base de l‘expérience. Une bonne part de leurs pratiques se fonde sur des points de repère acquis dans l‘expérience et qui permettent d‘accéder à une connaissance des situations. Les contrôleurs disposent ainsi d‘une connaissance du monde social qui, à la manière d‘un

1 Ces bases correspondent aux positions occupées dans l’espace social et aux rapports de forces qui s’y déploient. Cf. Bourdieu (Pierre), « La force du droit. Sociologie du champ juridique », Actes de la recherche en sciences sociales, nº 64, décembre 1986, p. 3-19. C’est dans ce cadre qu’on peut replacer les dynamiques du travail juridique en train de se faire observé par les ethnométhodologues et analystes de conversation, comme cette étude qui montre comment les jurés décident d’une affaire sur des bases non juridiques (leur propre sens de la justice) et trouvent en fin de compte des raisons permettant de justifier la décision. Maynard Douglas, Manzo John, « Justice as phenomenon of order : notes on the organization of a jury deliberation », in Travers Max, Manzo John (eds), Law in action, Alderhot, Ashgate, 1997, p. 209-238, présenté in Travers Max, « Ethnométhodologie, analyse de conversation et droit », Droit et société, 48, 2001, p. 359.

2 C’est dire qu’on ne saurait se limiter à chercher dans le déroulement des interactions les stratégies que développent les contrôleurs pour « remplir les vides des textes ». D’abord parce que les logiques de ces « stratégies » ne s’épuisent pas dans l’interaction, mais tiennent aussi à des configurations institutionnelles (s’ils sont isolés dans leur travail, les contrôleurs doivent néanmoins rendre des comptes) et aux positions sociales des protagonistes du contrôle (les contrôlés ne sont pas tous égaux devant le contrôle). Ensuite parce que les « stratégies » des contrôleurs ne consistent pas seulement à combler le vide inévitablement laissé par les règles, mais aussi et surtout à rendre ces règles consistantes, y compris à partir d’éléments qui échappent à la règle.

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savoir sociologique, est établi sur des variables discriminantes et un raisonnement intuitivement statistique (on sait qu‘on a une forte probabilité de tomber sur un cas litigieux lorsque plusieurs variables réputées « facteurs de risque » sont réunies. L‘âge de l‘allocataire, son quartier, son groupe d‘origine (comme avec les gitans), parfois même sa famille lorsque celle-ci est connue des services sociaux sont autant d‘indicateurs qui, sans être forcément explicités, permettent aux contrôleurs d‘anticiper sur le type de situation auquel ils vont être confrontés. De ce point de vue, l‘habitude et le caractère finalement assez répétitif des contrôles — qui relativise le caractère héroïque d‘une fonction dont les titulaires iraient de surprises en découvertes du fait de situations toujours nouvelles et souvent inattendues — entraîné par des « cibles » qui conduisent à se concentrer sur des catégories bien précises de la population permet la constitution de routines, d‘un prêt-à-penser qui permet de se faire une idée sur un cas en le rapportant aux situations déjà vues.

La manière dont ces connaissances et raisonnements typiques sont actualisées et jouent dans le travail des contrôleurs varie en fonction du déroulement des enquêtes, qui diffère selon les cas, le mode de déclenchement du contrôle et les méthodes des différents contrôleurs. Un premier mode de déroulement consiste à commencer directement par la visite à domicile. Le contrôleur prend connaissance des éléments d‘information mis à sa disposition dans sa voiture, immédiatement avant de sonner chez l‘allocataire. Dans les documents qui lui ont été remis figurent outre le nom et l‘adresse, l‘âge, la situation familiale et le nombre d‘enfants, les prestations reçues, l‘objet du contrôle. Pour « se faire une idée » plus précise, ces informations succinctes sont combinées avec celles que le contrôleur retire de son expérience pratique : outre les cas assez fréquents de familles « connues » pour avoir déjà fait l‘objet de contrôle, l‘origine révélée par le patronyme, le quartier. Les enquêtes commencent ainsi dans trois cas principaux. Il s‘agit en premier lieu des contrôles sur cible, standardisés, où les contrôleurs enchaînent des visites où les cas sont comparables et les éléments à vérifier toujours les mêmes. Il s‘agit ensuite des enquêtes ajoutées au dernier moment, notamment pour « compléter la tournée » en rationalisant les déplacements.

Il peut enfin s‘agir d‘un choix de méthode de la part des contrôleurs qui cherchent ainsi à éviter un effet qu‘on pourrait rapprocher de la dissonance cognitive. La possession d‘informations minimales est alors conçue non pas comme une faiblesse, mais comme la garantie d‘une meilleure compréhension des situations. C‘est l‘entretien qui permettra avant tout d‘orienter le travail de qualification, en permettant d‘identifier les pistes utiles pour une éventuelle poursuite de l‘enquête. La recherche préalable d‘informations précises est dans ce cas au contraire conçue comme un risque de partir dans de mauvaises directions, conduisant à une construction décalée de la situation de nature à gêner la collecte d‘informations lors de l‘entretien. Établir un scénario trop précisément orienté de la situation, sur la base d‘une mise en relation d‘éléments (« objectifs » puisque recueillis dans des documents ou après de tiers) qui peut se révéler fausse, peut en effet conduire à ne pas entendre des informations importantes délivrées par l‘allocataire si celles-ci ne cadrent pas avec l‘image cohérente que le contrôleur aura préalablement construit. Ce choix de méthode est cependant peu répandu, et surtout le fait de contrôleurs qui, tendant à l‘accommodement plus qu‘au formalisme, pour reprendre l‘opposition exposée plus haut, privilégient une appréhension globale et « compréhensive » au sens méthodologique du terme : chercher la « vérité » de la situation grâce à une connaissance la plus complète possible fondée sur l‘interprétation d‘informations aux objets et aux statuts très divers — y compris éloignés du strict registre administratif.

Le plus fréquemment, au moins dans les cas d‘enquêtes commanditées ad hoc par les services, toute une série de démarches précèdent l‘entrevue avec l‘allocataire contrôlé. Ce sont ces informations et le scénario qu‘ils permettent d‘élaborer qui fourniront la grille interprétative et, le cas échéant, les ressources tactiques mobilisées au cours de l‘entretien.

« Avant d‘arriver chez votre allocataire, là aussi c‘est un travail important, c‘est bien connaître sa situation administrative. De toute façon, il ne faut pas découvrir en même temps que lui les choses. Il faut avoir le maximum d‘éléments sur l‘antériorité, il a vécu avec qui, quand, il y a combien d‘enfants, à un moment donné il y en avait encore un au foyer, vous voyez etc. etc. Ce qui permet de faire des rapprochements à l‘intérieur de l‘entretien. Il faut bien connaître son dossier. Et quand on n‘a pas tous les éléments, seulement avec la demande, et bien le vendredi c‘est aussi le travail d‘aller chercher sur le poste, puisque avec les requêtes on a tous les éléments archivés, tous les documents. » [CAF 1-JPQ].

Au minimum, les contrôleurs opèrent un pré-cadrage des cas, en interprétant les demandes des services et en recourant aux ressources informationnelles internes (accès aux fichiers informatiques par le logiciel

Cristal, discussions éventuelles avec des collègues ou l‘agent à l‘origine de la demande). Ces démarches sont généralement effectuées à la caisse, lors de la préparation des tournées de la semaine. Les contrôleurs constituent alors de petits dossiers dans lesquels ils consignent des documents et notent les questions à poser ou les démarches à entreprendre.

Le second niveau de cette préparation consiste à opérer des vérifications et à accumuler des informations dans des organismes extérieurs à la CAF : généralement les services fiscaux, la CPAM, les ASSEDIC, la Préfecture, les bailleurs. Aux dires des contrôleurs, cette collecte d‘information est plus aisée qu‘elle ne l‘était par le passé, des organismes extérieurs prenant même parfois l‘initiative en attirant l‘attention des contrôleurs sur un cas douteux.

« Maintenant, les gens sont plus faciles, ils se livrent plus facilement. Les agences de location en ont marre des gens qui ne paient pas, qui trafiquent de tous les cotés. Les assistantes sociales commencent un peu à bouger : elles aussi en ont marre d‘être prises pour des distributeurs de sous. Et la délation est de plus en plus importante parce que les gens en ont marre de payer pour des gens qui ne bossent pas. Il faut dire que le système induit la fraude. Et tout ça fait qu‘il y a de plus en plus de gens qui sont prêts à collaborer […]. Les impôts ils nous envoient régulièrement, moi je travaille avec les impôts du secteur est. Ils m‘envoient régulièrement des listings pour qu‘on contrôle les ressources. Ça n‘aboutit pas toujours parce que les gens nous intéressent pas parce qu‘ils n‘ont pas d‘alloc, mais c‘est bien d‘avoir ces contacts-là. On a aussi le fichier des ASSEDIC, ça permet aussi de limiter les fraudes. » [CAF 1-CD].

« Les mentalités ont beaucoup changé. Avant les personnes qui étaient dans les mairies, tout ça étaient très réticentes à donner des renseignements, pour une raison de la vie privée, et depuis on parle des abus, par les médias tout ça, on entend qu‘il y a des abus. Maintenant les mairies, les maisons du département, les services étrangers à la préf‘, ils sont tellement confrontés à des situations fausses que maintenant il y a un renversement de situation, tout le monde est prêt à collaborer et à nous donner un maximum de renseignements. […] Ça c‘est fait petit à petit. Je vois maintenant il nous arrive souvent d‘avoir des informations qui nous sont données par téléphone par les impôts, par un office HLM, par un CCAS, même il y a des commissions locales d‘insertion qui nous demandent de creuser tel ou tel problème. Je crois qu‘il y a un ras-le-bol général de toutes ces personnes qui profitent de ce qui existe en matière de prestations ou assimilé prestations. Et ça on le ressent partout. Il y a une collaboration efficace qu‘avant on n‘avait pas avant. » [CAF 1-G].

Si elles sont jugées plus faciles, ces relations avec les organismes extérieurs ne sont pas pour autant toujours codifiées ni même officialisées. Elles sont généralement établies de personne à personne beaucoup plus que d‘institution à institution. S‘il peut y avoir des protocoles officiels pour l‘échange de données informatisées, rares sont les accords entre organismes à propos des démarches épisodiques des contrôleurs. Ces derniers regrettent ainsi de se heurter trop souvent à la bonne volonté aléatoire des agents d‘autres organismes, voire critiquent l‘attitude de la CAF qui, opposant trop souvent à leurs yeux le secret professionnel aux demandes extérieures, rend plus difficiles les collaborations. Alors même que ces démarches revêtent parfois une grande importance pour le contrôle, elles dépendent donc étroitement du réseau de relations que chaque contrôleur établit individuellement. Ces relations déterminent en effet la fréquence des démarches (des contrôleurs d‘une même caisse vont très fréquemment dans un organisme auquel leurs collègues ne se rendent jamais), et la qualité des informations fournies (tel employé « sympa » laissera le contrôleur qu‘il connaît disposer du dossier à sa guise alors qu‘il faudra dans d‘autres cas passer par plusieurs étapes et une longue attente pour obtenir des éléments très limités).

« C‘est au coup par coup. Ça dépend aussi beaucoup des liens qu‘ont les contrôleurs avec les responsables, par exemple des impôts de leur secteur. Quelques fois il y en a qui ont de meilleurs rapports avec les impôts, d‘autres avec la CPAM, d‘autres ça sera plus des renseignements qui seront donnés par les responsables de centre de CPAM. C‘est un peu en fonction des relations qui se sont créées. C‘est toujours des informations très fiables, bien entendu, pour nous c‘est très intéressant. Là on a vraiment des éléments dont on peut faire mention. On ne dit pas que ce sont les impôts qui sont à l‘origine du contrôle, mais ―Vu impôts, Monsieur perçoit des revenus fonciers‖. Il n‘y a rien d‘illégal à aller voir les impôts. » [CAF 1-G].

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« — Moi je vais beaucoup aux impôts. Je travaille beaucoup avec les impôts et la CPAM.

Ce sont mes deux principaux interlocuteurs, mais bon il y en a d‘autres, ça dépend des

dossiers. Il y a des cas particuliers. Je peux aller dans des boîtes d‘intérim, ça dépend des dossiers, ou à la préfecture. Il y a plein de variantes selon les dossiers. Mais je dirais que moi le plus, c‘est les impôts.

— Alors pourquoi les impôts ?

— Parce que les impôts, c‘est quand même là, qu‘on a la situation d‘abord au niveau des revenus, on a beaucoup de renseignements, même si les gens ne déclarent pas, je veux dire, leurs revenus sont connus aux impôts, il y a le fichier local récapitulatif, où on a les revenus déclarés par les employeurs ou par les organismes. Donc ça c‘est vachement important pour nous. Et puis au niveau des situations de famille, des changements d‘adresse, parce que quand même en général, à moins que les gens soient vraiment marginaux, qu‘ils ne soient pas connus au niveau des impôts, ce qui arrive, on a quand même beaucoup de renseignements par cet organisme. Donc moi, c‘est vraiment un de mes interlocuteurs favoris. Et puis c‘est vrai que c‘est aussi en fonction des contacts qu‘on peut avoir dans certaines administrations. Il y a des endroits où ça se passe très bien, il y en a d‘autres où ça se passe moins bien. Et moi avec les impôts, à peu près dans tous mes secteurs, j‘ai de bons contacts. Donc je privilégie ça.

— Et là autrement, c‘est une espèce d‘accord entre la CAF et les impôts ?

— C‘est-à-dire, que oui c‘est un accord. Un accord, pas vraiment, c‘est quelque chose de verbal. Disons qu‘ils ne sont pas tenus au secret professionnel par rapport à nous. Et nous c‘est pareil, on peut donner des renseignements aux impôts, mais je crois que c‘est à partir du grade d‘inspecteur, donc voilà. Moi c‘est pareil, des fois, c‘est pas que je balance, mais, je veux dire, d‘ailleurs la CAF donne des renseignements aux impôts. C‘est un secret pour personne. Et puis il y a des échanges informatiques de toute façon entre la CAF et les impôts. Donc moi je trouve que c‘est un interlocuteur, enfin moi ça m‘apporte beaucoup pour les dossiers. Et puis la Sécurité sociale, évidemment.

— Et à la CPAM, vous avez des bons contacts aussi ?

— J‘ai des bons contacts. Alors moi je vais principalement à G., parce que là-bas ils sont vraiment bien. J‘ai accès, on me donne une carte, je peux me servir, enfin je ne sais pas tout faire, mais enfin bon c‘est moi qui fait mes propres recherches, j‘imprime.

— C‘est un libre accès en fait ?

— Tout à fait. Et puis bon ils me connaissent. Quand je suis arrivée dans le secteur, je me suis fait présenter par l‘ancien contrôleur. J‘ai mes entrées là-bas. J‘y vais comme je veux. C‘est bien. » [CAF 1-NF].

Différenciée selon les contrôleurs, la collecte d‘informations est également différenciée au niveau des usages qui en sont faits. Les contrôleurs peuvent y voir avant tout un moyen d‘élucidation ou plutôt un moyen d‘apporter des éléments probants. Les usages des démarches dans les organismes extérieurs varient ainsi en fonction de l‘importance relative de ces deux logiques et de leur combinaison. À l‘inverse de la méthode « compréhensive » évoquée plus haut, privilégiant l‘entretien avec l‘allocataire comme première entrée dans le traitement du dossier, certains contrôleurs privilégient les informations objectivées dans les dossiers des organismes pour établir d‘emblée une version des faits la plus « solide » possible. Il s‘agit alors de construire une version cohérente des faits sur la base des informations réputées fiables des organismes et des canevas interprétatifs que les contrôleurs se sont constitués. Reste alors à trouver les modes de validation qui permettront de « boucler » l‘enquête. L‘entretien est dans ce cas conçu comme un moyen de vérification au cours duquel l‘apport d‘information inédite est parfois assez faible. Il s‘agira surtout d‘inciter l‘allocataire contrôlé à déclarer lui-même ce qui s‘est imposé comme la définition objective de sa situation, les informations collectées pourront être utilisées à cette fin dans des tactiques de bluff.

« La plupart du temps, je commence déjà à faire des investigations externes à l‘allocataire. C‘est-à-dire que la plupart du temps je passe chez l‘allocataire en dernier, quand j‘ai obtenu le maximum d‘informations un peu partout. Parce que comme c‘est des contrôles un peu particuliers, j‘ai des méthodes particulières. Je vais souvent au service étranger, parce que c‘est des histoires d‘identification, d‘identité, tout ça. C‘est pas toujours très net. J‘essaie, quand c‘est des multiaffiliations RMI, d‘avoir les papiers d‘identité que les autres CAF ont eu en mains. Je fais des fax, tout ça pour essayer de bien étayer déjà mon dossier, et je vois pratiquement mon allocataire en dernier. » [contrôleur CAF 1-G].

Lorsque l‘enquête débute par l‘entretien, c‘est plutôt la recherche dans des organismes qui va servir de confirmation ou permettre la vérification. Plus encore, dans les cas où le contrôleur s‘est forgé une opinion quant à la nature de la situation qu‘il doit « établir », l‘apport informatif des dossiers du fisc ou des ASSEDIC sera faible, et la recherche de documents sera tournée vers l‘administration de la preuve permettant d‘étayer juridiquement la conviction qu‘il a acquise par ailleurs. Un contrôleur explique ainsi que les investigations auprès des administrations lui permettent de compenser les échecs à faire avouer les fausses déclarations : « Je les coince aux impôts, je les coince à la Sécu, je les coince à la préfecture. »1

Comme on le voit, la recherche d‘informations auprès de tiers ne se limite pas à des interlocuteurs officiels. C‘est ici qu‘interviennent des démarches sans fondement juridique, permettant de « cerner » le cas à traiter, mais dont les résultats ne pourront être intégrés qu‘à la marge au rapport d‘enquête. C‘est le cas des enquêtes de voisinage. Les informations qui en résultent sont rarement mentionnées dans les rapports : il faudrait que celui qui les livre fasse une déclaration officielle, ce qui n‘arrive jamais. Mais elles servent à forger l‘opinion des contrôleurs, et leur offrent des ressources dans la confrontation avec les allocataires. Au cours de ces investigations, le contrôle administratif s‘alimente des formes plus diffuses de « contrôle social » propres aux configurations sociales d‘habitation. En zone rurale la tâche des contrôleurs est de ce point de vue plus facile. Il arrive en effet que dans les villages, le seul fait de demander où se trouve la maison d‘une famille donne lieu à des réponses qui fournissent des informations sur les dernières modifications qu‘elle a connues. C‘est le cas au secrétariat des mairies où les employés sont généralement tr ès au fait de la situation des habitants, en particulier de celle des familles « à problèmes », mais aussi directement dans le voisinage. En zone urbaine, les concierges notamment sont très sollicités, par exemple pour savoir si telle bénéficiaire de l‘allocation de parent isolé vit bien seule. Dans les cités d‘habitat populaire, les contrôleurs tentent de ne pas éveiller les soupçons auprès des habitants qu‘ils questionnent. Ils ne révèlent pas leur identité. Ils se contentent de questions apparemment anodines (« Est-ce que M. X habite toujours ici ? »). Ils choisissent leurs interlocuteurs ou, au moins, évaluent la pertinence de leurs