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Chapitre 2. Des données aux connaissances pour l’étude de l’état de

2.2. Données issues d’acquisitions in situ

2.2.2. Prélèvement par échantillon physique

Afin de réaliser davantage d’analyse sur le bâti patrimonial pour comprendre certains phénomènes, des échantillons, à des endroits stratégiques, peuvent être prélevés sur site. La nature de cette acquisition est dite invasive, car c’est une action humaine modifiant irréversiblement l’intégrité morphologique d’un objet [Saheb M.et al., 2015]. C’est pourquoi un protocole bien précis doit être mis en place, car les experts ne peuvent pas se permettre de prendre des échantillons sur l’ensemble de la surface. C’est donc un savoir-faire qui doit rester totalement maîtrisé. Ces techniques d’acquisition sont utilisées après une suite d’analyses photographiques, notamment par l’exploitation de l’étude, a posteriori, de l’imagerie scientifique produite et de résultats de diagnostic, afin de préciser la nature des matériaux que l’on observe, voire même leurs interactions avec l’environnement extérieur. On liste deux techniques de prise d’échantillon : le LIBS (ENG: Laser Induced Breakdown Spectroscopy, FR : spectroscopie sur plasma induit par laser) appliqué particulièrement sur les peintures murales (qui s’accompagne également de techniques de prélèvement d’écailles, et de micro-échantillonnage), puis le carottage pour les structures maçonnées.

2.2.2.1. Échantillonnage par LIBS

Les pratiques analytiques dans le domaine du diagnostic des matériaux du patrimoine tendent à se développer in situ grâce à l’apparition de nouveaux outils. Associée à une prise

45 d’échantillon classique, la technique LIBS est une approche performante pour la caractérisation des pigments de peintures murales. Les acteurs du patrimoine ont un besoin croissant d’expertise scientifique en vue de prendre des décisions stratégiques pour des opérations de restauration. Comme son nom l’indique, le LIBS est une technologie invasive qui utilise un laser à des fins d’analyse couche par couche des décors peints : une analyse stratigraphique. Il consiste à envoyer un laser impulsionnel (de forte énergie) sur une paroi recouverte d’un matériau à identifier. Le but est alors de récupérer l’émission lumineuse du plasma généré (interaction laser/matière) grâce à un spectromètre (résolu en temps) afin de déterminer en temps réel la nature des éléments (chimie élémentaire) de la surface sur une première épaisseur et également de mesurer leur concentration. Tous les éléments chimiques sont détectables, sous la forme de gaz, solide ou liquide. Le LIBS, qui est une machine expérimentale conçue par le LRMH, pour des applications dans le domaine du patrimoine, [Bruder R. et al, 2007] (Figure 25), fournit donc des analyses sans préparation nécessaire au niveau échantillonnage, et sur des zones qui sont difficiles d’accès pour des techniques plus classiques. Elle peut être mise en œuvre sur le terrain assez facilement, voire même être positionnée sur un échafaudage. L’impulsion réalisée sur la paroi forme un petit cratère d’ablation dont la profondeur est connue.

Chaque impact peut donc être réalisé l’un après l’autre pour identifier des couches de matériaux différents et connaître métriquement à quelle profondeur ils se trouvent. L’appareil est relié à un ordinateur qui reçoit directement les données d’acquisition à chaque impact et fournit des résultats principalement sous forme de graphique montrant les raies d’émision des particules élémentaires identifiées (Figure 26).

Figure 25 : Présentation de la mise en place du LIBS (à gauche), et cratère d’ablation du laser (à droite) vu par une caméra microscope (40x) (appareillage LRMH/C2RMF).

Grâce à des photographies acquises spécifiquement lors d’une précédente campagne et à l’aide de résultats obtenus en laboratoire, le protocole peut être préparé en positionnant les futurs tirs sur les images représentant l’objet d’étude et ses différentes zones à analyser.

46 Figure 26 : Exemple de résultats affichés par le software dédié de la technologie : un spectre LIBS.

Le logiciel développé pour l’interprétation des résultats d’émission du plasma peut également nous donner l’éventuel matériau qui correspondrait le mieux au signal reçu par le spectromètre.

Une production documentaire précise est ensuite réalisée afin de constater la répartition spatiale des matériaux et leurs possibles interactions avec les agents intervenants dans le processus de dégradations des peintures murales.

2.2.2.2. Échantillon physique par carottage

Tout comme les échantillons obtenus grâce à un laser, le carottage est une technique qui implique la préparation précise d’un protocole, car il s’agit d’extraire un échantillon de taille conséquent pour ensuite réaliser des analyses en laboratoire [Janvier-Badosa S. et al., 2015]. Cette technique est utilisée pour réaliser des études plus poussées sur la base d’observations déjà réalisées sur le terrain. Comme autre technique, la thermographie IR est considérée comme étant une technique d’acquisition de données d’investigation essentielle. Elle permet de déceler des altérations qui, morphologiquement, ne se traduisent généralement pas par une modification de l’aspect en surface, mais dont nous soupçonnons l’existence par la mise en relation d’autres données acquises. La prise d’échantillon par carottage permet, d’une part, de confirmer la présence d’une défaillance au niveau de l’intégrité morphologique du bâti, et d’autre part, grâce à des analyses approfondies en laboratoire, permet de comprendre le phénomène d’altération correspondant.

Par exemple, pour l’analyse d’une altération caractéristique (la desquamation en plaque), identifiée sur un cas d’étude, qui a fait l’objet d’une importante quantité d’analyses (le château de Chambord), il y a une véritable nécessité d’obtenir des échantillons de pierre représentatifs de chaque étape hypothétiquement définie du processus de dégradation [Janvier-Badosa S. et al., 2014].

Selon les études documentaires réalisées a priori, la zone sélectionnée était construite en utilisant une pierre calcaire de taille : du tuffeau datant du 16ème siècle. L’échantillonnage a été effectué en utilisant la technique du carottage à sec. L’échantillon est de 3 centimètres de

47 diamètre pour une hauteur de 8 centimètres (Figure 27). Bien que l’échantillon soit une entité physique concrète, elle renferme une grande quantité de données que nous obtenons grâce à des analyses en laboratoire.

L’objectif était de comparer la pierre « en bonne santé » avec différents stades de desquamation sur la même portion de matériau : la pierre non-altérée (B1), la pierre avec une fissure subsurfacique (B2) et enfin une partie avec perte complète de matière due à la perte de la plaque superficielle (B3).

À la suite de cette activité de carottage, des analyses ciblées sont mises en place à travers des protocoles précis afin de croiser et de comparer les informations recueillies après traitement, et probablement permettre aux experts de valider les résultats grâce à des acquisitions futures.

Figure 27 : Exemple d'échantillonnage pour l'analyse de la desquamation en plaque, montrant la position des échantillons et les trois états du processus d'avancement de la dégradation (à droite) [Janvier-Badosa S. et al., 2014].