• Aucun résultat trouvé

Les potentiels et les limites d’une gestion territoriale de

Dans le document L'industrie jardinière du territoire (Page 38-43)

La territorialisation croissante des politiques d’emploi et de formation : remède ou symptôme

3. Les potentiels et les limites d’une gestion territoriale de

la difficulté des entreprises à se considérer comme parties prenantes d’actions qui les concernent pourtant au premier chef. L’observation de ces « gouvernances col-laboratives » à petite échelle montrent néanmoins que ces dynamiques peuvent produire des mobilisations collectives efficaces (Mériaux, Verdier, 2006 ; Ver-dier 2008). Il peut s’agir par exemple, au travers d’un projet de groupement d’em-ployeurs, d’assurer la disponibilité d’une main-d'œuvre locale suffisante en nombre et en qualité pour satisfaire des projets de développement territoriaux qui ne soient pas excessivement dépendants d’emplois fragiles car précaires ; il peut s’agir éga-lement, sur un registre plus entrepreneu-rial, de mobiliser les PME adhérentes à un OPCA pour faire monter en compétences les salariés des secteurs porteurs sur un bassin touristique, construire des mobili-tés saisonnières pour stabiliser cette main d’œuvre et ainsi accompagner une straté-gie de « montée en gamme ».

Longtemps considérée comme relevant de démarches expérimentales d’une portée limitée, l’idée de construire localement les ressources humaines et d’organiser la ges-tion de l’emploi à partir des dynamiques territoriales relève aujourd’hui du lieu commun dans la conception des politiques publiques. Avec la crise de 2008-2009, la « gestion territoriale de l’emploi et des compétences « (GTEC) est devenu le mot d’ordre et la bannière sous laquelle se processus de « débordement territorial du

cadrage sectoriel de l’action publique » (Mériaux, 2005) : là où les politiques de l’État tendaient traditionnellement à traiter séparément les enjeux de développement économique et les enjeux de qualifica-tion de la main d’œuvre, les collectivités locales, certaines d’entre-elles en tout cas, ont pu s’essayer à concevoir des réponses plus « intégrées ». Le « passage par le terri-toire » correspond alors à la recherche d’un dépassement de l’organisation des champs administratifs « en tuyaux d’orgues » (l’em-ploi, la formation, l’insertion, le dévelop-pement économique…).

Pour autant, ces tentatives de recomposi-tion à base territoriale apparaissent encore fragiles et instables. Concevant le territoire non pas comme un espace délimité a priori

sur lequel on va projeter des moyens mais comme un « espace de projet » ad hoc, dé-fini par la nature et les objectifs des actions engagées, elles sont souvent difficilement lisibles pour leurs bénéficiaires et génèrent des coûts de transaction importants. Cette nouvelle action publique en construction produit une complexité dans la conduite des politiques qui peut expliquer en partie

Le territoire s’est affirmé dans la

dernière décennie comme un nouvel espace pertinent pour essayer d’opérer la régulation de la relation formation-emploi et du fonctionnement du mar-ché du travail.

35 - Voir la circulaire DGEFP 2011/12 du 1er avril 2011 et les très nombreux guides pratiques, bréviaires et autres vademecum produits sur le sujet…

36 - On se fonde ici sur l’observation de plusieurs dizaines de démarches dites de « GTEC » auxquelles le cabinet Amnyos Consultants a apporté son appui depuis 2008. Ces démarches sont portées aussi bien par des collectivités territoriales, des agences de développement, des acteurs du service publics de l’emploi que par des organisations professionnelles ou des organismes paritaires de la formation continue.

rangent de multiples initiatives, cherchant à mettre en cohérence les pratiques RH des entreprises et des outils d’interventions détenus par une pluralité d’acteurs publics ou paritaires35 (cf. annexe : Les démarches de GPEC territoriale). C’est paradoxale-ment au nom d’une meilleure coordination de l’action collective que tous les acteurs du champ de l’emploi et de la formation – État, collectivités territoriales, réseaux d’acteurs de l’emploi (Maisons de l’Em-ploi, Pôle Emploi), organismes paritaires de la formation – se sont positionnés si-multanément sur « le créneau » de la GTEC (cf. figure 2 en annexe), chacun mettant en avant sa capacité à devenir « l’ensemblier » de ces démarches collaboratives.

L’observation – et la pratique – de ces dé-marches très diverses36 montrent qu’elles entretiennent des rapports au territoire qui n’échappent pas à la tension entre « logique de projection » et « logique de projet » décrite précédemment. Le lien qu’elles prétendent opérer entre les politiques de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) d’entreprise et les politiques publiques – celles-ci pou-vant par exemple aider les reconversions nécessitées par les premières – reste plus fréquemment postulé que réellement opé-rationnel (Mériaux, 2011, Bories-Azeau, Loubès, 2012). Dans leur volonté de mettre en cohérence les problématiques

de développement des entreprises avec la trajectoire socioéconomique du territoire, les stratégies de GTEC doivent concilier des objectifs contradictoires : contre-carrer la propension au « nomadisme » des entre-prises (Colletis et al, 1997) en « fixant » un ensemble de compétences spécifiques (plus les ressources consommées par les entreprises sont dotées de caractéristiques spécifiques, plus il est difficile et coûteux pour une entreprise de redistribuer spa-tialement ses activités de production) ; développer l’employabilité des actifs et sécuriser leurs parcours professionnels en identifiant des compétences qui soient transférables, c’est-à-dire mobilisables d’un emploi à un autre, d’un métier à un autre, voire d’un secteur à un autre.

Si certaines expériences ont été couronnées de succès, la superposition des objectifs à concilier rend en règle générale ces dé-marches complexes et aléatoires (cf. tableau 1 en annexe). Surtout, notre expérience démontre que, qu’elles soient initiées par l’État, les collectivités territoriales ou des

Avec la crise de 2008-2009,

la « gestion territoriale de l’emploi et des compétences » (GTEC) est devenu le mot d’ordre et la bannière sous laquelle se rangent de multiples initiatives.

acteurs économiques (organisations profes-sionnelles ou paritaires), elles butent très fréquemment sur la difficulté à mobiliser les entreprises, qui sont pourtant, ou de-vraient être, les principales intéressées : les TPE et PME par manque de disponibilité et défaut d’organisation de leur fonction RH ; les grandes entreprises majoritairement par réticence à partager des informations sur leurs choix stratégiques à moyen terme, sans lesquelles toute démarche de GPEC (interne ou territoriale) est vouée à se heur-ter à un « voile d’ignorance ».

Au final, le bilan en demi-teinte du mou-vement de territorialisation des politiques d’emploi et de formation doit inciter à in-vestiguer davantage les conditions de réus-site de ces démarches. Or, si les nombreux travaux d’évaluation et de capitalisation menés jusqu’ici pointent à juste titre les modalités de mise en œuvre et les proces-sus de conduite de ces politiques territo-riales, ils restent généralement muets sur les conditions de mobilisation des entre-prises et sur les facteurs qui pourraient inciter ces entreprises à être davantage parties-prenantes de ces démarches.

Le bilan en demi-teinte du

mouvement de territorialisation des politiques d’emploi et de formation doit inciter à investiguer davantage les conditions de réussite de ces démarches.

CHAPITRE 2

Quand l’entreprise investit dans les ressources

Dans le document L'industrie jardinière du territoire (Page 38-43)