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Chapitre 2. Approches, matériels et méthodes

I. Approche morphotectonique: Caractérisation d’une rupture de surface surface

I.3. Analyse de la distribution spatiale du glissement

I.3.2. Mesures de décalages

I.3.2.1. Nature des marqueurs morphotectoniques

Les marqueurs géomorphologiques utilisés dans cette étude sont essentiellement des figures de dépôt ou d’érosion d’origine hydrologiques, de préférence faiblement soumis aux phénomènes d’érosion. On utilisera par exemple des talus de terrasses alluviales, des chenaux incisés dans des surfaces colluvionnaires de type cônes alluviaux, ainsi que les différents éléments des talwegs : lignes de crêtes, talus et chenaux actifs. Afin d’optimiser les incertitudes dans la quantification du décalage au niveau d’une rupture de surface, les marqueurs doivent être de préférence linéaires et orientés le plus perpendiculairement possible à la direction de la rupture (Yeats et al., 1997; Salisbury et al., 2015). La dynamique sédimentaire locale (e.g. taille et activité des drains, régimes fluviatiles, affluents…), l’érosion (e.g. sapement de talus, diffusion, mouvements gravitaires...), ainsi que les déformations directement associées à la faille (Figure 2-3) doivent être systématiquement analysées avant interprétation des déplacements et échantillonnages en vue de datation.

Figure 2-3 : Exemple de déformations le long des failles décrochantes (d'après Costa et Baker, 1981).

La mesure de déplacement est obtenue soit en interprétant des piercing lines par projection de linéations de marqueurs sur quelques dizaines de mètres de part et d’autre de la faille, soit en mesurant des profils topographiques longitudinaux à la faille. Dans tous les cas, l’objectif est de déterminer l’amplitude et la direction du vecteur glissement d’après ses composantes horizontales et verticales (Figure 2-4).

Les réseaux de drainage constituent l’essentiel des marqueurs analysés dans ce travail, principalement de par leur abondance et leurs aspects linéaires. On distingue par exemples les chenaux actifs, les chenaux abandonnées, les axes de talwegs ou encore les rides les délimitant. Bien que de moindre ampleur que les mouvements horizontaux, les failles décrochantes sont souvent associées à des mouvements verticaux, entraînant heureusement un drainage à fort angle par rapports à l’axe de la faille. Les différents marqueurs sont systématiquement décalés latéralement par la faille au cours d’un séisme, et leur analyse les uns au regard des autres permet de contraindre l’orientation et l’amplitude du vecteur glissement (Figure 2-4). Il convient également de prêter une attention particulière à l’angle décrit par le drainage par rapport à la faille ainsi qu’à la pente locale, cette dernière influençant le décalage par phénomène de déflexion des drains.

Figure 2-4 : Bloc diagramme schématique d'un décalage produit par une faille décrochante senestre sur deux talwegs (d’après Peltzer et al., 1988). Le vecteur glissement (encart A) est déterminé en fonction des composantes verticales et horizontales du glissement. Noter l’importance des décalages verticaux apparents (zones grisées). Une bonne estimation du décalage doit dans ce cas être réalisée à l’aide de profils topographiques longitudinaux.

Les terrasses alluviales sont créées par l’incision du chenal actif d’une rivière consécutif à un abaissement du niveau de base, généralement induit par des variations climatiques (e.g. stades glaciaires). Parfois, lorsque des terrasses sont situées au niveau d’une rupture de surface, la croissance verticale des escarpements de faille entraine également l’incision voire le basculement de ces surfaces. Quoi qu’il en soit, la nature tabulaire et étagée de ces formations offre de grandes opportunités d’enregistrement de la déformation lorsqu’elles sont affectées par des ruptures de surface. Les talus de ces terrasses présentent d’une part fréquemment des morphologies linéaires, aisément identifiables, et d’autre part l’étagement de ces terrasses permet d’intégrer la déformation cumulée sur plusieurs cycles sismiques. Ainsi, certains sites permettent de rendre compte de la déformation cumulée, qui corrélée à l’âge d’abandon de cette surface, permet de quantifier la vitesse de la faille au niveau du site à différentes échelles temporelles (104 à 105 a). Il est à noter néanmoins que l’analyse et l’interprétation de l’effet de l’érosion et de l’évolution de ces talus (préservation) est indispensable pour quantifier les décalages et en tirer des conséquences sur les vitesses de glissement.

Les cônes alluviaux se mettent en place dans des zones de pertes de charge, souvent

à l’exutoire de drains encaissés dans les reliefs, et s’étendent, dans le contexte aride du Gobi-Altaï, jusqu’au centre des dépressions endoréiques bordant les massifs. De par leur localisation et leur aspect imposant, les cônes de déjection constituent des

marqueurs pérennes de la déformation. Bien que les mesures de décalages présentent des incertitudes importantes du fait de leur morphologie grossière et des régimes d’écoulements radiaux, leur maintien dans le paysage permet de dater des décalages cumulés importants. De plus, leur structuration en ‘bar and swales’, et les reprises d’incision qui se développent sur leur surface constituent autant de marqueurs de moindre échelle qui permettent de mieux contraindre leur évolution. Les mesures de déplacements latéraux sont extraites de piercing lines dérivées soit directement des principaux drains affectant la surface du cône, soit par l’intégration des éléments radiaux, afin de localiser l’apex du cône. Ces repères sont ensuite alignés sur l’exutoire des talwegs d’où proviennent les matériaux composant le cône. Enfin, la succession de la mise en place des cônes alluviaux à l’exutoire d’un drain majeur, permet, au même titre qu’avec les terrasses alluviales, d’effectuer des mesures de vitesses de glissement à différentes échelles de temps. Dans l’exemple ci-dessous (Figure 2-5), Ritz et al. (1995), ont ainsi déterminé la vitesse de glissement long terme de la fille de Bogd Est à 1,2 mm.a-1 depuis le pléistocène-supérieur.

Figure 2-5 : Reconstitution de l'histoire de dépôt et d'érosion d'un cône alluvial le long de la faille de Bogd Est (d'après Ritz et al., 1995). A : Actuel. B : Reconstruction pour 110 m de déplacement sénestre. C : Reconstruction pour 223 m de déplacement sénestre. Les lignes continues U0, U1 et U2 désignent les axes des chenaux principaux en amont de la faille ; D1 et D2 sont les axes des chenaux principaux en aval de la faille. Les lignes pointillées indiquent des vallées de moindre ampleur. Les ombrages représentent l’âge relatif des surfaces de dépôts (S2, S1 et S0) ; les couleurs plus claires correspondent aux surfaces les plus vieilles. Seules les reliques encore présentes des cônes alluviaux S1 et S2 sont présentées dans B et C.

I.3.2.2. Méthode de mesure de décalages

La principale méthode de mesure de décalage utilisée dans cette étude consiste à retrouver la configuration du marqueur morphotectonique considéré, avant le décalage causé par la rupture sismique, par l’identification de piercing lines ou de profils topographiques, respectivement orthogonaux et parallèles à la faille.

Plusieurs supports visuels sont utilisés pour la localisation des piercing lines. Les supports de base sont les orthophotos et les MNT, mais un traitement de ces derniers selon des outils d’analyses spatiales SIG permet de mettre en exergue les éléments de la morphologie particulièrement intéressants pour les mesures d’offset, comme les ruptures de pente ou les axes de chenaux et talwegs. Sont par exemple utilisées les cartes de pentes, d’orientations de pentes ou de dérivés de pente (Figure 2-6).

Figure 2-6 : Illustration des données utilisées pour les mesure des décalages, site de Biger Terraces, rive gauche (ouest), dérivées par traitement photogrammétrique de photographies aériennes acquises par drone. A. Ombrage sur MNT (20 cm de résolution) et courbes de niveau (isoplèthes à 50 cm) ; B. Ombrage sur MNT avec palette de couleur correspondant aux altitudes ; C. Orthophotographie (10 cm de résolution) ; D. Niveaux de gris associés aux pentes (noir pour pentes fortes, blanc pour zones tabulaires) ; E. Carte d’exposition des pentes en palette de couleur : rouge vers le sud, jaune vers l’ouest, vert vers le nord et bleu vers l’est ; F. Courbes de même courbure de pente (slope curvature). Le trait rouge indique la faille de la Vallée des Lacs (VOLF) et les traits orange les piercing lines associées au sommet du talus de la terrasse principale.

Dans ce travail, le choix a été fait d’effectuer l’alignement du marqueur manuellement en 3 temps : tout d’abord une mesure dite préférentielle, puis des mesures dites maximale et minimale en explorant les positions ‘extrêmes’ cohérentes avec l’alignement des

ordre de quantifier l’incertitude associée à chaque mesure. Il est à noter qu’un marqueur morphotectonique peut enregistrer des incréments successifs de glissements, en fonction du nombre de séismes l’ayant affecté et de sa conservation dans le paysage, et que cette méthode de mesure ne tient pas a priori compte de la nature simple ou multiple d’un déplacement. Un traitement statistique pourra à cette fin être appliqué, comme détaillé dans le Chapitre 3.

Certains marqueurs, comme les surfaces, ne présentent pas systématiquement de

piercing lines. Dans ce cas, un alignement à partir de profils longitudinaux permet de

mesurer les décalages, moyennant la connaissance du vecteur glissement.

I.3.2.3. Qualité des mesures de décalages

La détermination précise des décalages sur le terrain ou par télédétection n’est pas une tache triviale, d’une part parce que la configuration exacte du marqueur avant la mesure n’est pas connue, et d’autre part parce que les modifications du marqueur après décalage ne sont ni connues ni contraintes. De plus, la capacité et la fiabilité de la mesure sont partiellement dépendantes de l’utilisateur (e.g. Salisbury et al., 2015). Il est par conséquent nécessaire de renseigner, pour chaque mesure de décalage, la qualité de la mesure, elle-même dépendante de facteurs morphologiques (e.g. géométrie et préservation du marqueur), morphotectoniques (e.g. géométrie, cinématique et distribution de la déformation) et purement techniques (i.e. nature et résolution des données spatiales, présence d’artefacts).

Ces informations peuvent par la suite être utilisées afin de sélectionner ou de pondérer les mesures, notamment en vue de la détermination de la distribution spatiale du glissement associée à des évènements successifs, et de leur éventuelle modélisation (Chapitre 3).

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