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VII. La chaîne du Gobi-Altaï et son héritage géologique

VII.1. Du Précambrien au Mésozoïque : Accrétion des « terranes »

Le Gobi-Altaï est situé dans la partie orientale de la ceinture orogénique centre-asiatique (CAOB, Central Asian Orogenic Belt, aussi appelée Altaïds), orogène majeure d’Asie centrale, ayant subi une évolution polyphasée au Phanérozoïque, notamment lors des orogénèses Calédonienne et Hercynienne (Șengör et al., 1993; van Hinsbergen et al., 2015). Le réseau de failles du Gobi-Altaï est par ailleurs aligné sur le Main Mongolian

Lineament (MML), qui représente la principale frontière tectonique séparant le domaine

Néoprotérozoïque au nord du domaine Paléozoïque au sud (Badarch et al., 2002; Lehmann et al., 2010) (Figure 1-14).

Figure 1-14 : Principales unités géologiques de la ceinture orogénique centre asiatique (CAOB), modifiée d'après Guy et al. (2014). L’insert présente la localisation de la Mongolie au sein de la CAOB, cernée par les cratons. Le cadre rouge montre la zone d’étude. PR : Protérozoïque ; S : Silurien ; C : Carbonifère ; P : Permien ; T : Trias, J : Jurassique. GTFS : Gobi Tien Shan Fault System ; EGFZ : Eastern Gobi Fault Zone.

La géologie régionale du Gobi-Altaï est caractérisée par un microcontinent d’origine néo-protérozoïque, constituant aujourd’hui les parties sud et ouest du dôme de Hangay ; microcontinent qui s’est distendu au Silurien et Dévonien pour laisser place au domaine océanique trans-Altaï (Lehmann et al., 2010; Guy et al., 2014). Dès le Carbonifère, des mouvements de convergence E-O aboutissent à la formation d’arcs insulaires et à la

fermeture de ce domaine océanique. Par la suite, toujours au Carbonifère, une rotation antihoraire du système va amener les structures jusqu’à l’orientation E-O qu’elles connaissent aujourd’hui (Șengör et al., 1993). La période Permien-Jurassique est caractérisée par une convergence N-S affectant toute la CAOB, et entraînant un fort épaississement crustal, avec la mise en place des plutons granitiques (Blight et al., 2010; Kozlovsky et al., 2015; Hanžl et al., 2017). La poursuite unidirectionnelle de cette orogène aboutie à un raccourcissement hétérogène du domaine orogénique, avec une accrétion avant-arc, vraisemblablement du nord au sud, d’arcs insulaires, d’ophiolites et de prismes d’accrétion, incluant le microcontinent Néo-Protérozoïque (Xiao et al., 2004). Les formations paléozoïques sédimentaires et volcaniques constituent la moitié sud du Gobi-Ataï, dans les Gichigniy Nuruu, alors que les unités d’arc insulaires et de complexes ophiolitiques se localisent le long du MML (Kozlovsky et al., 2015; Hanžl et al., 2017) (Figure 1-15).

Figure 1-15 : Carte géologique simplifiée du Gobi-Altaï (modifiée d'après la carte géologique du MPR au 1 : 2 500 000, 1989) d'après Kozolovsky et al. (2015). Les indications abrégées indiquent les unités magmatiques anorogéniques.

De même, les granites Paléozoïques affleurent actuellement à l’est du massif de Baga Bogd, à l’est de la faille de la Vallée des lacs, autour de la ville de Chandmani et au sud de la faille de Tsagaan Gol (Figure 1-1 et Figure 1-15). Plus particulièrement, les granites triasiques se concentrent au niveau du MML, le long d’une ceinture de

magmatisme anorogénique constituant la moitié nord du Gobi-Altaï (Kozlovsky et al., 2015), et sont actuellement en contact systématique avec les failles de Bogd et de la Vallée des lacs (Figure 1-15).

L’évolution jurassique de ces « terranes », (aussi nommées Altaïdes sud), est caractérisée par des plissements E-O, des surrections et exhumations de plus de 2 km (Vassallo et al., 2007), ainsi que par la réactivation en décrochements transpressifs d’anciennes frontières du domaine océanique (Lehmann et al., 2010). A partir de mesures de décalages de bassin sédimentaires et de plutons, Heumann et al., (2014) estiment que la zone de faille Est-Gobi (EGFZ, Eastern Gobi Fault Zone), structure crustale majeure orientée NE-SO et située directement à l’est et au droit du Gobi-Altaï (Figure 1-14), a enregistré 150 à 200 km de décrochement senestre au cours du Trias, accommodant une extrusion continentale associée à la collision N-S des blocs Chine du sud et du nord. Cette même période est également caractérisée par l’ouverture de bassins selon une extension N-S dans le Gobi-Altaï avec des dépôts basaltiques atteignant une épaisseur de 1500m dans la région du massif d’Ih Bogd (van Hinsbergen et al., 2015).

La croissance latérale des Altaïds sud représente un apport massif de matériaux juvéniles à la croûte Paléozoïque (Șengör et al., 1993), dans lesquels la tectonique néogène va se localiser, ou se distribuer. La zone du Gobi-Altaï est ainsi située dans la partie souple (‘Soft core’) de l’Asie centrale, région qui sera un terrain préférentiel pour l’expression de la déformation néogène réactivant, dans le cadre de la collision Inde-Eurasie, ces structures crustales héritées de phénomène d’accrétions plus anciens (Windley et al., 1990; Cunningham, 2013;). Enfin l’absence de lithosphère cratonique rigide s’ajoute à l’histoire structurale complexe, pour faire de la région du Gobi-Altaï une zone tendre de la croûte continentale, pré-conditionnant la localisation et la cinématique de la réactivation néogène. Au premier ordre, le schéma structural de la région était ainsi déjà établi il y a 200 Ma (Badarch et al., 2002; Cunningham, 2013).

Le Crétacé marque l’arrêt des subductions dans la CAOB, et s’accompagne d’un phase de distension très étendue, caractérisée par un rifting diffus, dont l’architecture demeure peu documentée (Cunningham et al., 2009, 2013; van Hinsbergen et al., 2015).

Une brève période de transpression senestre survient au crétacé intermédiaire et supérieur, réactivant les rifts jurassique-crétacé dans la région du Gobi-Altaï (Graham et al., 2001; Johnson et al., 2004; Cunningham, 2013). On retrouve l’une de ces structures au sud-est de Ih Bogd (Figure 1-16), dans un bassin en demi-graben à vergence nord associé au système de faille de Bogd (van Hinsbergen et al., 2015). Il est à noter que,

bien que la géométrie en profondeur de ces failles ne soit pas contrainte (Figure 1-16), les auteurs insistent sur l’importance de prendre en compte l’architecture de ce rifting dans la compréhension de la réactivation néogène de ces structures, et dans le développement néotectonique du Gobi-Altaï (Cunningham et al., 2009, 2013; van Hinsbergen et al., 2015).

Figure 1-16 : (a) Carte géologique de la partie est de Ih Bogd, modifiée d’après Zabotkin (1988) et van Hinsbergen et al. (2014). EBF : Eastern Bogd Fault, rupture de surface de 1957. (b) Interprétation de l'évolution tectonique dans la zone au sud de Zadgay Sayhr, ici nommée Dulaan Bogd Pass, d'après van Hinsbergen et al. (2014). La localisation du profil est N-S au centre du rectangle noir en (a). Noter la faible contrainte sur la géométrie des failles en profondeur, et la supposée absence de zone de faille, à la position de l’actuelle faille de Bogd Est.

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