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Chapitre 2. Des données aux connaissances pour l’étude de l’état de

2.4. Extraction d’information : définition de descripteurs spécifiques

2.4.3. Caractérisation physico-chimique des matériaux

Grâce au croisement entre les données d’acquisition, d’analyse LIBS voire même d’essais, les experts sont en mesure d’extraire des informations sous forme de rapports présentant les résultats et les interprétations (intégrables dans un Système d’Information).

2.4.3.1. Informations extraites d’analyse physico-chimique

Des informations peuvent être extraites en lien avec des études menées sur des échantillons en laboratoire.

2.4.3.1.1. Types d’informations issues d’analyse LIBS

L’analyse LIBS (associée à des techniques de microscopie optique d’observation d’échantillon) fournit un spectre LIBS nous donnant la composition chimique élémentaire de l’entité étudiée. Grâce à ce spectre et aux observations réalisées au niveau de la zone analysée, nous pouvons formuler des hypothèses quant au matériau utilisé pour réaliser les décors peints. Cette composition chimique élémentaire renvoie à un type de matériau particulier connu grâce à l’utilisation de standards normalisés [Bruder R. et al, 2007]. L’ensemble des acquisitions menées in situ font l’objet de compte-rendu (Figure 59) regroupant plusieurs informations telles que :

(1) La localisation des tirs du LIBS réalisés par les experts

(2) La composition chimique élémentaire locale au point associé à une analyse stratigraphique

(3) L’association de l’analyse chimique élémentaire à une nature de matériau voire de plusieurs matériaux grâce à un traitement statistique des données.

(4) L’appréhension de la stratigraphie des couches peintes du fait la succession de tirs au même point d’impact (« creusement du cratère »).

76 Figure 59 : Exemple d'un rapport pour une analyse d'échantillon sur 6 tirs avec caractérisations des matériaux

(LRMH.données D. Martos-levif et V. Detalle)

Ces informations constituent un premier échelon pour définir et comprendre réellement les phénomènes d’altérations, notamment en déterminant tout d'abord la nature des matériaux originaux et en déduisant ensuite, du fait de la connaissance des experts dans les techniques picturales et des observations faites (cartographies), ce qui est, dans l'analyse, la résultante du phénomène de dégradation.

2.4.3.2. Informations extraites de simulations

Cette partie présente particulièrement le type d’informations, d’hypothèse et d’interprétation qu’il est possible d’extraire à la suite de deux exemples de simulations en laboratoire : la simulation de vieillissement de la pierre et simulation mécanique du bloc de pierre (présentées respectivement dans la section2.3.5.1. et la section2.3.5.1.).

2.4.3.2.1. Interprétation des données de la simulation mécanique numérique d’un bloc de pierre

D’après les résultats donnés par le logiciel LMGC90, il est possible d’émettre certaines interprétations de manière précise en rapport avec les zones d’intérêt du matériau, puis d’apporter des explications sur l’apparition du phénomène complexe de desquamation en plaque. Ceci se base également sur les données pétro-physique qui sont présentées par la suite.

Tout d’abord, d’un point de vue local (au niveau du bloc sur 10 cm de profondeur à partir de la surface), nous pouvons réaliser des observations et d’émettre des hypothèses en comparant les deux types de pierre étudiés. La pierre grise de Caromb CG et la pierre jaune de Caromb (CA). La pierre CG est plus poreuse et plus capillaire que CA, ce qui se traduit par un déplacement du front d’eau plus rapide lors des cycles imbibitions/séchages. La conséquence directe est que la pénétration d’eau depuis la surface s’arrête à 2 cm pour la CA et 3 cm pour la CG.

Une représentation des blocs en modèles de calcul permet d’observer les contraintes mécaniques. Seule la contrainte normale verticale est représentée (compression), c’est-à-dire la composante susceptible de conduire à la ruine du matériau. On observe également un état

77 global de compression et de traction étant donné que le bloc est simulé dans son contexte, dans un appareillage dont la couche extérieure se trouve affectée par les phénomènes hygromécaniques. Des graphiques montrent notamment que les contraintes maximales sont positionnées et sont importantes entre 2 et 3 cm de profondeur (par rapport à la surface) pour chacun des types de blocs, en admettant une valeur de descente de charge connue et maîtrisée pour l’ensemble du bâti (Figure 60). Une faible différence de profondeur d’application de la contrainte, sur les matériaux étudiés, est directement due à leur coefficient de dilatation respectif [Bagnéris M. et al., 2014].

Figure 60 : Modèle numérique calculé à gauche et profile de la contrainte transversale à droite (LMGC.données F. Cherblanc).

Après comparaison des limites à la rupture de chaque pierre, il est possible de constater que la pierre CG est beaucoup moins résistante que CA. Il en résulte donc un facteur de risque de rupture trois fois plus important pour CG par rapport à CA. Un résultat qui se confirme à travers des observations in situ où le phénomène de desquamation en plaque affecte particulièrement les pierres grises.

Ces informations permettent de faire des comparaisons entre les différents matériaux et prévoir comment l’un ou l’autre va réagir à la mécanique du bâtiment et aux contraintes météorologiques. Il faut noter que les résultats sont observés en prenant en compte une section perpendiculaire au plan de surface, au centre de la pierre. Le modèle de calcul montre notamment que les contraintes sont très importantes sur la périphérie proche des joints avec des blocs voisins. Des calculs supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces observations.

Les résultats obtenus sont très utiles pour réaliser des croisements avec d’autres types de simulations.

2.4.3.2.2. Interprétation des essais de vieillissement de la pierre

En fonction des données obtenues lors de processus d’acquisition et d’analyse, les interprétations peuvent être diverses pour un type de pierre étudié. C’est ce qu’il est possible de souligner dans le travail de recherche de [Berthonneau J. et al., 2012]. En effet, ce travail de recherche a porté sur la pierre de Caromb et la compréhension des phénomènes de

78 desquamation en plaque. Ces études ont montré la présence d’un autre agent de dégradation, les argiles gonflantes, considéré comme étant responsable de l’apparition de cette dégradation caractéristiques. Ce travail est donc à mettre en relation avec les suppositions présentées par la suite, emblématique de la complexité de compréhension des mécanismes d’altérations.

Les expérimentations (Section 2.4.3.) ont conduit les experts à émettre des hypothèses quant à la provenance du gypse dans la pierre et son intervention dans la compréhension du phénomène complexe de desquamation en plaque (Figure 61). La définition du mécanisme de dégradation s’appuie sur des données tirées de [Charola A. E. et al., 2007], puis sur des conclusions d’observations d’échantillons vieillis artificiellement et enfin sur des échantillons de pierre in situ altérés par des contraintes météorologiques et environnementales.

Selon les données tirées de [Janvier-Badosa S. et al., 2015], la desquamation en plaque se déploie dans un environnement de pierre calcaire avec des caractéristiques poreuses importantes. Ce sont des propriétés que la pierre testée, le tuffeau, possède.

Quand la pierre est sujette à ce type de mécanisme, deux phénomènes sont observés : une fissure est localisée à 1 centimètre de profondeur dans laquelle le gypse, sous forme cristalline, s’accumule. L’observation séparée de ces deux phénomènes est nécessaire. La fissure localisée à cette profondeur est causée par des contraintes mécaniques verticales dues à des dilatations différentielles hydro-thermiques entre la surface et le cœur de la pierre. Cette contrainte est amplifiée par la présence d’argiles gonflantes dans ce type de pierre, qui peut conduire à la formation de micro-fissures parallèle à la surface de la pierre [Benavente D. et al., 2008].

Figure 61 : Description hypothétique du mécanisme expliquant comment une plaque se développe dans la pierre tuffeau sujet à la desquamation en plaque [Janvier-Badosa S. et al., 2015].

Le gypse, présent dans les pluies polluées, s’introduit dans la pierre par un mécanisme de capillarité. Lors de l’analyse de l’échantillon in situ, la quantité de gypse est importante au niveau de la fissure et de la future fissuration (1 cm de profondeur environ) contribuant ainsi

79 à augmenter la contrainte mécanique locale, favorisée par les phases d’imbibition/séchage causées par la pluie et le vent.

La phase ultime du détachement de la plaque (de pierre) pourrait être causée par des facteurs environnementaux externes (gel/dégel, action du vent et/ou causes anthropiques comme le vandalisme). Ces altérations montrent des figures morphologiques spécifiques que ce soit à un stade initial ou avancé dans le mécanisme de dégradation. Toutefois, une même altération peut, la plupart du temps, présenter une « tendance morphologique » : une information qui peut être quantifiée et qualifiée par une analyse géométrique.