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Malgré la singularité des parcours de chaque artiste étudié.e dans ce travail, certaines de leurs trajectoires se croisent parfois autour de projets et d’engagements communs. Certain.es artistes sont amené.es à partager le terrain lors de manifestations voire à partager la scène. Par exemple, l’organisation de deux concerts par Talib Kweli à Ferguson, Missouri, dans le but de collecter des fonds pour la famille endeuillée de Michael Brown, s’est accompagnée d’une participation de Tef Poe et de Jasiri X. Les trois artistes se sont également réunis lors de manifestations dans les rues de Ferguson. Voici les portraits de chaque artiste étudié.e dans ce mémoire :

Aisha Fukushima

Aisha Fukushima est une chanteuse, oratrice, éducatrice et activiste rap (raptivist). Née à Seattle, Washington, et originaire de Yokohama au Japon, elle puise son inspiration artistique et activiste dans un engagement social global s’articulant depuis 2009 autour de son projet hip-hop, RAPtivism. Dans le cadre de ce projet, Aisha Fukushima travaille à établir des connexions et des collaborations entre les travaux d’activistes et d’artistes socialement engagé.es dans plusieurs pays. Son premier album, RAPtivism, est une compilation réalisée en collaboration avec vingt artistes engagé.es dans différents pays. Son plus récent album, The Cypher, est sorti en 2016.

L’engagement social d’Aisha Fukushima est guidé par la conviction que la culture est un outil favorable à l’émancipation à l’égard de l’oppression et à la libération à travers l’expression : « we don’t write verses, we write universes », affirme-t-elle. Marquée par ses expériences du racisme et par la violence des oppressions qu’elle a vécues, l’artiste a choisi la voie artistique et sa passion pour la musique afin d’inspirer, d’éduquer et de cultiver la pensée critique et l’empowerment chez

autrui. « [C]ulture can contribute to universal efforts for freedom and justice by challenging apathy with awareness, ignorance with intelligence, and oppression with expression », peut être considéré comme son mantra.

Aisha Fukushima est détentrice d’un diplôme universitaire en rhétorique et études cinématographiques, littérature française et études de genre décerné en 2009 par le Whitman College.

FM Supreme

Jessica Disu, aussi connue sous le nom de scène FM Supreme, est une poète, artiste, activiste et éducatrice originaire du West Side de Chicago, Illinois. Alors qu’elle grandit dans une maison d’accueil où elle est demeurée durant plus de quatre ans, elle commence à rapper à l’âge de 10 ans. Inspirée par les artistes rap qui l’entourent, elle considère sa pratique artistique comme une thérapie lui ayant permis d’exprimer et de partager ses expériences. Après un passage au département de Business & Entrepreneurship de l’Université de Chicago, FM Supreme consacre désormais son engagement aux jeunes auprès desquel.les elle travaille à Chicago afin de cultiver leur imagination et leur esprit créatif. Enrichie de sa relation avec Dieu, elle considère que son rôle est de servir les jeunes et les jeunes femmes en leur permettant de s’exprimer et de prendre leur place.

Convaincue que le partage d’expériences à travers l’art a le potentiel de créer des connexions et d’entrer en résonance avec les expériences d’autrui, FM Supreme construit et développe son activisme à travers ses relations avec les jeunes qu’elle côtoie et les organisations avec lesquelles elle travaille. Son objectif est d’offrir des solutions à la violence qui affecte sa communauté dans la ville de Chicago, et d’utiliser la pratique musicale afin de promouvoir la paix et la non-

violence. Bien que FM Supreme n’ait pas produit d’album à ce jour, elle est l’auteure de nombreux raps qu’elle partage sur la plate-forme musicale Soundcloud. Sa chanson Still Believe a été produite sous la forme d’un vidéoclip en collaboration avec la chaîne de télévision ABC7 Chicago dans le cadre d’une campagne de service public.

Jasiri X

Jasiri X situe l’origine de son engagement activiste à travers l’art en 2006, dans la foulée de la controverse Jena 6 ayant émergé à la suite d’une violente altercation entre un étudiant blanc et six étudiants noirs dans une école secondaire de Louisiane. Né à Chicago, mais mobilisé sur le terrain de Pittsburgh, Pennsylvanie, à travers son organisation 1Hood créée l’année précédant la controverse, Jasiri X a produit sa première chanson engagée nommée « Jena 6 », mise en circulation sur le réseau social MySpace et destinée à sensibiliser, conscientiser et organiser autour des violences vécues par les personnes noires. Selon Jasiri X, « The Jena 6 was really the first social media movement ». Encouragé par sa communauté à poursuivre son engagement social à travers sa musique depuis ces événements, Jasiri X a successivement dénoncé les disparités économiques aux États-Unis, le complexe militaro-industriel et ses mécanismes, le profilage racial, la brutalité et l’impunité policière.

Son premier album Ascension, sorti en 2013 sous l’étiquette Wandering Worx Music, jette un regard approfondi sur ces enjeux. Dans son dernier album Black Liberation Theology, sorti en 2015 sous l’étiquette 1Hood Media, l’artiste exprime ses pensées, ses idées et ses convictions vis- à-vis de la libération des personnes noires, en s’inspirant de l’engagement historique des femmes dans les luttes sociales, mais aussi de la place et du rôle des enfants dans les communautés noires aux États-Unis. En septembre 2016, Jasiri X a produit, en collaboration avec les rappeuses

Sa-Roc et Blak Rapp Madusa, et le rappeur Quadir Lateef, une chanson nommée P.O.W.E.R. (People Oppressed Will Eventually Rise) destinée à soutenir le joueur de football Colin Kaepernick. Ce dernier est devenu très médiatisé après s’être assis et agenouillé à plusieurs reprises, plutôt que de se lever, durant les hymnes nationaux entendus avant les matchs de football, dans le but de protester contre l’oppression systémique des personnes noires et racisées aux États-Unis.

Jasiri X est fréquemment invité à participer à des tables rondes dans des universités, et il a reçu un doctorat honorifique de la Chicago Theological Seminary en 2016 pour son engagement social et communautaire.

Talib Kweli

Né à Brooklyn dans la ville de New-York, Talib Kweli Greene est aujourd’hui l’auteur de sept albums solos et de nombreux albums collaboratifs, dont l’album Mos Def & Talib Kweli are Black Star produit sous l’étiquette indépendante Rawkus Records et sorti en 1998. L’artiste fonde sa propre étiquette Blacksmith Records en 2005, qu’il fermera en 2012 avant de lancer une nouvelle étiquette en 2013 : Javotti Media.

Ayant grandi dans une famille de professeur.es, il a été sensibilisé à la pensée critique dès son enfance. Il est plus tard passé par l’Université de New-York où il a suivi un programme de théâtre expérimental. Au-delà de sa production musicale, Talib Kweli est présent sur les réseaux sociaux, à travers lesquels il maintient une proximité avec ses fans, et sur lesquels il entame fréquemment des discussions sur le racisme. Il rédige également des articles sur des plates-formes telles que Mic ou Medium où il s’exprime sur des enjeux sociaux, politiques et culturels. Sa notoriété internationale s’étant construite autour de son engagement social et de son activisme, l’artiste est

fréquemment l’invité de journalistes et de différents médias tels que CNN, MSNBC ou RT afin de commenter l’actualité musicale et politique. Sur le terrain, il est membre de l’organisation Dream Defenders.

Tef Poe

Tef Poe est un rappeur de Saint-Louis, Missouri, ville voisine de Ferguson. Il est l’auteur d’une trilogie d’albums nommés War Machine I, II et III. Dans son plus récent album Black Julian, Tef Poe formule des commentaires sur le climat politique contemporain aux États-Unis.

Au-delà de sa production musicale, Tef Poe est le cofondateur de l’organisation Hands Up United avec Ahsley Yates. L’organisation est impliquée dans la libération des personnes noires, « brown38 », et pauvres à travers l’éducation, la pratique artistique, la revendication sociale, la

désobéissance civile et les pratiques agricoles. Par ailleurs, Tef Poe est l’auteur d’une tribune tenue entre le 1er mai 2012 et le 5 août 2015 au Riversfront Times, un magazine hebdomadaire de

la ville de Saint-Louis, dans lequel il s’exprime sur des sujets relatifs au hip-hop, aux enjeux de race et de genre, à la politique et aux manifestations citoyennes. Il est également fréquemment invité par des médias locaux, nationaux et internationaux tels que Sway in the Morning, l’émission radiophonique du rappeur Sway Calloway, ou BBC News et Channel 4 en Angleterre afin de s’exprimer sur ses expériences et ses perspectives sur le racisme.

Durant l’année universitaire 2016-2017, Tef Poe est fellow (invité) au Charles Warren Center for Studies in American History à l’Université de Harvard, Massachusetts.

38 La terminologie anglophone est ici conservée dans la mesure où aucune traduction n’est utilisée en français pour qualifier la pigmentation de la peau désignée en anglais par le terme « brown ».