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Prédire la résistance en compression d’un bloc

Chapitre 4 – Identification des relations entre les performances et la formulation

3. Prédire la résistance en compression d’un bloc

Afin de développer la méthode de formulation, les résultats du programme expérimental sont utilisés pour déterminer une relation entre la formulation et la résistance en compression des blocs. Cela permet ensuite de prédire les performances des produits à partir de leur composition ou de trouver celle permettant d’obtenir les propriétés désirées. La littérature montre que de telles équations existent déjà pour les bétons standards. Il est choisi d’étudier l’applicabilité de la loi de Féret. Celle-ci calcule la résistance en compression d’un béton à démoulage différé à l’aide de l’équation Eq 45.

fcm = K ൬V Vc

c + Ve + Va

2

(Eq 45) Il faut donc vérifier la validité de cette équation dans le cas des blocs. En particulier, la réflexion porte sur la prise en compte du volume d’air des bétons. En général, le volume d’air de la pâte est utilisé dans la loi de Féret, l’air étant présent uniquement dans la pâte, pour les bétons courants. Or, le chapitre 1 a mis en évidence la présence d’air dans la pâte mais aussi entre les grains d’un bloc. Par ailleurs, l’utilisation grandissante d’additions par les industriels nécessite la prise en compte de ce paramètre dans le calcul de la résistance en compression.

D’un point de vue physique, la rupture mécanique d’un béton peut être due à trois phénomènes : rupture du granulat (gris clair), de la pâte (gris foncé) ou de l’adhérence entre les grains et la pâte, comme présenté en figure 85.

Figure 85 : Schémas des ruptures du granulat, de la pâte, de l'adhérence entre grain et pâte

La rupture des granulats est peu probable dans notre cas. En effet, l’ordre de grandeur des résistances intrinsèques en compression des granulats calcaires concassés et siliceux roulés est supérieure à 60 MPa [36] [37]. Ces valeurs sont très supérieures aux résistances moyennes des blocs (entre 3 et 8 MPa).

La résistance de la pâte ne dépend pas seulement de son rapport Eeff/C, compris entre 0,5 et 1,3 dans le programme expérimental. D’autres facteurs impactent les performances, comme le degré d’hydratation du ciment, la teneur en air de la pâte, etc. Neville propose alors d’utiliser le rapport gel/space, noté r, pour évaluer la résistance mécanique [20]. Ce rapport correspond à la concentration de produits d’hydratation dans l’espace disponible pour ces produits. Il est calculé à l’aide de l’équation suivante et de la fraction de ciment hydraté, a :

r = 0,657 a

0,319 a +mme

c

(Eq 46) Dans le cas du programme expérimental réalisé, ce rapport est compris entre 0,4 et 0,7 lorsque l’hydratation est complète. D’après l’abaque de Neville, cela correspond à une résistance en compression de la pâte supérieure à 15 MPa [20].

L’adhérence de la pâte autour des granulats dépend de plusieurs facteurs. La qualité de la surface des granulats va l’influencer. En effet, plus ils sont lisses et plus l’adhérence diminue. L’épaisseur de la pâte autour des granulats va également impacter l’adhérence et dépend de la quantité de pâte du béton. Les trois phénomènes peuvent se combiner lors de la rupture mécanique d’un élément en béton. La proportion de chacun dépend non seulement de la résistance de l’interface mais aussi de la fraction volumique de la matrice (pâte du béton). La figure 86 montre l’évolution de la proportion de fragmentation des grains en fonction de leurs cohésions à l’interface et de la quantité de matrice. Il est possible de constater qu’en dessous de la limite d’endommagement des particules (ligne bleue), les fissures se propagent exclusivement dans la pâte ou à l’interface. Au-delà de cette limite, la proportion de grains rompus augmente lorsque leur adhérence à l’interface augmente et que le volume de pores dans la matrice diminue (sinon la fracture contourne les grains et se propage à travers les pores). Pour des dosages en matrice supérieurs à 20 %, l’endommagement des grains devient indépendant de la quantité de pâte. Les particules sont entièrement entourées de pâte et l’augmentation de la quantité de matrice n’a plus d’influence sur le nombre d’éléments fragmentés.

Figure 86 : Évolution de la fraction d'éléments rompus en fonction de l'adhérence et de la quantité de matrice [38]

Figure 87 : Représentation des régimes de rupture [38]

La figure 86 montre que dans le cas des blocs (fraction volumique de pâte comprise entre 13 et 20 %, zone bleue), l’emplacement de la rupture dépend de l’adhérence des grains à la pâte et de la porosité de celle-ci. Le volume de pâte étant insuffisant pour remplir l’espace inter-granulaire, il est probable que la fragmentation des grains soit nulle car la fissure aura tendance à se propager de pores en pores. Ainsi, en fonction de la quantité de pâte et de l’adhérence avec les grains, la rupture peut se produire dans la matrice ou à l’interface. Ces deux paramètres sont pris en compte dans la loi de Féret avec les volumes de ciment et d’eau, ainsi que le coefficient granulaire K.

La littérature a également montré l’influence des fillers calcaires sur la résistance en compression. Durant le programme expérimental, ils proviennent des fines des granulats calcaires ainsi que de l’addition calcaire utilisée. Ce phénomène peut être intégré dans l’équation de Féret en remplaçant le volume de ciment par la quantité de ciment équivalent, ceq [24].

ceq= mcቌ1 + 0,054 tC3Aቆ1- e

-19,6 mfi

tC3A mc

ቇቍ (Eq 47)

Avec :

· mfi : masse de filler dans le mélange, calculée à partir de l’équation suivante, mca, ms et mg

sont respectivement les masses d’addition calcaire, sable et gravillon :

mfi = mca + ms* %passants à 63 mm+ mg* %passants à 63 mm (Eq 48) Les résultats du programme expérimental doivent permettre la mise au point d’une équation prenant en compte les paramètres précédents. Le tableau 38 présente les valeurs obtenues expérimentalement.

Référence Rc bloc (MPa) Volume de ciment (L/m3) Volume d’eau (L/m3) Volume d’air (L/m3) Volume de filler (L/m3) 1 3,75 40 115 181 17 2 5,71 46 80 122 2 3 5,21 46 109 97 2 4 3,20 42 100 161 20 5 3,96 33 102 103 2 6 2,49 29 91 184 17 7 2,65 30 123 153 20 8 3,87 31 85 162 2 9 3,43 38 100 123 18 10 3,14 27 105 75 19 11 5,65 53 105 83 19 12 3,68 33 105 90 26 13 4,58 46 104 99 26 14 4,48 40 84 100 19 15 3,32 39 61 153 18 16 4,02 39 82 124 19 17 4,23 39 103 95 19 18 3,34 39 61 151 19

Tableau 38 : Résultats du programme expérimental pour la détermination de la loi de Féret modifiée

D’après la littérature étudiée au chapitre 1, la loi de Féret peut être modifiée dans le cas de béton dont la teneur en air est importante, en utilisant un coefficient ½ pour le volume d’air [19]. La loi de Féret peut alors être modifiée comme suit :

fcm = Kbc ceq

eq + MvcሺVeeff + 0,5 Vaሻቇ

2

(Eq 49)

Avec :

· Kb : coefficient granulaire dans le cas des blocs ;

· Veeff et Va : respectivement les volumes d’eau efficace et d’air (occlus et entre les grains). La figure 88 présente l’évolution de la résistance en compression d’après la loi de Féret modifiée. L’analyse du programme expérimental permet de déterminer les coefficients K représentatifs des granulats utilisés, 62 et 116 respectivement pour les calcaires concassés et les siliceux roulés.

Figure 88 : Loi de Féret modifiée Figure 89 : Précision de la loi de Féret modifiée

Les résultats indiquent, pour l’équation de Féret modifiée pour les blocs, une erreur moyenne de l’ordre de l’incertitude de mesure (respectivement 0,61 et 0,45 MPa). La figure 89 présente l’évolution de la résistance théorique en fonction des valeurs expérimentales. Il est possible de constater une diminution des écarts dans le cas des granulats calcaires concassés lorsque la résistance est supérieure à 4 MPa (figure 89). Or, d’après l’enquête réalisée auprès des industriels, les produits présentent généralement des résistances en compression supérieures à 4 MPa.

0 2 4 6 8 0,00 0,04 0,08 0,12 fcm (MP a) (ceq/(ceq+Mvc(Ve+0,5Va)))² Calcaire Siliceux fcmth = 0,96 fcmexp R² = 0,70 0 1 2 3 4 5 6 7 0 1 2 3 4 5 6 7 fcm th ( MP a) fcmexp (MPa)

Conclusion

Afin de développer une méthode de formulation, il est nécessaire de déterminer des relations entre les compositions des bétons et leurs performances. Après analyse et réflexion, un programme expérimental a été mené pour les obtenir, en faisant varier la nature et le dosage des différents constituants. Cela permet de mesurer leur influence sur les propriétés et d’augmenter la robustesse des résultats. En effet, le chapitre 1 a montré qu’il existait une grande variété de matériaux utilisés par les industriels pour fabriquer des blocs.

Les résultats de ce programme expérimental viennent ainsi compléter le chapitre précédent. Celui-ci permet l’utilisation du modèle d’empilement compressible pour déterminer la répartition granulaire optimale. À l’heure actuelle, un essai de compacité sur presse permet d’estimer le volume de granulats équivalent. Il est alors nécessaire de calculer les volumes de ciment, addition, eau et air permettant d’obtenir un bloc présentant les performances visées. Il faut donc relier ces dosages aux propriétés des produits.

Le programme expérimental mené a permis d’établir que la consistance des bétons secs à démoulage immédiat dépend de la quantité de pâte dans l’espace inter-granulaire. Une équation est développée prédisant la perte de masse par collage avec une précision équivalente à celle de l’essai utilisé. De plus, les bétons fabriqués ont mis en évidence l’influence possible de la teneur en eau des granulats, en particulier de la différence entre la teneur et l’absorption d’eau. Afin de garantir la régularité des fabrications et les performances désirées, il est conseillé d’utiliser des granulats de teneur en eau constante, proche si possible à leur absorption d’eau.

De plus, l’analyse des résultats a permis de mettre au point une loi de Féret modifiée, adaptée aux bétons de blocs. Celle-ci relie les volumes de ciment, filler, eau efficace et air (occlus et entre les grains) à la résistance en compression, avec une erreur moyenne de 0,61 MPa. Un coefficient correctif est utilisé pour prendre en compte le volume d’air important. L’influence du filler est représentée par l’utilisation du ciment équivalent.

Au final, un système d’équation (Eq 50) est obtenu à partir des résultats du programme expérimental. Prix = ෍ mconstitutants prixconstituants

Formulation : VG +Vc +Ve+Vca +Va = 1000 L Collage :Col = 0,0141 ሺ1000 -VVp G - 0,0056 Résistance :fcm = Kbc ceq eq + MvcሺVeeff + 0,5 Vaሻቇ 2 (Eq 50)

Il permet de relier la formulation et les propriétés d’un bloc. Il est alors possible de déterminer la formulation optimale d’un bloc, en utilisant le modèle d’empilement compressible et la résolution du système d’équations, et donc mettre au point une méthode de formulation adaptée aux blocs.

Toutefois, des essais complémentaires permettront d’étendre le champ d’application à d’autres natures de ciment ou additions utilisées pour la fabrication des blocs. De même, de plus en plus d’industriels utilisent des adjuvants, dont l’impact sur les performances doit être étudié. Pour finir, il serait intéressant d’évaluer l’influence des paramètres de vibro-compaction.