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0.2 Plan

1.1.1 Pré-requis

Le premier théorème de Noether fournit une correspondance univoque entre symé-tries continues globales et lois de conservation. Lorsqu’on parle de lois de conservation, on pense souvent à la conservation de l’énergie au cours du temps. L’invariance d’une théorie par translation dans l’espace implique que la quantité de mouvement (ou impulsion) est conservée et que la position spatiale n’est pas absolue. L’invariance par rotation dans l’es-pace implique que le moment angulaire est conservé et que l’orientation spatiale n’est pas absolue.

Le second théorème de Noether fournit une correspondance entre symétries locales et identités sur les équations du mouvement. A partir de maintenant, quand nous parlerons du « théorème de Noether », nous utiliserons le premier théorème de Noether comme il est

d’usage de le faire en physique.

Nous allons voir comment exprimer les symétries des champs scalaires en terme des variations infinitésimales. Et avant d’énoncer le théorème en question, nous préciserons les différentes symétries (globale/locale, discrète/continue, finie/infinitésimale, interne/d’es-pace-temps, de spin élevé etc.) ainsi que les transformations géométrique/cinématique/d’or-dre élevé et les représentations “vraie”/projective/“multiplier”.

1.1.1.1 Formalisme lagrangien du champ scalaire : le lagrangien de Klein-Gordon

Le champ scalaire

Pour introduire les notations et la terminologie, nous allons consacrer un paragraphe au formalisme lagrangien du champ scalaire. Le champ scalaire (autrement dit une fonction des coordonnées d’espace-temps1) φ(x) décrit des particules de masse m de spin nul et modélise ici la matière2. Il possède un nombre infini de degrés de liberté. De plus, s’il est complexe, il représente une particule chargée. (Si le champ scalaire était réel, il n’y aurait pas de distinction de charge entre particules et anti-particules.) Lorsqu’il est libre, le champ (et l’action du champ) possède un nombre infini de symétries.

Le lagrangien peut dépendre du champ, de ses dérivées et des coordonnées d’espace-temps mais nous considérerons ici qu’il ne dépend pas explicitement de ces dernières pour préserver la symétrie sous les translations :L = L(φ, ∂µφ, ∂µνφ, ...). L’évolution du champ scalaire est représentée par le lagrangien de Klein-Gordon :

LKG(φ, ∂µφ) = −1

2|∂µφ|2m 2

2 |φ|2 (1.1)

où |φ|2 = φ(x) φ(x) est le module au carré du champ scalaire complexe φ(x). Sa propagation est décrite par l’équation d’Euler-Lagrange :

µ  ∂LKG ∂(∂µφ)  − LKG ∂φ = 0

appelée, dans ce cas, équation de Klein-Gordon (1926) :

(n − m2) φ = 0 (1.2)

où n = ηµνµν est l’opérateur d’Alembertien (on dit aussi opérateur d’onde) et on utilise la convention− + · · · + pour la signature de la métrique plate de Minkowski.

Si une équation est vérifiée seulement lorque les équations du mouvement sont satisfaites (c’est-à-dire que la condition de couche de massep2 = m2 est vérifiée), on note cela par une égalité faible symbolisée par≈ à la place de l’égalité stricte =. Les indices minuscules (grecs

1. On écrira l’argument du champ scalaire seulement lorsqu’il y aura une ambiguïté. 2. En réalité, la matière usuelle est représentée par des champs spinoriels.

et latins) prennent les valeurs de 0 à n− 1. Afin de simplifier au maximum les formules, nous nous servirons régulièrement de la notation suivanteφ←→

µφ = φ ∂µφ − ∂µφ φ.

1.1.1.2 Variations finies et infinitésimales Des coordonnées

Une transformation finie des coordonnées d’espace-temps s’exprime par :

xµ → x = fµ(xν) (1.3)

où f est une fonction. Par la suite, nous utiliserons x pour désigner les composantes xµ. Une transformation infinitésimale et proche de l’identité est de la forme :

xµ → x = xµ + ζµ(x) (1.4)

où ζµ(x) est le paramètre infinitésimal (ou d’ordre 1) de la transformation. La variation infinitésimale des coordonnées d’espace-temps peut ainsi être définie par :

δζxµ := x − xµ = ζµ(x) . (1.5)

Lorsque le paramètre de la transformationζµne dépend pas des coordonnéesx c’est-à-dire que la même transformation est effectuée en tous les points de l’espace-temps, ce type de symétrie est qualifiée de rigide, on dit aussi globale.

Il arrive parfois qu’une théorie admette une symétrie bien plus grande et autorise à effectuer des transformations différentes en chaque point de l’espace-temps. Lorsque ce phénomène se produit, la symétrie est dite de jauge, ou encore locale. Les symétries de jauge jouent un rôle essentiel dans le “modèle standard” et les tentatives actuelles d’unification des différents types d’interactions.

L’électromagnétisme est une théorie de jauge. En effet, les équations de Maxwell sont inchangées lorsque le potentiel électrique V est modifié par la dérivée par rapport au temps d’une fonction arbitraire V − ∂tf et que simultanément le potentiel vecteur ~A est modifié par le gradient de cette même fonction ~A + ~∇f. Si cette fonction f varie selon le temps et l’espace, alors en chaque point on effectue bien une transformation différente. Pourtant les équations restent inchangées et les conclusions physiques restent les mêmes. L’électromagnétisme est donc un exemple de théorie de jauge.

D’un champ

Appliquons ceci à un champ scalaire. Il est laissé invariant par une transformation “totale” :

φ0(x0) = φ(x)

c’est-à-dire par une transformation du champ combinée à celle d’espace-temps. La variation totale est définie par :

ζφ(x) = φ0(x0)− φ(x) = 0 . (1.6)

La variation du champ seul [79] correspond à un terme de transport :

1.1.1.3 Différents types de symétries

En toute généralité, une symétrie peut toujours être définie de façon mathématique comme une action de groupe sur un ensemble d’objets3. En géométrie, une figure possède une symétrie si elle est laissée invariante par une transformation géométrique. Deux figures géométriques sont congruentes si on peut trouver une relation d’équivalence entre les deux. Par exemple, les isométries sont des symétries conservant les produits scalaires (et donc les angles et les distances). La symétrie en physique englobe une notion plus générale qu’en géométrie classique : c’est une transformation (pas forcément géométrique) qui laisse la forme des lois de la nature (par exemple l’intégrale d’action) invariante. Toute notion de symétrie est fondée sur une hypothèse selon laquelle certaines grandeurs ne sont pas indépendantes de l’observateur.

Les principes d’invariance jouent un rôle crucial dans la recherche des lois régissant des phénomènes nouvellement découverts puisqu’ils en restreignent sévèrement le cadre, voire les suggèrent. D’autres types de charges (que la charge électrique) ont été découvertes dans le monde des particules (leptoniques, baryoniques, etc.), qui obéissent aussi à des lois de conservation strictes. Le théorème de Noether peut s’appliquer à l’envers et permet de relier ces lois de conservation à des principes de symétrie.

Symétrie globale/locale

Les symétries globales et locales ont été définies au paragraphe précédent.

Symétrie discrète/continue

Une symétrie est dite discrète lorsque l’ensemble des transformations correspondantes constitue un groupe discret. Il existe des symétries de conjugaison de charge, de parité et d’inversion du temps qui permettent d’exprimer le théorème CPT affirmant que toute théorie quantique relativiste doit être invariante sous le produit de ces trois symétries.

De façon intuitive, une symétrie est continue lorsque les paramètres qui la déterminent varient de façon continue. C’est seulement dans ce cas que l’on peut parler de variations infinitésimales. De manière précise, une symétrie est dite continue lorsque l’ensemble des transformations correspondantes constitue un groupe infini (c’est-à-dire un ensemble avec un nombre infini d’éléments et une structure de groupe) : un groupe de Lie [80].

Les transformations rigides correspondent à un groupe de Lie de dimension finie au sens où il y a un nombre fini de paramètres, tandis que les symétries locales correspondent à un groupe de Lie de dimension infinie car il faut se donner des fonctions arbitraires des coordonnées de l’espace-temps.

Symétrie finie/infinitésimale

Les symétries finies et infinitésimales ont été définies au paragraphe précédent.

Groupe de symétrie abélien/non abélien

3. Le programme d’Erlangen est un programme de recherche mathématique publié par le mathématicien allemand Felix Klein en 1872 qui a pour clef de voûte, de fonder la géométrie sur les notions d’action de groupe et d’invariant.

Si deux transformations sont appliquées successivement et si le résultat ne dépend pas de leur ordre, ces transformations commutent et le groupe de symétrie est abélien. C’est le cas des translations d’espace mais pas celui des rotations (sauf dans R2). Inversement, si deux transformations successives ne commutent pas, le groupe de symétrie est dit non abélien.

Symétrie interne/d’espace-temps

Une symétrie interne (ou non géométrique) est une transformation d’un champ qui n’affecte pas le système de coordonnées d’espace-temps, tout en changeant les variables dynamiques du problème étudié. On peut donc remarquer que les symétries internes et les symétries d’espace-temps commutent. Une symétrie interne fait intervenir des degrés de liberté internes, et n’a pas d’interprétation géométrique (au sens où c’est défini ci-dessous). La symétrie sous les tranformations de phase en est le plus simple exemple. La transformation interne globale finie d’un champ scalaire est de la forme :

φ → φ0 = e−iαφ (1.8)

où le paramètre α est fini. La variation du champ par la transformation interne globale mais infinitésimale est de la forme :

δζφ = − i ζ φ (1.9)

où le paramètreζ est infinitésimal. Elle est représentée par le groupe unitaire à une dimen-sionU (1).

Les transformations infinitésimales d’espace-temps sur les coordonnées (ou géométriques) comportent les translations (infinitésimales) :

δζφ = − ζµµφ (1.10)

dont le groupe est Rn, et les transformations de Lorentz, dont le groupe est SO(n− 1, 1) (groupe unimodulaire et pseudo-orthogonal àn dimensions, de la forme SO(p, m) où p est le nombre de plus etm le nombre de moins de la signature) :

δΛφ = − Λµνxνµφ (1.11)

où la matriceΛµν appartient au groupeSO(n− 1, 1).

Cet ensemble (1.10) et (1.11) forme le groupe de Poincaré ou groupe de Lorentz inhomogène noté ISO(n− 1, 1). On peut écrire la transformation (1.10) en utilisant les opérateurs quantiques notés avecˆ:

δζφ = − i ζµµφ (1.12)

oùpˆµ = − i ∂µ est l’opérateur impulsion.

La transformation conforme [81] préserve les angles : cela regroupe les transformations de Poincaré, la transformation d’échelle (non relativiste) : t → λzt et xi → λ xi où z est appelé l’exposant dynamique (incluant les dilatations (relativistes) : xµ → λ xµ) et

les transformations conformes spéciales, dont le groupe de transformations est isomorphe à SO(n, 2) pour n > 2. Elle est la propriété que possèdent certains systèmes de paraître semblables à eux-mêmes en changeant l’échelle d’observation. En physique statistique, on observe une grande classe de tels systèmes au cours d’une transition de phase.

Si la théorie possède l’invariance par reparamétrisation de l’espace-temps (ou difféo-morphismes), alors il existe une symétrie d’espace-temps locale encore appelée covariance générale comme en relativité générale.

Symétrie supérieure (ou de spin élevé)

Pour les théories de champs de spin élevé, il convient de considérer une généralisation des transformations d’espace-temps faisant intervenir des dérivées supérieures. Par exemple, comme l’ont fait Berends, Burgers et Van Dam [82], l’écriture (1.12) permet de généraliser la transformation (1.10) en considérant des puissances supérieures des impulsions p :ˆ

δζφ = − i ζµ1...µrµ1...ˆpµrφ = (− i)r + 1ζµ1...µrµ1... ∂µrφ (1.13) oùζµ1...µr est un tenseur contravariant symétrique de rang r. Ces transformations infinité-simales sont parfois appelées “hypertranslations”. Elles ne sont en général pas des symétries rigides d’un champ de matière en interaction. En revanche, par exemple, si φ est solution de l’équation de Klein-Gordon alorsφ + δζφ l’est aussi puisque

(n − m2) δζφ = − i ζµ1...µrµ1...ˆpµr(n − m2) φ ≈ 0 .

Il s’avère que les hypertranslations sont même des symétries de l’action de Klein-Gordon. Pour calculer la variation de l’actionδζS, on réalise une succession d’intégrations par parties et seuls des termes au bord restent,p étant un opérateur hermitien. Cette transformationˆ est donc bien une symétrie du lagrangien de Klein-Gordon (1.1) mais, en général, elle ne sera plus symétrie du lagrangien d’interactions. Ce type de symétries faisant intervenir des dérivées supérieures est appelée symétrie supérieure (ou de spin élevé).

Transformation géométrique/cinématique/d’ordre élevé

Par définition, les transformations géométriques infinitésimales sont générées par des opé-rateurs linéaires en les dérivées (cf. équations (1.10) et (1.11)) alors que les transforma-tions cinématiques sont générées par des opérateurs différentiels d’ordre un (linéaires et constants en les dérivées) comme par exemple le générateur des boosts galiléens ˆKi (cf. équation (8.10)). On vient de voir qu’il existe également des transformations d’ordre élevé qui sont générées par des opérateurs différentiels d’ordre élevé (cf. (1.13)).

Représentation “vraie”/projective/“multiplier”

Une représentation projective (c’est-à-dire à une phase près) d’un groupe (par exemple celui de Galilée) peut être équivalente à une “vraie” représentation (ou mieux, un représentation “tout court”) d’un groupe plus grand (celui de Bargmann, cf. équation (8.4)). On trouve également des représentations appelées en anglais “multiplier” qui sont elles à un facteur près (plus général qu’une phase, c’est le cas des transformations d’échelle du groupe de Schrödinger).

1.1.1.4 Représentation unitaire irréductible

Une particule élémentaire (libre) est identifiée à une représentation unitaire irréductible (UIR) du groupe d’isométrie de l’espace-temps de fond (supposé stationnaire) autrement dit le groupe de Poincaré pour l’espace-temps de Minkowski.

Toute UIR du groupe de Poincaré est induite par une représentation du petit groupe. En relativité, on appelle petit groupe, le sous-groupe des transformations de Lorentz Λαβ dont les éléments laissent invariant une quadri-impulsion pα donnée, autrement dit qui préserve le quadrivecteur moment.

Le cas simple est le cas massif. Il existe alors un référentiel lorentzien dans lequel cette particule est au repos. Dans ce cas le petit groupe est le groupe des rotations spatiales et est caractérisé par le spin. Il est représenté par un tenseur complètement symétrique de trace nulle.

Dans le cas d’une particule de masse nulle au repospα= 0, le petit groupe est le groupe de Lorentz homogène Dans le cas d’une particule de masse nulle se déplaçant à la vitesse de la lumière, le petit groupe est le groupe des rotations et translations du plan euclidien. En dimension d’espace-temps n = 4, un réel non négatif (le carré de la masse) et un nombre naturel (le double du spin ou de l’hélicité) suffisent à caractériser toutes les re-présentations à nombre fini de composantes. Cependant, ceci n’est plus vrai en dimension supérieure quelconque car le petit groupe (court, dans le cas de masse nulle) est en général un groupe spécial orthogonal dont la théorie des représentations unitaires est plus riche puisqu’elle inclut les champs à symétrie mixte. Par abus de language, pour les représenta-tions à nombre fini de composantes il est d’usage d’appeler “spin” le nombre de colonnes du diagramme de Young caractérisant la représentation (de dimension finie par hypothèse) du petit groupe (court). Bargmann et Wigner furent en réalité concernés dans [14] uniquement par les représentations unitaires irréductibles du groupe de Poincaré à quatre dimensions d’espace-temps. Dans ce cas, tous les bosons peuvent donc être représentés par des champs complètement symétriques.

Par convention, une particule de spin élevé entier sera, ici, toujours représentée par un tenseur complètement symétrique.

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