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L'avatar portugais de la Pamela de Goldoni : un roman mis en pièce1

Dans le document Pamela européenne (Page 176-200)

Marie-Noëlle Ciccia Université Paul-Valéry — Montpellier III

Pamela, la célèbre soubrette du roman de l'Anglais Samuel Richardson, a voyagé dans une bonne partie de l'Europe y compris au Portugal. Cependant, et en dépit des relations anglo-portugaises très privilégiées — essentiellement en matière d'économie et de commerce, il faut bien le dire — Pamela n'est pas arrivée à Lisbonne directement depuis Londres. L'étape vénitienne de son périple euro-péen est déterminante puisque les Portugais feront sa connaissance au xviiiesiècle à travers l'adaptation théâtrale que Carlo Goldoni avait faite du roman, adaptation qui, à son tour, a été traduite « ao gosto português », c'est-à-dire adaptée par le traducteur anonyme pour répondre aux attentes du public des théâtres de Lisbonne2.

1. Cette contribution a été publiée dans la revue Quadrant, Montpellier, 2005, p. 23-51.

2. Première édition : A mais heróica virtude ou a Pamela virtuosa, nova comédia

com-posta no idioma italiano e traduzida ao gosto português como por tantas vezes com geral aceitação se viu repetida no magrí co Teatro da Rua dos Condes desta cidade de Lisboa,

Lisboa, O cina de Francisco Borges de Sousa, 1763, 47 p. Deuxième édition : A

mais heróica virtude ou a Pamela virtuosa, nova comédia composta no idioma italiano e traduzida ao gosto português como por tantas vezes com geral aceitação se viu repetida no magrí co Teatro da Rua dos Condes desta cidade de Lisboa, Lisboa, O cina de Francisco

C'est donc transformée par le prisme d'une double adaptation que la Pamela anglaise est reçue pour la première fois en 1763 au Portu-gal. La traduction en portugais du roman lui-même est nettement postérieure1. Commise par Felix Moreno de Monroy y Ros, citoyen espagnol mais résidant à Lisbonne de longue date, la première édi-tion date de 1790 (selon A. A. Gonçalves Rodrigues2). Il ne faut guère s'en étonner dans la mesure où la langue anglaise est très mal connue au Portugal au xviiiesiècle. À titre d'exemple, le nom de Shakespeare ne commence à circuler dans les milieux littéraires qu'à partir de 1762. L'anglais ne représente pas un véhicule privilé-gié de culture, à l'inverse du français et de l'italien3; c'est davantage la langue des négociants. En revanche, le goût des Portugais à la fois pour le théâtre et pour la langue d'un Goldoni, explique assez natu-rellement ce passage de Pamela par Venise.

Après un bref rappel de l'importance de l'in uence italienne sur le théâtre populaire portugais dans la seconde moitié du xviiiesiècle, je retracerai autant que faire se peut (en raison de la rareté des documents de l'époque) l'historique de cette traduction et tâcherai de donner un nom au traducteur anonyme de la pièce de

virtuosa, nova comédia composta no idioma italiano e traduzida ao gosto português como por tantas vezes com geral aceitação se viu repetida no magní co Teatro da Rua dos Condes desta cidade de Lisboa, Lisboa, O cina de Lino da Silva Godinho, 1790, 47 p.

1. Je n'ai retrouvé que le parecer autorisant la réimpression de cette traduction :

Pamela Andrews ou a virtude recompensada. « Felix Moreno de Monroy, Licença para

imprimir e correr Deputado João G. Ch. Müller, nomeado em 27 de julho de 1798, Parecer favorável de 26 de Out. de 1798 para imprimir e de 29 de Abril de 1799 para correr ». Un nouveau parecer autorisant l'impression date du 9 mars 1799 ; l'ouvrage ne sera publié pour la seconde fois qu'en 1807.

2. A. A. Gonçalves Rodrigues, A Tradução em Portugal, Vol. 1o: 1495-1834, Lis-boa, Casa Nacional da Moeda, 1992. Inocêncio est encore moins précis puisqu'il indique une traduction dans les années 1790 sans spéci er ni la date ni le typo-graphe (Tomo 2, p 267 du Dicionário Bibliográ co). Le roman connaît une deuxième édition en 1807 : Pamela Andrews ou a Virtude recompensada, traduzida livremente, resumida e acomodada à linguagem portuguesa. Dedicada à Sereníssima Senhora D. Carlota Joaquina, princesa do Brasil, por D. Felix Moreno de Monroy. Lisboa, O cina de João Rodrigues Neves, 1807, 2 vols., 270 + 265 p. Inocêncio en indique deux autres : 1818 et 1834-36, sans plus de précision.

3. Pour information, l'autre grand roman de Richardson, Clara Harlowe (História

da Virtuosa e Infeliz Clara Harlowe, 15 vols., 1804-1818), subit un sort similaire à celui

de Pamela. La traduction en portugais est établie à partir de la traduction française du roman, et non pas à partir de l'original, ce qui souligne la faible divulgation de la langue anglaise au Portugal.

Goldoni. Puis, en procédant à la comparaison des textes portugais et italien, j'essaierai de voir dans quelle mesure cette pièce s'insère dans le cadre social portugais dominé par la gure emblématique du marquis de Pombal.

Depuis la première moitié du siècle, le spectacle musical italien fait les délices de l'aristocratie portugaise. Le roi Jean V est un fervent admirateur d'opéras et accueille à sa cour de nombreux musiciens italiens. Des troupes de chanteurs transalpins s'installent également à Lisbonne, comme la fameuse troupe du bolonais Ales-sandro Paghetti (connue comme la troupe des Paquetas) qui fait vibrer les planches de l'Academia de Música da Trindade à partir de 1735 sur des livrets des Italiens Apostolo Zeno (Merope, en 1739) mais surtout Métastase1(par exemple Alessandro nell'India en 1736,

Artaserse en 1737, Semiramide et La Clemenza di Tito en 1738. Ce

der-nier opéra fut dédié à la « nobreza de Portugal2»). Métastase repré-sente la quintessence du goût des aristocrates de la première moitié du siècle et l'opéra est le plus souvent représenté à l'intérieur même du palais royal, ce qui, du reste, s'explique par la pauvreté de la capitale en matière de salles de spectacles ; les théâtres sont

insuf-samment équipés pour recevoir les compagnies italiennes et satis-faire aux besoins des mises en scènes avec machineries. Les textes de Métastase, qui exaltent la morale et la vertu, recevront un accueil favorable tout au long du siècle, le goût pour l'opéra italien en géné-ral ne se démentant pas puisqu'en 1793 est inauguré à Lisbonne le nouveau temple destiné à célébrer l'art lyrique : le théâtre de São Carlos. Peu à peu l'opéra, parfois chanté en portugais, atteindra des publics issus de couches sociales plus humbles et ne se canton-nera pas aux salles royales. En e et, le théâtre public de la Rua dos Condes (reconstruit après le tremblement de terre et dont j'aurai l'oc-casion de reparler) accueillera de nombreux opéras. Parallèlement à cet engouement musical, le théâtre déclamé ravit un public plus

1. José da Costa Miranda, « Alguns apontamentos para um futuro estudo sobre o teatro de Metastásio em Portugal (século XVIII) : ainda acerca dos textos impres-sos ou divulgados nas décadas de 30 e 40 », Arquivos do Centro Cultural

Portu-guês, vol. XXIII, Homenagem a Paul Teyssier, Fundação Calouste Gulbenkian,

Lis-boa/Paris, 1987, p. 651-658.

2. Clemência de Tito, drama para música, do abade Metastásio, para se representar em

Lisboa no Teatro Novo da Rua dos Condes, no ano de 1738 ; dedicado à nobreza de Portugal,

in Teó lo BRAGA, História do Teatro Português no século XVIII - A Baixa Comédia e a

humble mais fort nombreux. Dans les premières années du siècle, le théâtre portugais est encore empreint de l'in uence espagnole, et seul un nom se détache dans ce domaine, celui d'António José da Silva, O Judeu, auteur de plusieurs « opéras » (mélange de théâtre déclamé et de chants, dont les personnages sont des marionnettes de liège). C'est essentiellement dans la seconde moitié du siècle, après le tremblement de terre de 1755, que les textes dramatiques français et italiens envahissent les planches dans leurs versions tra-duites, ou plutôt « nationalisées ».

Précédant de peu Molière sur la scène portugaise (17681), Carlo Goldoni, dont la production dramatique est contemporaine à sa dif-fusion au Portugal, remporte un succès populaire assez extraordi-naire2. Ses textes se voient et s'entendent sur scène mais se lisent aussi beaucoup, car les traductions des comédies, même si elles sont d'une qualité parfois plus que médiocre, ont le mérite d'être vendues à petits prix (sous forme de folhetos de cordel) par les mar-chands ambulants, souvent aveugles, dans les rues. En e et, l'im-mense production écrite de pièces de cordel ne correspond pas à autant de représentations et il importe de garder en mémoire le rôle de la lecture solitaire ou en public de ces ouvrages. Le texte dramatique, dont la population ra ole, devient ainsi un instrument de propagande plus ou moins volontaire en faveur de la politique pombaline prônant le retour à des mœurs plus rigoureuses et une morale bourgeoise plus sage. La première pièce traduite de Goldoni (sauf erreur, et d'après les catalogues dont je dispose) date de 1755 ; il s'agit de O Cavalheiro e a Dama3. Elle sera suivie de nombreuses autres (j'ai compté 27 traductions di érentes imprimées entre 1755

1. Voir Marie-Noëlle Ciccia, Le théâtre de Molière au Portugal au xviiie siècle,

Paris, Centre Culturel Calouste Gulbenkian, 2003, 618 p.

2. José da Costa Miranda, « O Teatro de Goldoni em Portugal (século XVIII) » - Subsídios para o seu Estud o separata da Revista de História Literária de Portugal, vol. IV, Coimbra, 1974, p. 35-85.

3. Carlo Goldoni, O Cavalheiro e a Dama, Comédia do Doutor... que se representa no

Teatro do Bairro Alto, escrito na língua italiana e portuguesa, Lisboa, O cina de

Fran-cisco Luís Ameno, 1755, 261 p. On notera que l'édition est opportunément simul-tanée à la représentation (« que se representa... »), preuve sans soute de l'accueil très favorable de la comédie sur scène. Par ailleurs, il convient de noter que cette édition, contrairement aux autres qui paraissent sous forme de folhetos, se présente, elle, sous forme d'un volume in 8o. L'édition suivante de cette pièce date de 1768, cette fois sous forme de folheto. La première édition se destinait à un public certai-nement plus lettré et plus argenté. En quelques années, on voit ce public évoluer

et 1792 — année qui clôt brutalement un cycle goldonien important au Portugal —, ainsi que 15 rééditions). Quelles sont les raisons qui peuvent expliquer un tel engouement pour le théâtre de Goldoni ? C'est que, tout comme celle de Molière, l'œuvre dramatique de Gol-doni est une ne analyse de la vie quotidienne que les traducteurs adaptent, avec plus ou moins de bonheur, à la société bourgeoise portugaise ; les spectateurs s'y retrouvent donc et retrouvent leurs congénères sans di culté. La comédie bourgeoise de Goldoni est une « luta aberta contra o formalismo, o postiço e o ridículo, por uma defesa do que é simples e espontâneo1».

Les mœurs étrangères qui sont révélées aux spectateurs n'ont rien de révolutionnaire. Bien au contraire, même si elles présentent des situations inattendues pour les Portugais, si elles exposent des cou-tumes ou des habitudes divergeant des leurs, elles ne s'éloignent jamais de l'intention moralisante et, du même coup, se conforment sans mal aux attentes de la censure pombaline. Du reste, le théâtre de Goldoni n'a jamais connu le couperet de la Real Mesa Censória ni du Desembargo do Paço. Contrairement à plusieurs comédies de Molière que les députés de la Real Mesa Censória n'ont pas admises en raison de leur contenu polémique (Dom Juan, par exemple), bien qu'elles aient été terriblement dé gurées par un adaptateur mé ant, pratiquant l'autocensure, les comédies goldoniennes passent sans di culté la barrière censoriale :

As apreciações feitas pelos censores às versões portuguesas das comédias de Goldoni assumem vários tons, indo da simples auto-rização concedida em forma totalmente banal, até às considerações que envolvem já um juízo de valor sobre o seu teatro ou a expansão do seu teatro na Europa. Considerações a que não faltam palavras encomiásticas em louvor da moral e da decência das comédias gol-donianas : adesão o cial a uma tese que os tempos difundiram e o

singulièrement puisque, désormais, toutes les éditions de traductions de pièces de Goldoni prennent la forme de ces opuscules bon marché : les lecteurs se comptent parmi une couche beaucoup plus modeste, mais aussi beaucoup plus large, de la population.

1. « Une lutte ouverte contre ce qui est formel, postiche ou ridicule, pour la défense de ce qui est simple et spontané ». José da Costa Miranda, « De uns supér uos apontamentos sobre teatro de cordel e uma pergunta (inocente) sobre Goldoni », sep. da Revista Lusitana, nova série no1, Lisboa, 1981, p. 77.

próprio Goldoni estimulara, insistindo no propósito de « educar » através do seu teatro1.

En outre, les textes de Goldoni reçoivent un accueil favorable explicable par la progressive ouverture d'esprit d'un public qui se délivre peu à peu du poids censorial du tribunal de l'Inquisition. À la structure sociale bipolaire de la première moitié du xviiiesiècle (les richissimes / les miséreux), succède une société plus nuancée :

As reformas pombalinas, a saída dos jesuítas, uma melhor gestão dos negócios do Estado, a progressiva e cautelosamente tolerada entrada dos estrangeirados contribuíram para a constituição de clas-ses intermédias (...) permitindo que « as novas clasclas-ses », progres-sivamente, fossem de nindo os seus contornos económicos, cultu-rais. (...) Goldoni, Metastásio, Apóstolo Zeno, Voltaire, Corneille ou Racine encontravam agora — e só agora — os seus destinatários ide-ais que poderíamos de nir em termos genéricos por nova burguesia

ascendente2.

Pombal promeut cette évolution — fort lente — de la société qu'il veut plus productive. C'est à ce titre que les femmes commencent à avoir une place à prendre dans ce programme qui maintient néan-moins, grâce à la vigilance de la censure, un profond attachement à la morale religieuse et chrétienne. José da Costa Miranda relève que la simplicité des intrigues, les situations souvent répétitives, la recherche de l'exemplarité, du bon sens et de la vie honnête des

1. « Les appréciations des censeurs relatives aux versions portugaises des comé-dies de Goldoni adoptent des tons di érents, allant de la simple autorisation accor-dée de façon tout à fait banale, à des considérations qui impliquent un jugement de valeur sur son théâtre ou sur la di usion de celui-ci en Europe. Des considéra-tions qui ne manquent pas de termes enthousiastes louant la morale et la décence des comédies : adhésion o cielle à une thèse qui s'est perpétuée et que Goldoni lui-même avait soutenue en insistant sur le but d'“éduquer” par son théâtre ». José da Costa Miranda, op. cit., p. 50.

2. « Les réformes pombalines, l'expulsion des jésuites, une meilleure gestion des a aires de l'État et l'entrée progressive et prudemment tolérée des estrangeirados, contribuèrent à l'émergence de classes intermédiaires (...) permettant aux “nou-velles classes” de dé nir peu à peu caractères économiques et culturels. Goldoni, Métastase, Apostolo Zeno, Voltaire, Corneille ou Racine trouvaient alors, et seu-lement alors, leurs destinataires idéaux que nous pourrions quali er en termes génériques de “nouvelle bourgeoisie ascendante” ». José Oliveira Barata, História

do Teatro em Portugal (séc. XVIII) - António José da Silva (O Judeu) no palco joanino,

classes moyennes avaient toutes les chances de combler le public ciblé par ce type de publication. En somme, les traducteurs de Gol-doni auraient exploité un lon à la fois rentable et sans danger sur le plan censorial puisqu'il se conformait aux exigences du pouvoir. On en trouve souvent des exemples dans les pareceres de la Real Mesa, tel celui d'António Pereira de Figueiredo, relatif à la comédieA

Famí-lia do Antiquário : « (...) ao mesmo tempo que diverte, pode tão bem

servir de não pequena instrucção aos leitores ou espectadores1». Si l'œuvre de Goldoni reçoit le satisfecit des théoriciens du théâtre tels que Manuel de Figueiredo, qui le juge un auteur de « comédias correctas2», les comédies de cordel n'obtiennent pas ses louanges : elles sont, selon lui, vulgaires et mal ourdies. Il est alors naturel que le public apprécie la touche personnelle, la construction de l'in-trigue, les dialogues percutants et le rythme souvent enlevé des bonnes comédies goldoniennes3. En outre, « o entrecho se irmanava a uma ironia amável e a uma pintura de um mundo bem do tempo. No procurado intuito de educar as gentes ; de as moralizar4».

Rappelons toutefois que Manuel de Figueiredo lisait Goldoni en version originale, tandis que les spectateurs / lecteurs n'avaient droit, pour la plupart, qu'à la version portugaise, traduite avec plus ou moins de bonheur et de patte personnelle de la part du traduc-teur, ce qui la rendait parfois guère meilleure que les comédies natio-nales.

1. « En même temps qu'elle divertit, elle peut servir de bonne instruction aux lecteurs ou aux spectateurs ». Extrait du parecer (ANTT/RMC, ano 1771, doc. 39) relevé par José da Costa Miranda, « O Teatro de Goldoni... », op. cit., p. 56.

2. Manuel de Figueiredo, Teatro, vol. V, Lisboa, Impressão Régia, 1804, p. 212. 3. Un entremez de José Daniel Rodrigues da Costa illustre bien l'attachement du public pour Goldoni que les petits auteurs de théâtre cherchent à imiter. Dans

Anatomia Cómica, quatre poètes viennent proposer leur comédie à un directeur de

théâtre en lui vantant ainsi leur production :

Alberto : Senhor empresário... Alberto : Monsieur le directeur... Clitandro : Temos composição magní ca. Clitandro : Nous avons ici une composition

magni que.

Maltevenha : Uma tragédia em verso sá co. Maltevenha : Une tragédie en vers saphiques. Cornélio : Um drama que cheira a Goldoni Cornélio : Un drame qui sent son Goldoni.

José Daniel Rodrigues da Costa, Anatomia Cómica, in 6 Entremezes de Cordel, Lisboa, Editorial Estampa, Seara Nova, 1973, p. 39.

4. « L'intrigue allait de pair avec une aimable ironie et avec la peinture d'un monde tout à fait contemporain, le but étant d'éduquer les gens, de leur inculquer une morale ». José da Costa Miranda, op. cit., p. 42-43.

Une caution de poids est à mettre à l'actif de Goldoni : la bien-veillance du roi à son égard constitue une sorte de gage de qualité, conforté par l'indulgence des instances censoriales. En e et, Gol-doni semble avoir été véritablement propulsé sur la scène portu-gaise lorsqu'en mai 1764, Joseph 1erprend lui-même l'initiative de lui proposer de travailler pour la Cour et de produire une comédie exclusivement destinée à une scène royale portugaise. Goldoni se trouve alors à Paris. Sa réputation s'est étendue jusqu'au Portugal qui entretenait de solides relations culturelles avec la France (à sens unique, il faut bien le reconnaître, les Portugais imitant les Français sur le plan de la mode vestimentaire, des habitudes, du parler, de la danse... mais pas le contraire). Le monarque portugais établit avec lui un contrat, par l'intermédiaire de son ambassadeur à Paris, D. Vicente de Sousa Coutinho, et le paie pour le travail accompli. Gol-doni s'acquitte en e et rapidement de sa commande :

Remeto a V. S.aessa carta ao D.orGoldoni, que V. S.alhe entregará, dando-lhe na mesma ocasião cinquenta moedas de ouro de quatro mil e oitocentos réis cada uma (...)1.

Goldoni fait également état de cette commande dans ses Mémoires : L'ambassadeur de Portugal m'avait fait travailler pour sa Cour : il m'avait fait présent de mille écus pour un petit ouvrage qui avait réussi à Lisbonne ; j'avais lieu d'espérer que ma personne n'aurait pas été refusée dans un pays où les spectacles dans ce temps-là o-rissaient et les talents étaient récompensés2.

La comédie est jouée au théâtre royal de Salvaterra mais elle n'ob-tient pas le succès escompté. Cet échec est attribué au manque de temps dont disposait Goldoni pour composer sa comédie :

A ópera que ele fez para o Teatro de Salvaterra não encheu a expec-tação em que dele estávamos, o que certamente me admirou, pois

1. « J'envoie à Votre Excellence cette lettre pour M. Goldoni que vous lui remet-trez, accompagnée de 50 pièces d'or de 4 800 réaux ». La correspondance concer-nant cet échange entre Goldoni et le Portugal est étudiée par Giuseppe Carlo Rossi, « Il Goldoni nel Portogallo del Settecento (documenti inediti) », Annali dell'istituto

Dans le document Pamela européenne (Page 176-200)