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Dépendance de droit et autonomie de fait

1. Approche politique de la politique monétaire

1.1. Seconde approche des fonctions politico-économiques

1.1.3. Relation banque centrale et gouvernement

1.1.3.2. Dépendance de droit et autonomie de fait

Pour désigner une certaine distanciation de la Banque centrale par rapport au pouvoir politique, on a pris l'habitude d'user du terme "indépendance". Il convient d'aller plus loin pour préciser ce que peut recouvrir le concept d'indépendance. Pour ce faire, on distingue souvent trois composantes ( Bassoni et Cartapanis [1995], de Haan [1997]) : l'indépendance organique, l'indépendance financière et l'indépendance de politique ou fonctionnelle.

L'indépendance organique s'apprécie à travers les dispositions qui régissent l'organisation institutionnelle de la Banque, la composition de ces instances de décision, le recrutement de ses dirigeants. Un certain nombre de ces dispositions statutaires sont interprétées comme des limites imposées à la domination du pouvoir politique. Ainsi la révocabilité des dirigeants de la Banque ou la durée de leurs mandats sont souvent utilisées comme critères pour construire des indicateurs d'indépendance. Quels que soient les problèmes posés par l'élaboration de tels indices, on ne doit pas oublier que les textes législatifs ne suffisent généralement pas à résumer la pratique des institutions (Aubin [1999]). Des règles informelles, des normes de comportement existent dont l'influence peut être déterminante. Ainsi, les procédures de nomination des dirigeants de la Banque donnent un pouvoir certain à l'autorité politique pour exercer son influence, mais ce pouvoir n'est pas absolu (voir Waller [1992]).

Quel que soit le degré de dépendance organique, dans tous les pays, la Banque centrale occupe une place à part dans les institutions. Elle n'est jamais une simple administration gouvernementale. Outre ses statuts particuliers, elle possède une autonomie financière. A la

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différence des autres administrations, elle ne retire pas les ressources nécessaires à son fonctionnement d'une allocation budgétaire déterminée par le pouvoir politique.

La combinaison de dépendance et d'autonomie qui caractérise la position de la Banque centrale se retrouve encore lorsque l'on examine la troisième composante de son indépendance, l'indépendance fonctionnelle. Pour qui veut comprendre les choix de politique monétaire dans la logique retenue ici, cet aspect est sans doute le plus important. C'est en effet à travers la plus ou moins grande autonomie fonctionnelle que peuvent s'exprimer d'éventuelles divergences de vues entre la Banque et le gouvernement. Pour préciser le contenu de l'indépendance de la Banque en matière de politique monétaire, Fischer [1994 ou 1995] propose de distinguer sa capacité à choisir librement ses objectifs (indépendance d'objectifs) et son autonomie de décision quant aux moyens à mettre en oeuvre (indépendance d'instruments). Dans une perspective normative, l'indépendance d'instruments est souvent jugée utile tandis que l'indépendance d'objectifs apparaît plus critiquable. Blinder [1996], ancien vice-président du Federal Reserve Board, n'hésite pas à affirmer que laisser la Banque définir ses objectifs serait "donner un pouvoir excessif à une poignée de technocrates non élus".

La liberté d'action dont dispose la Banque peut se manifester sous des formes diverses. Ainsi, Woolley [1977, p.170] distingue trois modes d'expression de cette autonomie. Le premier est la possibilité qu'a la Banque centrale de poursuivre une action notoirement contraire aux préférences du gouvernement. Le second est la possibilité qu'ont les responsables de la banque centrale de critiquer publiquement la politique du gouvernement, même s'ils n'agissent pas de manière à la contrecarrer. Le troisième est la faculté qu'ont les banquiers centraux de jouer un rôle significatif au sein de conseils gouvernementaux pour décider de la politique ou définir les termes dans lesquels seront analysés les développements de la politique.

Divers arguments peut être avancés pour expliquer que le pouvoir politique renonce souvent dans les faits à exercer pleinement le droit de contrôle qu’il conserve dans les textes. En premier lieu, des considérations strictement politiques peuvent être évoquées. Comparée à la politique budgétaire, la politique monétaire suscite, selon certains auteurs, un moindre intérêt de la classe politique (Woolley [1984], Beck [1990]). Son inadaptation à des actions sélectives en faveur des groupes d’intérêts particuliers expliquerait une moindre rentabilité politique immédiate. Par ailleurs, l'inégale perceptibilité par les électeurs des programmes de

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dépenses publiques et des mesures monétaires peut expliquer un attrait pour conduire les actions de relance de l'économie au moyen de la politique budgétaire et faire de la politique monétaire l'instrument privilégié des politiques restrictives (Buchanan et Wagner [1977]). Dans cette perspective, l'autonomie concédée à la Banque centrale apparaît comme un moyen pour le gouvernement de dégager, au moins partiellement, sa responsabilité en cas de mesures restrictives impopulaires. La Banque centrale peut ainsi jouer le rôle de "bouc émissaire" (Kane [1982]). Une autre explication de la concession d'une certaine autonomie peut être recherchée dans l'existence d'un coût du contrôle autoritaire de la Banque centrale. Qui plus est, une surveillance efficace exige une information d'autant plus coûteuse que la Banque peut avoir intérêt, pour protéger sa position, à donner une présentation de ses actions sous un angle très technique (Borins [1972]) et à entretenir un certain secret sur ces intentions (Goodfriend [1986]).

1.1.4. Modélisation de la relation Banque Centrale et gouvernement

La formulation d’un modèle explicatif du comportement de la Banque Centrale, consiste à modéliser la relation entre Banque Centrale et gouvernement. Les principales contributions à l’élaboration de cette fonction de politique monétaire sont les travaux d’Aubin [1983] et de Frey et Schneider [1981].

1.1.4.1. Le modèle de Frey et Schneider

L’étude de Frey et Scheider [1981] tente d’intégrer les apports de l’analyse politico- économique et ceux de l’analyse de la Bureaucratie. L’objectif est la formulation d’un modèle explicatif du comportement de la Banque Centrale.

1.1.4.1.1. Les partenaires de la Banque Centrale

L’analyse place la Banque Centrale dans l’ensemble du système social dont le gouvernement et les agents économiques-électeurs sont les éléments essentiels.