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Du savoir-faire au devoir-faire

3.3 Le ‘‘vous’’ du pouvoir

Observons les deux phrases suivantes : Vous êtes aujourd’hui au sommet d’un régime

politique dont la mise en place n’est pas de votre seule responsabilité. C’est un régime à l’édification duquel a participé quiconque a assumé une part de responsabilité publique depuis l’Indépendance, que ce soit par son opinion, son travail ou son silence. Mais aujourd’hui, de par votre position, vous assumez, et avec vous tous ceux qui participent à la prise de décision, une grande responsabilité dans la prolongation de la vie de ce régime qui… Notre lecture du champ

lexical qui suit le ‘‘vous’’ -‘‘au sommet’’, ‘‘position’’, ‘‘assumer’’, ‘‘participer’’, ‘‘prise de

décision’’ donne un déchiffrage particulier. Par l’ordre de ce lexique, nous constatons le message

à faire passer. Il voudrait l’appeler : monsieur le président (vous), vous êtes au pouvoir (au

sommet) et de par votre poste (position) constitutionnellement reconnue (assumer), vous devez

être acteur de changement (participer) en s’inspirant par ce que dicte la constitution par vote ou décision (prise de décision). Après ‘‘Votre’’ il active les adjectifs possessifs singuliers suivi de

responsabilité et de position, deux qualités ou particularités d’un homme fort au pouvoir.

L’enjeu dans son discours propose les conditions de décollage d’un pays. Il souligne qu’il est temps d’entendre et de mettre à jour les mécanismes de changement. Le locuteur active son savoir-faire pour accéder au devoir-faire. Il sillonne un raisonnement logique qui se répartit en deux axes : l’un est éthique qui propose la finalité d’une action : ‘‘J’ai privilégié cette voie

ouverte pour m’adresser à vous car vous occupez une position principale et prioritaire. Néanmoins, vous n’êtes par le seul concerné par le contenu de la lettre, ni la seule partie appelée à traiter des questions qu’elle soulève.’’ Le locuteur n’accuse pas mais il active un paramètre d’observation participante et constitutionnelle. Le devoir d’agir, constate Charaudeau, est une obligation morale. L’autre est axe pragmatique qui implique le raisonnement de cause à effet : une action conduit automatiquement au résultat d’une action : ‘‘Les événements, qui

surviennent continuellement chez nous et qui adviennent autour de nous depuis des mois, évoquent ceux que le pays a vécus en octobre 1988 et des faits graves qui en ont découlé, de crise et de drames dont le peuple continue encore à avaler certaines des plus amères potions.’’.

Ce raisonnement sert à mettre son frère devant une décision pragmatique. C’est au nom des principes du premier novembre 1954 et de la constitution qu’il doit agir ainsi. C’est aussi un moyen de le placer devant ses responsabilités étant donné qu’il est le premier magistrat. Il lui dit implicitement qu’il en est capable et que ce n’est pas la première puisqu’il a fait preuve de ses décisions difficiles et courageuses lors de la réconciliation nationale. Le locuteur puise dans le passé et dans ses réalisations précédentes. L’orateur le voit donc le sauveur, voire l’homme de la situation comme on dit le discours politique.

Le locuteur active son savoir partager des valeurs avec son compatriote (homme politique) tout en reposant sur les liens de fraternité et des principes. Comment y parvenir en sachant que l’Algérien vit dans une société aux multiples valeurs ? Face à cette pluralité, le locuteur opte pour des valeurs circonstancielles dominantes relatives à l’événement du printemps arabe par exemple. Il propose une redéfinition des valeurs. Il fait recours à l’histoire et dans le passé commun : frère de combat, serment du 1er novembre. Au lieu de mettre l’autre sur le banc des accusés ou le placer comme clan, qui dit clan dit opposition ou camp aux points de vue opposés, le dialogue a lieu d’être. Le recours aussi au passé des peuples et des hommes est un passage obligé. Focalisons-nous maintenant aux séquences relatives aux arguments appelés pour une telle connexion. La force d’un discours consiste dans la banque d’arguments de preuves. Nous citons le présupposé d’évidence : c’est donner une dose de force à l’argument partagé. L’argument est devenu une obligation morale : et sa vraie couleur qui ne change pas malgré le changement

d’hommes. Ces arguments renvoient au pathos d’engagement durant la campagne électorale et

par le pathos d’autorité : légitimité, crédibilité. L’autorité renvoie à son appartenance au FLN, ancien combattant, à l’appui total du peuple et il est élu président. Ajoutons à cela l’éthos de dramatisation ‘‘Cette lecture erronée de la part de plusieurs parties - avec des intentions

sournoises de la part de certaines autres parties - a empêché, fort regrettablement, que les véritables enseignements soient tirés des événements d’octobre 1988.’’. Évidemment le locuteur est une autorité qui s’adresse à une autorité et à un compatriote avec lequel il a passé son combat pour l’indépendance et pour d’édification d’un pays solide. La crédibilité s’affiche dans sa détermination de la source du mal d’une façon déterminée et notamment de son courage face aux personnalités historiques qui gardent le silence et aussi aux partis qui scandent lors de leurs campagnes électorales leur soutien indéfectible au programme de M le président au lieu de proposer un ‘‘La crise, dont les effets continuent à marquer la scène politique, est la somme

d’erreurs commises aussi bien par des mouvements islamiques que par les autorités de l’Etat dans leur traitement. Il est impossible de résoudre la crise en traitant la moitié de celle-ci et en occultant l’autre moitié’’. Le locuteur est crédible dans sa lecture réelle par la comparaison de la

réalité à un autre événement politique que le pays a connu: Les événements, qui surviennent

continuellement chez nous et qui adviennent autour de nous depuis des mois, évoquent ceux que le pays a vécus en octobre 1988 et des faits graves qui en ont découlé, de crise et de drames dont le peuple continue encore à avaler certaines des plus amères potions. Sa crédibilité est

observable dans une langue non pas de bois mais une langue que comprennent deux politiciens. En effet, nous notons dans une étude paraxématique l’emploi des mots de façon absolue : les uns

syntagmes figés (nom plus adjectif) : changement pacifique, lecture erronée. Son auditoire sait de quoi il s’agit. Le paramètre tautologique est une redondance destinée à produire un effet de relation logique. Nous avons soulevé par ordre de réapparition par couples des mots. Nous citons

Exclusion et la marginalisation puis la marginalisation et exclusion pour arriver à violence et exclusion. Par le réemploi de Exclusion et la marginalisation à deux reprises, il voulait nous dire

qu’ils sont synonymes. Cette redondance mène à une conclusion indiscutable : des deux engendrent la violence. C’est pourquoi les phrases exclamatives suggèrent une relecture, rappel, révision et un réaménagement politique ‘‘L’aspect le plus incongru de cette lecture et de cette

analyse est qu’il renvoie à l’image d’un médecin qui attendrait de ses malades la prescription d’un remède !’’ Sa légitimité est visible. De par son poste et son histoire il est l’artisan du

changement dicté par le retour aux principes et les enseignes du 1er novembre et de la constitution. L’ère de Big Brother est révolue. La politique est une affaires des politiciens, c’est aussi l’affaire des associations, de la société civile, des intellectuels…

Notre lecture de la notion de changement émise par un homme politique et adressée à un politicien au pouvoir s’est répartie en deux étapes. L’article comprend une photo et un texte qui se complètent et s’associent pour traduire l’appel. Dans un premiers temps, nous avons établi une lecture sémiologique de la photo illustrant l’article, une lecture en connexion directe avec la notion de changement et évidemment le contenu de la lettre. Nous nous sommes focalisé sur l’étude des couleurs noire et blanche, sur l’acte de téléphoner et sur le portrait physique. Dans le deuxième temps, le locuteur traduit la photo en écrit. Il se concentre sur les paramètres des réformes graduelles, la mise en place d’une carte de route qui suggèrent un aménagement politique, acte de consolidation qui mènent une certaine purge loin de la grogne politique de l’étiquette faite à la génération politique de la révolution. Nous constatons une subjectivité des propos qui passe par l’actualisation des adverbes d’opinion forte. Après avoir soumis au test les adverbes, nous nous sommes arrivés à la déduction suivante. Le locuteur expose sa vision du changement par rapport à son savoir : expériences, ses écrits, activités politiques, témoignage d’où le recours à l’adverbe d’opinion ‘‘à mon avis’’ et d’autre part, à ses croyances et ses aspirations d’où la mobilisation de ‘‘Pour moi’’.

Après avoir décrit les stratégies discursives mobilisées durant le printemps arabe et l’explication et l’explicitation de la notion de changement chez les acteurs de changement, notamment les intellectuels et enfin les hommes politiques, essayons de décortiquer ce que doit le printemps

l‘expression ‘‘le peuple veut’’ de sa nature première qui est la politique au discours journalistique et artistique.

Chapitre 04

L’expression ‘‘le peuple veut’’, de la