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Préférences du gouvernement

1. Approche politique de la politique monétaire

1.1. Seconde approche des fonctions politico-économiques

1.1.1. Préférences du gouvernement

La référence à la théorie économique de la politique permet de trouver les facteurs déterminants du comportement du gouvernement. Dans cette littérature (voir Alesina et Sachs [1988]), ont attribue deux sortes d'objectifs au gouvernement : les objectifs idéologiques et les objectifs électoraux. Nous allons étudier un peu plus en détails ces deux comportements politico-économiques du gouvernement.

1.1.1.1. Les préférences idéologiques ou partisanes en matière d’objectifs économiques

On appelle préférence partisane des gouvernements, les objectifs macroéconomiques du gouvernement indépendamment de l’objectif de réélection. Elle est à rapprocher des objectifs macroéconomiques de long terme du gouvernement.

En s’en tenant aux positions constamment réaffirmées des partis les plus représentatifs et à leur pratique la plus courante, Kirschen [1964] a pu effectuer un classement des priorités économiques en fonction de l’éventail traditionnel gauche-droite. Ce classement fait ressortir le renversement des préférences lorsque l’on se déplace d’un côté à l’autre sur l’éventail politique.

Ce renversement est particulièrement net si l’on regarde l’importance accordée aux objectifs de plein emploi et de stabilité des prix. Dans la mesure où les gouvernants peuvent agir sur la situation économique, on peut s’attendre à observer une combinaison présentant relativement moins de chômage et plus d’inflation avec des gouvernements de gauche, et une combinaison inverse, relativement plus de chômage et moins d’inflation, lorsqu’un parti (ou coalition) de droite est au pouvoir.

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Hibbs [1977, 1987] rédige le premier article (puis dix ans plus tard le premier ouvrage) qui recherche une confirmation empirique de cette différenciation des préférences relatives entre inflation et chômage selon l’orientation politique du gouvernement et montre que dans les pays de l’OCDE, étant donné l’arbitrage entre l’inflation et le chômage, les partis de gauche mènent des politiques de lutte contre le chômage tandis que les partis de droite mènent des politiques de contrôle de l’inflation. Ce qui implique que le taux de croissance et le taux d’inflation sont, d’une manière permanente, plus élevés sous la gauche que sous la droite.

Les travaux de Hibbs [77 et 87] sont essentiellement plus empiriques que théoriques. L’ouvrage de Alesina, Roubini et Cohen [1997] donnent la théorie sous-jacente à ces travaux descriptifs. Les auteurs partent de l’hypothèse que les hommes politiques de gauche sont des membres de la classe moyenne ou ouvrière ou représentent ces classes sociales. Ainsi, ils sont plus soucieux du niveau de l’emploi. Inversement les hommes politiques de droite sont des rentiers ou représentent les classes riches donc sont soucieux du niveau de l’inflation. Le modèle suppose également une courbe de Phillips exploitable par l’homme politique : autrement dit, les hommes politiques peuvent influencer le niveau du taux de chômage en arbitrant entre plus d’inflation et moins de chômage. Dans ce cas on peut s’attendre alors à observer une combinaison présentant relativement moins de chômage et plus d’inflation avec des gouvernements de gauche, et une combinaison inverse, relativement plus de chômage et moins d’inflation, lorsqu’un parti de droite est au pouvoir.

Ce premier type de modèle a gêné surtout en raison de l’hypothèse de l’exploitation de la courbe de Philips. La seconde génération de cette littérature partisane, ne fonde plus l’étude du cycle politique sur l’exploitation de la courbe de Philips. En effet, en présence de rationalité des acteurs, l’inflation voulue par les gouvernements de gauche est anticipée et, de ce fait, n’a aucune conséquence sur le marché du travail. Alesina et Sachs [1987] réexamine l’intuition de Hibbs et la fonde dans le cadre d’un système économique avec électeurs rationnels. L’auteur remarque que l’issue de l’élection représente toujours une surprise puisqu’elle n’est pas parfaitement prévisible. C’est cette surprise électorale qui est à l’origine de la surprise d’inflation, qui elle-même génère une relance (ou une récession).

Quelle que soit l’importance des objectifs « idéologiques », leur réalisation, suppose le maintien au pouvoir. Les responsables politiques sont donc conduits à tenir compte d’un

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objectif de réélection. L’étude du comportement gouvernemental à plus court terme, dans la perspective des échéances électorales, constitue le second axe de recherche des analyses politico-économiques.

1.1.1.2. L’objectif électoral ou opportuniste

Si les électeurs sont sensibles aux programmes politiques, les hommes politiques, eux, le sont au pouvoir politique. Cette hypothèse correspond à une conception des hommes politiques « opportunistes ».

Le début des années soixante-dix, avec les travaux de Kramer [1971] puis Tufte [1975, 1978] marque l’essor d’une littérature empirique et théorique sur les relations entre la concurrence électorale et l’activité économique. Une explication conjoncturelle de l’essor de cette littérature est probablement l’élection présidentielle américaine de 1972 : ainsi, Rogoff [1988] qualifie Nixon de « héros toute catégorie du cycle politique ». En effet, le président américain Nixon a augmenté les prestations de sécurité sociale de 20% deux semaines avant les élections…18

Du côté de la littérature théorique, Nordhaus [1975] et Lindbeck [1976] retiennent l’hypothèse du comportement opportuniste des hommes politiques et en étudient la conséquence sur le cycle économique : la course au pouvoir d’hommes politiques opportunistes a-t-elle une influence sur le cycle économique ? Autrement dit, pour maximiser ses chances de maintien au pouvoir, le gouvernement tente-il de faire coïncider la conjoncture économique la plus favorable avec la date des élections ?

- Le modèle de Nordhaus [1975] : une analyse théorique du cycle économico-électoral.

Nous nous limiterons ici à une démonstration littéraire s’appuyant principalement sur les hypothèses de l’analyse que nous discuterons. Pour une démonstration formalisée, on se reportera à l’article de Nordhaus.

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Dans ce modèle très simple, les électeurs sont dits myopes, c’est-à-dire qu’ils se souviennent surtout de la période pré-électorale et votent en fonction de la situation économique de court-terme. C’est l’année électorale qui compte, par exemple, et non le début de mandat. Cette myopie rend possible la manipulation du cycle économique.

On suppose également une courbe de Phillips exploitable par l’homme politique : autrement dit, les hommes politiques peuvent influencer le niveau du taux de chômage en arbitrant entre d’inflation et de chômage.

Les électeurs préfèrent la croissance et n’apprécient pas l’inflation. Ils votent donc pour le candidat qui leur a assuré une forte croissance. Cependant, ils ont une mémoire à court terme : ils pondèrent d’avantage les évènements récents que les évènements anciens.

Enfin, on suppose que les hommes politiques opportunistes, même en présence d’électeurs très différents, font la même offre électorale, celle qui leur permet d’être élus, c’est-à-dire celle de l’électeur médian.

Ainsi, dans la période préélectorale, les hommes politiques font de la relance, sont par conséquent réélus, puisque les électeurs sont myopes, puis, après les élections réduisent l’inflation qu’ils ont eux-mêmes créée.

La seconde génération de cette littérature électoraliste, de même que la seconde génération de la littérature partisane, ne fonde plus l’étude du cycle politique sur l’exploitation de la courbe de Philips. On considère alors des électeurs rationnels au sens où ils forment des anticipations épuisant l’information dont ils disposent. Cette hypothèse caractérise les modèles de la deuxième génération. Par ailleurs, a seconde génération de modèle introduit la notion de compétence des hommes politiques au pouvoir : compétence à réduire les inefficacités budgétaires (Rogoff et Siebert [1988] et Rogoff [1990]), compétence à faire de la croissance non-inflationniste (Persson et Tabellini [1990]) ou compétence à protéger l’économie nationale des chocs (Cukierman et Meltzer [1986]). Le point important est que cette compétence est une information asymétrique. En effet, on suppose que les hommes politiques connaissent leur propre compétence, en revanche, les électeurs ne peuvent qu’essayer de l’anticiper. Ainsi, les hommes politiques voudront signaler leur compétence aux électeurs, et ce en manipulant le cycle économique. Cette nouvelle génération de modèle

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donne naissance à des cycles politiques de plus faible ampleur que les cycles de la première génération. Elle a aussi le mérite de rendre compte des votes rétrospectifs : les électeurs étant rationnels prennent en compte le comportement passé des gouvernants et récompensent ceux qui se sont signalés comme efficaces.