• Aucun résultat trouvé

Préliminaires au traitement thématique et générique

Dans le document Pamela européenne (Page 24-44)

Martial Poirson Université Stendhal — Grenoble III

1 Entre déni d'initié et épuration éthique : source et di usion

Dès sa di usion, Paméla est une gure sacri ée, tantôt dé gurée (dans les romans et comédies satiriques), tantôt mutilée (dans la plu-part des adaptations dramatiques) : auteurs et publics conjuguent leur incompréhension et s'évertuent, précisément, à condamner sa vertu, tantôt considérée comme insincère et sujette à caution, tantôt comme naïve et désincarnée, sur l'autel de raison, voire parfois de la malveillance. Sans doute son titre sentencieux et équivoque lui a-t-il fait du tort : on ne sait pas très bien qui, de Paméla, de son père ou de Bon l, voit sa vertu récompensée dans la pièce ; plus profondément, la confusion sémantique possible entre grati cation morale et réussite sociale induit des bifurcations herméneutiques et idéologiques stigmatisantes. Cette tapageuse « vertu récompensée » a bien de quoi agacer une critique prompte à débusquer dans le roman sentimental, qui plus est d'origine bourgeoise et protestante, un certain moralisme qu'elle estime de mauvais alois. Toujours est-il que la Paméla est bien plus une gure répulsive qu'emblématique et se voit in iger une certaine forme de ce que je serais tenté d'appe-ler une « épuration éthique ».

Pour autant, ce mythe littéraire d'un genre nouveau est loin d'être ignoré et constitue d'emblée en soi un objet de discours, avant même toute adaptation1. L'axe ou plutôt, le triangle mimétique Angleterre-France-Italie, déjà éprouvé, se montre même ici d'une particulière e cacité2. La « traçabilité3» de la gure littéraire de Paméla dans les di érentes littératures nationales met en évidence l'ampleur et la vitesse de circulation, au xviiiesiècle, des œuvres dans le réseau européen de la République des lettres. On peut à bon droit parler d'un phénomène de réception littéraire qui naît avec la traduction attribuée à Prévost du roman de Samuel Richard-son, atteint son point culminant avec l'interdiction de la Paméla de François de Neufchâteau, et continue sa course au ralenti, tout au long du xixesiècle, au gré des reprises et des réécritures, quoi qu'à un rythme et dans des proportions bien moindres. Quatre séries de remarques liminaires s'imposent pour envisager la représentativité socioculturelle d'un tel mythe littéraire.

D'abord, la vitalité des réécritures de Paméla prouve que la voca-tion exploratoire et autoré exive de la ction moderne n'a pas entamé, loin s'en faut, le potentiel mythogène de l'écriture littéraire au xviiiesiècle : si Paméla est certes le point de cristallisation d'un ensemble de schèmes mythiques qui puise d'abondance dans les traditions européennes du conte et de la nouvelle (Cendrillon, Gri-selda...), elle est aussi la matrice d'un imaginaire moderne qui

trans-1. Elle est au cœur d'une polémique qui, sous le masque du débat esthétique, soulève un certain nombre de problèmes politiques, sociaux, moraux même, c'est-à-dire aussi, idéologiques. Je laisse volontairement de côté ces débats doxogra-phiques pour mieux y revenir, mais à l'intérieur de la praxis littéraire de la fabula. Le recensement, sous béné ce d'inventaire, des débats pour la seule année 1742, certes charnière puisque c'est l'année d'entrée du mythe dans le champ littéraire français, su ra à suggérer la vigueur des polémiques : Lettre à Monsieur l'Abbé Des

Fontaines sur Paméla, s. l., 4 août 1742, in-12o; Lettre à Madame de *** sur l'anti-Paméla, Londres, 9 octobre 1742, in-12o; [Abbé Marquet], Lettre sur Paméla, Londres [Paris], 1742, in-12o, 41 pages.

2. Sur la dynamique de l'interactivité entre les théâtres français et anglais, et sur la circulation à grande vitesse des mythes littéraires produits sur les planches par l'un et l'autre, je me permets de renvoyer à Christian Biet, Romain Jobez et Martial Poirson, Cartouche et les voleurs selon Legrand, Pseudo-Defoe et John Gay, Paris, Lampsaque, « Studiolo théâtre », 2004. Sur l'importance de l'Italie dans le triangle dé ni, voir Lucie Comparini, « Récurrences de Pamela en France : Goldoni traduit et adapté », in L. Badini Confalonieri (éd.), Perspectives franco-italiennes - Prospettives

italo-francesi, Roma, Aracne, 2005, p. 43-64.

cende ces gures pour s'ancrer dans une situation socio-historique nouvelle et réellement structurante pour la ction. On assiste même à une inversion pure et simple dans la tension dramatique comme de la

nalité axiologique : là où le conte et la fable, chez Perrault, chez

La Fontaine, chez Boccace, mettaient en scène la vertu bafouée ou méprisée, et la récompense du mariage avantageux, le roman et le théâtre moderne s'attachent au contraire à étirer à l'in ni le temps des épreuves, à multiplier les opposants à la résolution matri-moniale, véritable nœud de l'intrigue (beaucoup plus que sa très conventionnelle résolution), et surtout, à révéler le plaisir trouble, d'une part, de la servitude volontaire et de l'humiliation consentie, qui peut faire basculer la fable dans de genre en vogue des romans de courtisane ; d'autre part, de la libido dominandi, cette perverse domination à la fois sociale et sexuelle, qui n'est pas très éloignée de ce qu'on appellera bientôt le « sadisme ».

Ensuite, on ne peut manquer de signaler la discrimination générique

ou poétique des réécritures. Il est en e et frappant de constater, dans

le corpus des Paméla européennes, l'absence d'adaptation poétique (dont les modèles anglais, pourtant, ne manquent pas), au même titre que la rareté et la médiocrité de ses adaptations romanesques. Ces deux constats déceptifs contrastent très fortement avec la vita-lité et la multiplicité des adaptations théâtrales du mythe. On peut même aller plus loin et voir dans le corpus romanesque l'envers du mythe, là où le corpus dramatique en est incontestablement l'exal-tation, même partielle et partiale. Ainsi, au « contre-modèle » roma-nesque s'oppose, presque terme à terme, le « modèle projectif » des textes dramatiques. Si bien qu'on peut parler de rendez-vous man-qué du mythe avec les Paméla romanesques ; là où on ne peut que constater son mariage d'amour avec les Paméla dramatiques.

En outre, on ne peut manquer de remarquer la très faible parti-cipation féminine à l'ampli cation du mythe (en France, madame de Genlis, d'une façon très implicite et, sous forme exclusivement manuscrite, Madame Denis), ce qui fait de Paméla une gure dépossédée, ou plutôt possédée par des écritures et des points de vue essentiellement masculins. Voilà bien de quoi battre en brèche, d'une part, l'image d'une gure emblématique d'un « proto-féminisme » ; d'autre part, la récupération de la gure par certains adeptes de Gender Theory ou de Cultural Studies visant à travers elle

une écriture censément « féminine ». Il semble, à rebours de telles interprétations, qu'aux corps de femmes soient encore et toujours associés, dans la « littérature majoritaire1», des regards d'hommes. En n, signalons que le corpus prend peu à peu une in exion régressive, voire rétrograde par rapport aux événements histo-riques qui l'accompagnent : c'est particulièrement net dans les adap-tations romanesques, avec une réception négative et contreproductive indissociable de la querelle des « anti-Paméla ». Mais c'est égale-ment véri able, de façon plus indirecte, dans les adaptations dra-matiques, qui à un premier niveau de lecture au moins se placent très en retrait par rapport aux innovations idéologiques et formelles du roman anglais, et prennent souvent fait et cause pour les aspects les plus conservateurs, voire réactionnaires de la comédie italienne de Goldoni tels que l'anoblissement à marche forcée de l'héroïne.

Le transfert socioculturel du mythe littéraire de Paméla fait du champ littéraire un espace de négociation propre à l'épanouisse-ment d'une révolution tranquille des a ects et des sensibilités. Je rejoins sur ce point les analyses de Mona Ozouf, faites à partir d'un tout autre corpus mais isolant un mécanisme selon moi extra-polable à d'autres types de textes, voire au fonctionnement même de la littérature de façon plus générale : « En littérature, il n'y a jamais de table rase ». L'auteur montre en e et le hiatus entre esthé-tique et idéologie à travers le cas du roman post-révolutionnaire, genre de l'uniformisation paradoxale : « le roman est (...) le met-teur en scène de l'instabilité foncière des choses », « l'observatoire privilégié d'une humanité en formation2», c'est-à-dire aussi, le lieu d'une nécessaire négociation (et non d'un arbitrage) entre Ancien Régime et modernité, autrement dit, le lieu de cristallisation et de fermentation entre deux représentations du monde antagonistes... Je vois là un phénomène d'hystérèse entre les évolutions sociales et leurs représentations sous forme de ctions projectives ou si l'on veut, de médiations symboliques, par le truchement de la littérature dont les intertextes de Paméla sont une illustration probante.

À ces remarques analytiques s'en ajoutent encore deux autres, plus descriptives. Il convient d'abord de préciser que les premières

1. Au sens de Gilles Deleuze et Félix Guattari dans Kafka. Pour une littérature

mineure, Paris, Minuit, « Critique », 1975.

2. Mona Ozouf, Les Aveux du roman. Le xixesiècle entre Ancien Régime et Révolu-tion, Paris, Gallimard, « Tel », 2004 [2001].

adaptations de Paméla portent presque exclusivement sur le pre-mier volet de la fable, celui où doit triompher la vertu récompen-sée, alors que les deux parties existent dans les deux hypotextes principaux du modèle (chez Richardson, Pamela or Vertue Rewarded ; chez Goldoni, Pamela nubile). Sur la scène du roman comme sur les planches du théâtre, le second volet (Pamela in her Exalted Condition chez le romancier anglais ; Pamela maritata chez le dramaturge ita-lien) est délaissé par traducteurs, adaptateurs et auteurs1. Écrivains et publics semblent donc plus enclins à s'émouvoir du sort de la jeune soubrette plongée dans la misère sociale et morale que de celui de la mère de famille vivant bourgeoisement les a res d'une vie domestique presque sans histoire. C'est un nouvel indicateur idéologique et sociologique fort sur l'horizon d'attente, qui tranche nettement avec la situation européenne de la même période.

Il peut ensuite s'avérer utile de mentionner qu'il existe deux veines des réécritures de Pamela, notamment dramatiques : à une première catégorie explicitement intertextuelle d'adaptation, par-fois jusqu'au plagiat ou à la citation insérée, il faut pour prendre la mesure de l'ampleur du phénomène littéraire ajouter une seconde catégorie de textes dont les emprunts sont bien plus indirects, en particulier la série des « droits du seigneur ». Certains auteurs, comme Voltaire ou Boissy, ont d'ailleurs eu à cœur de pratiquer les deux formules. Je risque donc l'hypothèse de l'existence d'un

cor-pus latent de réécritures implicites situé en marge du corcor-pus patent des réécritures explicites ou manifestes, phénomène intertextuel selon moi

encore peu étudié par la critique littéraire et notamment la littéra-ture comparée.

1. En revanche, les théâtres des boulevards donnent en 1804 une des toutes premières adaptations théâtrales de la Paméla mariée, mais inspirée de Goldoni, celle de Pelletier-Volmeranges et Cubières-Palmezeaux, Paméla mariée ou Le

triomphe des épouses, drame en trois actes et en prose, Paris, Barba, an XII [1804],

représentée pour la première fois sur le théâtre de l'ancien Opéra, Porte Saint Mar-tin, an XII [1804]. Louis-Sébastien Mercier a également écrit une Paméla mariée qui ne fut jamais à ma connaissance ni imprimée, ni représentée, et dont le manuscrit se trouve dans le « Fonds Mercier » de la Bibliothèque de l'Arsenal.

2 Ersatz de roman : le retard du continent européen

L'histoire de la réception de Samuel Richardson est indissociable du fameux Éloge de Richardson de Denis Diderot1. Mais ne nous y trompons pas : la vogue de Richardson est bien ultérieure à l'entrée sur le territoire littéraire national de sa Pamela, et presque exclu-sivement imputable à la traduction de cette autre grande gure du roman sentimental : Clarisse Harlowe. Le contraste est d'ailleurs saisissant entre les réceptions de ces deux traductions, placées à presque dix ans d'intervalle (Pamela est traduite en 1742 ; Clarisse

Harlowe en 1751). Je partage sur ce point les conclusions de Pierre

Hartmann, qui parle volontiers d'une très timide et controversée « primo-réception du roman richardsonien », et me permets de ren-voyer à ses conclusions sur ce point2.

Comment expliquer ce retard dans la di usion du modèle roma-nesque de Pamela, alors que le roman, extrêmement célèbre, est publié en France, en partie au moins, à peine deux ans après sa première publication anglaise ? On peut risquer deux types d'expli-cation d'une telle anomalie : d'une part, des réticences idéologiques propres au cadre socioculturel de la période, qui font que le modèle d'éthique protestante et bourgeoise de cette « vertu récompensée3» ne pouvait y susciter que rejet ou incompréhension ; d'autre part, en conséquence directe de l'idée précédente, des coïncidences

édi-1. Qui n'a d'égal que celui de Henry Fielding pour Charisse Harlowe, alors qu'il avait copieusement satirisé Pamela quelques années auparavant. Confer Denis Diderot, Éloge de Richardson, reproduit et commenté dans l'édition Paul Ver-nière des Œuvres esthétiques, Paris, Garnier, 1968. Ce texte, où Paméla est à peine évoquée, de façon très allusive, d'abord publié de façon anonyme par l'abbé Arnaud dans le Journal étranger en janvier 1762, est ensuite réédité par l'abbé Pré-vost et placé en tête des di érentes rééditions de sa traduction de Clarisse Harlowe (confer l'édition Charles Shelly de L'Histoire de Clarisse Harlowe, traduite par Pré-vost, Paris, Desjonquères, 1999).

2. Pierre Hartmann, « La réception de Paméla en France : les Anti-Paméla de Villaret et Mauvillon », Revue d'histoire littéraire de la France, 2002-1, p. 45-46.

3. Cette idéologie est notamment perceptible dans des textes discursifs du pros-père imprimeur Samuel Richardson, où il explique les raisons de son succès sous forme de vibrant hommage aux valeurs sociales de son milieu, comme dans The

Apprentice's Vade-Mecum (Londres, 1734) ou à plus forte raison dans Familiar Letters on Important Occasions (Londres, 1741). L'éthique protestante et l'esprit du

toriales qui empêchent le gre on littéraire « paméliste » de prendre, parasité qu'il est par la médiocrité des « anti-Paméla ».

Roman d'ascension sociale, Pamela or Vertue Rewarded (1741), ce roman épistolaire doublé d'un journal intime met en évidence, aux yeux du public, la résistible ascension d'une héroïne sans condi-tion qui parvient, à force de vertu et de pudeur, mais sans stratégie personnelle aucune, à pénétrer le milieu très fermé de la gentility anglo-saxonne en balayant les préjugés sociaux tenaces à l'encontre de la mobilité sociale et de la mésalliance. Roman de conversion morale, Pamela o re en outre l'exemple d'un grand seigneur à qui l'amour apprend qu'interdits, préjugés et stratégies matrimoniales familiales ne pèsent pas lourd au regard de la réalisation person-nelle et du bonheur individuel que procurent un mariage d'amour susceptible, de surcroît, de lui ouvrir les voies impénétrables du Ciel en observant strictement l'exemple de rectitude morale d'une vie désormais réglée par l'« incomparable Paméla ». C'est donc sur terre comme au Ciel que la vertu est récompensée dans le roman. Pamela, comme après elle Clarissa (dans une moindre mesure, Grandisson), constituent ainsi des stéréotypes d'« héro(ïne)s chré-tien(ne)s », l'une sur le modèle de la sainte, l'autre de la martyre, toutes deux transplantées dans l'épaisseur des situations réelles de l'existence et confrontées aux exigences sociales souvent incompa-tibles avec leurs préceptes éthiques. En dépit de tels ingrédients indissociablement protestants et bourgeois, on est cependant bien loin du roman à thèse d'édi cation populaire auquel les lecteurs ont voulu réduire le chef d'œuvre anglais. La profondeur de l'analyse psychologique, fondatrice d'un certain type de roman sentimental, comme aussi celle de l'analyse des rapports sociaux, révélatrice de nouveaux développements du roman social, poussent Richardson à disposer dans le cœur même du récit des signes d'ambiguïté : que penser en e et de la rouerie de Pamela dans un certain nombre de circonstances de la vie ? Que dire, également, de son attirance invo-lontaire pour Mylord B. (comme plus tard de celle de Clarissa pour Lovelace) ? Comment interpréter, en n, les craintes sourdes, et sur-tout les fantasmes troubles de Pamela captive, lorsqu'elle est prise de stupeur à la vue du taureau qui fait irruption dans un pré voi-sin ? Il semble bien ici que, derrière le culte de la chasteté avant le mariage, signe de l'intégrité des jeunes lles chez Richardson, et

sous les linéaments de l'introspection se cachent, à peine voilés, des rêves érotiques tout juste refoulés et des schémas de transferts rela-tionnels et sexuels tout juste sublimés dont la psychanalyse pour-rait bien faire ses délices. Reste que l'exaltation de cette vertu triom-phante, conjuguée à ces involontaires zones d'opacité, ont concouru à alimenter un important mouvement de rejet d'abord en Angle-terre, puis surtout en France, prenant rapidement la forme d'une bataille rangée entre « Pamélistes » et « anti-Pamélistes ».

À cette résistance ou réticence idéologique est venu s'adjoindre un phénomène de réception biaisée qui a engendré un véritable rendez-vous manqué ou plus exactement, avorté entre le roman anglais et la littérature française. Le roman sentimental de Richard-son donne lieu, dès 1742, à deux traductions simultanées : celle attribuée à Prévost1 et celle, moins connue car moins bien di u-sée, d'Aubert de la Chesnaye Des Bois2. C'est le signe d'un enjeu éditorial et commercial qui révèle a priori un intérêt du public pour le roman anglais. Mais dans le même temps, un travail de sape est déjà à l'œuvre, qui supplante bientôt cet engouement et in échit durablement la di usion romanesque du mythe de la jeune lle ver-tueuse victime des assiduités de son maître et possesseur : coup sur coup paraissent en e et deux satires mordantes qui pervertissent la gure littéraire et tirent le roman du côté des mémoires de courti-sane, faisant entrer le personnage dans l'ère du soupçon : la mode des « Anti-Paméla », déjà vivace Outre-Manche, entre en France et occupe désormais le terrain pendant longtemps, contribuant à stéri-liser le mythe et avec lui, la portée réellement novatrice de l'esthé-tique sensible inaugurée par Richardson, avant que l'énorme succès d'une autre héroïne pathétique à la n combien plus cruelle, Clar-risse Harlowe, ne le plonge dé nitivement dans l'oubli. La première satire est imprimée de façon anonyme (mais attribuée à Claude Vil-laret) l'année même de parution des deux traductions sous le titre

Anti-Paméla ou Mémoires de M. D. *** ; la seconde, l'année suivante,

sous le titre L'Anti-Paméla ou La Fausse innocence découverte,

traduc-1. Prévost, qui a sans aucun doute supervisé la traduction, la maintiendra dans les di érentes éditions de ses Œuvres. Encore cette traduction partielle ne sera-t-elle jamais complétée. Il est d'ailleurs remarquable qu'aucune édition critique contemporaine ne soit venue combler une telle lacune.

2. Aubert de la Chesnaye Des Bois, Paméla ou La Vertu récompensée, Londres, 1742.

tion assez libre du roman d'Élisa Haywood par Éléazar de Mau-villon.

Chacun des deux romans se présente comme une simple traduc-tion de l'anglais, alors qu'ils importent véritablement la « Querelle des Pamela ». Celle-ci fait alors rage en Angleterre. Un soutien de poids est d'emblée apporté aux « anti-pamélistes » par Henry Fiel-ding et sa Shamela (« Sham », le leurre, le faux-semblant). Or cette satire agacée par la morale chrétienne et bourgeoise de la « vertu récompensée » prépare en fait, en creux, non seulement le pas-tiche de The History of Joseph Andrews (1743), que l'auteur quali e lui-même d'« épopée comique en prose », mais encore l'hommage

Dans le document Pamela européenne (Page 24-44)