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Exposition des conceptions

6.4 Portraits d’enseignants-formateurs

Dans un premier temps, je situe les six formateurs en donnant quelques indications biographiques. Ces informations succinctes visent à contextualiser d’où ces personnes parlent en les situant dans la population de référence (tableau 7, chapitre 5). Dans un second temps, je restitue leurs propos en me focalisant sur les questions et les hypothèses de recherche. J’effectue tout d’abord une analyse horizontale, portrait par portrait (section 6.4.1), pour, ensuite, confronter ces six portraits dans une analyse transversale (section 6.4.2).

Selon Boutin (1997), l’attribution d’un titre aux portraits, la mise en évidence de certains passages des entretiens jugés importants et le regroupement des portraits constituent déjà un travail d’analyse et d’interprétation, comme l’est la présentation d’extraits d’entretiens au travers d’une codification dans l’analyse croisée (section 6.3).

De ces six portraits, des généralisations ou des conclusions quant à d’éventuelles proportions d’expression des opinions émises par les personnes interrogées ne peuvent, naturellement, pas être tirées. Pourtant, les propos relevés expriment, à mon sens, une certaine représentativité d’un type de positionnement du corps des formateurs de chaque institution par rapport à la problématique d’étude, au travers de la réflexion menée sur leur activité professionnelle. Contrastés, ces portraits proviennent d’enseignants- formateurs différents, tant par leurs parcours professionnels que par leurs caractéristiques personnelles, tels l’âge, le sexe et le vécu. J’ai choisi ces six personnes parce qu’elles n’entretiennent pas nécessairement le même rapport à leur profession. Mais, au-delà de cette singularité des parcours et des réflexions individuelles, des traits communs émergent. J’ai affaire à des professionnels au sens premier du terme, capables d’analyser et de questionner leur profession, de s’interroger et de se remettre en question, afin de nourrir la réflexion sur leurs propres expériences.

6.4.1 Analyse horizontale, portrait par portrait

Afin de faire émerger la singularité de chaque portrait, la place et le rôle accordés, par ces formateurs de l’EPS et de l’ENI, à l’auto-évaluation de leurs étudiants en situation de stages sont mis en exergue autour de deux volets thématiques liés à mes hypothèses de recherche (section 4.1, figure 3) :

• les conceptions et pratiques ; et • le contexte institutionnel.

La centration sur deux thématiques me permet de condenser les portraits pour en ressortir la cohérence individuelle et en dégager l’unité. Il s’agit d’une analyse horizontale mettant en évidence les particularités de six enseignants-formateurs par rapport à ces deux thématiques. En parallèle à cette énonciation des éléments décrits par les personnes interrogées, j’interprète leurs propos, puis je conclus chaque portrait par un bref commentaire général. Bien qu’étant en lien avec mes questions et hypothèses de recherche, ces commentaires résultent néanmoins d’un choix personnel de quelques éléments-clés tirés des propos tenus lors des entretiens par les six enseignants- formateurs.

6.4.1.1 Véronique : une explicitation authentique. 80

(entretien 6, EPS)

Agée de 42 ans, responsable de programmes à l’école du personnel soignant de Fribourg (EPS), Véronique assurait, en 2001, le suivi en enseignement clinique de plusieurs stagiaires en formation professionnelle. Infirmière de formation de base, elle travaillait depuis douze ans en tant qu’enseignante-formatrice en soins infirmiers à l’EPS de Fribourg au moment de notre entretien. L’année de notre entrevue, elle était au bénéfice d’un 60 % d’activité professionnelle. S’exprimant avec assurance, ne marquant aucune hésitation dans ses réponses, à la fois précises et concises, Véronique se montre à l’aise avec la thématique traitée dans l’entretien.

Place et rôle de l’auto-évaluation : conceptions et pratiques.

Considérant l’auto-évaluation comme faisant partie d’une compétence professionnelle en soins infirmiers, Véronique voit dans son usage en situation de stages une capacité du formé à réguler son processus d’apprentissage après avoir pris conscience de ses forces et de ses faiblesses. Elle réfute l’idée d’une auto-évaluation de l’étudiant répondant à ses attentes de formatrice ou ayant pour objectif une intériorisation de ses valeurs d’enseignante à l’EPS. Cependant, elle reconnaît définir ici une conception idéale de l’auto-évaluation. Or, Véronique confie atteindre rarement, dans ses pratiques habituelles, la mise en place d’une telle auto-évaluation avec le stagiaire en formation, ce dernier n’étant pas toujours à même d’entrer dans un questionnement quelque peu déstabilisant. Véronique insiste, tout au long de l’entretien, sur l’attention respectueuse qu’elle porte à encourager et à favoriser une ‘explicitation authentique’ des actions professionnelles du stagiaire en formation. Partant de là où en est l’étudiant, de ce qu’il est et de ce dont il veut parler, elle se refuse à toute ingérence, adoptant toutefois un questionnement ciblé, pointu, sans jugement de valeurs.

Pour moi, c’est une question de respect de la personne. C’est la limite entre accompagner pédagogiquement, et puis, faire autre chose, de l’intrusion ou de la thérapie. (...). Je supporte très mal qu’on vienne me harceler dans des zones où j’ai pas envie de dire... que je n’ai pas envie de harceler l’autre.

Je ne les juge pas, eux. J’essaie d’être extrêmement vigilante par rapport à ça.

Privilégiant une logique d’auto-questionnement en auto-évaluation, Véronique souhaite, avant tout, que l’étudiant s’exprime sur son rôle de futur professionnel de la santé. Elle désire que le formé dépasse la seule analyse de son action en référence aux objectifs de l’école et qu’il ne se limite pas à répondre à ses attentes de formatrice, donc à celles de l’institution dont elle est membre. A son avis, l’étudiant qui se contente d’une telle auto-évaluation de sa pratique professionnelle, en reste à un auto-contrôle stérile qui ne l’implique pas en tant que personne au service des patients. Elle voit, dans la réponse aux seules attentes des formateurs, une stratégie qui freine l’authenticité et la spontanéité.

J’ai l’impression qu’il faut développer le langage propre de la personne, et, après, utiliser un langage plus technique, plutôt que le contraire, d’arriver avec des objectifs et que les gens essaient d’ânonner un langage qui n’a pas été vécu et transformé.

80 Les prénoms des différents portraits sont fictifs, mais les personnes sont authentiques. Ils

correspondent à la numérotation adoptée dans le tableau 7 du chapitre 5. Les titres, attribués à chaque portrait, résultent des impressions générales ressenties à la lecture des entretiens. Ils synthétisent les différentes conceptions de l’auto-évaluation développées par les six enseignants-formateurs ‘portraiturés’.

Les moments où je les trouve vraiment authentiques (...), c’est quand ils ont été confrontés à un échec. (...), on leur demande une réflexion sur : « Où j’en suis ? Qui je suis ? ». Là, je les trouve, en général, très authentiques parce que la stratégie qu’ils avaient développée jusqu’à maintenant, de ne pas se dévoiler, se dire à soi-même ce qui ne va pas, les a amenés à un échec.

Afin d’aider l’étudiant à dépasser la seule analyse de ses actes professionnels en référence à des objectifs institutionnels de formation, Véronique lui fournit des pistes de réflexion fondées sur des questions générales par rapport au métier d’infirmier ; questionnement auquel elle lui demande de réfléchir régulièrement, tout comme le fait également son homologue Annie à l’ENI (section 6.4.1.5). Véronique souhaite que le stagiaire concentre son regard critique avant tout sur ses forces et non pas sur ses manques. Outil servant à acquérir une certaine lucidité sur sa pratique professionnelle, l’auto-évaluation permet au formé de se regarder en face afin de se diriger au mieux dans son parcours de formation, puis dans sa profession. Son rôle de formatrice en enseignement clinique consiste à favoriser le développement de cette méta-position, de cette réflexivité permettant à l’étudiant de faire face à toute situation nouvelle. Selon elle, il s’agit là d’une exigence actuelle du métier d’infirmier, autorisant l’évolution personnelle et professionnelle.

Pour Véronique, l’auto-évaluation ne saurait exister sans le miroir de l’autre, sans un nécessaire passage par l’hétéro-évaluation. Dans cette optique, elle considère l’auto-évaluation comme étant étroitement liée à l’évaluation externe, requérant une confrontation aux autres, en l’occurrence aux formateurs de l’école du personnel soignant et aux référents de stages. Véronique estime l’auto-évaluation de l’étudiant indispensable à son travail d’accompagnement des stagiaires en situation pratique.

(…), elle est utile si je conçois mon travail comme les aider à faire un pas ou deux dans la direction de leur acquisition de compétences professionnelles. S’ils ont pu mettre des mots où ils en sont maintenant et décrire un petit peu le chemin qu’il leur reste à faire pour aller un petit bout plus loin, et bien, j’ai fait mon boulot, en tous cas en enseignement clinique.

Bien qu’elle ne formalise pas de contrat écrit avec ses étudiants, Véronique accorde une importance particulière à l’explicitation de son rôle dans l’enseignement clinique, ainsi qu’à celle du sens et de l’importance attribués à l’auto-évaluation dans la formation en soins infirmiers.

Place et rôle de l’auto-évaluation : contexte institutionnel.

Véronique affirme ne pas avoir suivi de formation spécifique à l’auto-évaluation, tout comme d’ailleurs à l’enseignement clinique. Elle dit s’être formée par la pratique, par l’expérience, trouvant des pistes et des réponses à ses questions en divers endroits : dans la controverse avec ses collègues, en formation continue, ou encore dans des lectures spécialisées.

Bien que l’auto-évaluation fasse partie des discours au sein de l’école du personnel soignant (EPS), Véronique estime qu’il n’y a pas vraiment d’attentes institutionnelles en la matière. Pour elle, l’auto-évaluation de l’étudiant, en situation de stages, n’est pas formellement déclarée comme une capacité attendue par l’institution de formation à laquelle elle appartient ; ce, malgré le fait que l’ensemble du corps des enseignants-formateurs de l’EPS partage l’idée que tous les étudiants doivent être capables de s’auto-évaluer au terme de leur parcours de formation initiale. De l’avis de Véronique, les formateurs ne possèdent pas de conceptions communes en ce qui concerne la place et le rôle à accorder à l’auto-évaluation de l’étudiant en situation de stages. Pour exemple, elle cite le fait que certains enseignants-formateurs ne respectent

pas nécessairement l’intimité des étudiants, se permettant de les questionner sur des éléments de leurs pratiques dont ils ne souhaitent pas parler. Véronique considère cette intrusion comme un ‘viol’, l’enseignant-formateur n’ayant pas à jouer un rôle de psychothérapeute.

Véronique évalue formativement la capacité d’auto-évaluation des stagiaires tout au long de leur parcours de formation professionnelle, l’école ne s’étant, selon elle, pas dotée des moyens nécessaires à une évaluation sommative de l’auto-évaluation.

Commentaire.

Trois ans après l’interview, Véronique affirme se retrouver encore parfaitement dans son portrait, n’y apportant que quelques commentaires et modifications, directement intégrés dans le texte.

Il est intéressant de relever chez Véronique une conception de l’auto-évaluation qui va au-delà de l’auto-contrôle, privilégiant l’auto-questionnement, notamment le sens donné aux pratiques professionnelles en situation de stages. Elle dissocie clairement les deux processus (auto-contrôle et auto-questionnement) en soulignant que l’école du personnel soignant (EPS) n’encourage pas vraiment les pratiques d’auto- questionnement, étant donné qu’elle impose aux étudiants ses normes et ses objectifs (annexe 1), auxquels ils se doivent de répondre dans une logique d’auto-contrôle. Véronique fait, ainsi, état d’une conception et de démarches d’auto-évaluation à l’intention des étudiants, en situation de stages, allant au-delà des conceptions et des pratiques d’auto-évaluation généralement présentes à l’EPS. Néanmoins, elle reconnaît ne pas toujours parvenir à mettre en œuvre des démarches d’auto-évaluation en accord avec ses conceptions, non pas à cause d’éventuelles pressions institutionnelles, mais en raison des difficultés rencontrées par certains étudiants à entrer dans une réflexivité aux fortes implications personnelles. Véronique se sent parfaitement libre de mettre en place des démarches favorisant l’auto-évaluation des étudiants en harmonie avec ses convictions personnelles, même si ses conceptions ne sont pas celles véhiculées par son institution d’appartenance. Pour elle, il n’existe d’ailleurs pas de culture partagée, ni de culture de formation en auto-évaluation au sein de l’établissement de formation professionnelle en soins infirmiers dans lequel elle travaille.

Au cours de l’entretien, Véronique parle peu de ses collègues de l’école du personnel soignant (EPS), ne faisant référence à ceux-là qu’en vue de situer institutionnellement certaines de ses conceptions personnelles, grâce à leur explicitation. Elle estime que l’EPS n’a pas eu de réelle influence sur ses conceptions et ses démarches d’auto-évaluation à l’intention des étudiants en situation de stages. En quelque sorte, Véronique se positionne à l’extérieur de l’institution, considérant son identité professionnelle acquise avant tout au travers de ses expériences professionnelles et de son parcours de formation. Pour elle, la réflexivité liée à l’auto-évaluation compose une exigence du métier, constitutive de l’identité professionnelle de tout infirmier, tout comme de l’identité professionnelle dans d’autres ‘métiers de l’humain’. Elle exprime des conceptions de l’auto-évaluation en lien avec son identité professionnelle d’infirmière et de formatrice dans le domaine de la santé.

6.4.1.2 Nathalie : une respectueuse attention.

(entretien 7, EPS)

Après avoir travaillé quelques années en tant qu’infirmière en psychiatrie, Nathalie a été engagée comme enseignante-formatrice à l’école du personnel soignant de Fribourg (EPS). Elle y assure divers enseignements en soins infirmiers ainsi que le

suivi en enseignement clinique de plusieurs stagiaires en psychiatrie, en handicap, en gériatrie et en soins à domicile. Agée de 32 ans, en mai 2001, lorsqu’elle a répondu à nos questions d’entretien, Nathalie travaillait depuis six années à l’EPS, étant au bénéfice d’un taux d’activité à 80%. Tout au long de l’interview, elle répond avec une grande concision aux questions posées, sans développer vraiment son propos, tout en paraissant à l’aise face aux différents aspects de la thématique abordée.

Place et rôle de l’auto-évaluation : conceptions et pratiques.

Nathalie conçoit avant tout l’auto-évaluation comme une capacité du formé à se remettre en question en portant un regard critique sur lui-même et en prenant conscience de ses forces et de ses faiblesses. A son avis, l’auto-évaluation du stagiaire ne doit en aucun cas être réduite à une intériorisation des valeurs des formateurs de l’EPS ou des référents de stages, encore moins correspondre à leurs attentes. Réfléchir sur sa pratique professionnelle, grâce à l’auto-évaluation, amène l’étudiant à se poser des questions fondamentales sur son fonctionnement et sur sa situation dans son parcours de formation. Pour Nathalie, l’auto-évaluation doit conduire le stagiaire à la formulation d’objectifs personnels de formation. Effectuée quotidiennement, elle lui permet de visualiser sa progression avec le recul nécessaire. L’auto-évaluation exige une formation et un entraînement régulier, afin d’atteindre à une pertinence et à une acuité de jugement. De l’avis de Nathalie, s’auto-évaluer passe nécessairement par l’hétéro- évaluation, par le regard de l’autre. Elle affirme exprimer ici une conception de l’auto- évaluation de l’étudiant, en situation de stages, qui correspond à ses pratiques effectives.

Si on veut vraiment aller en profondeur, il me semble qu’il faut quelqu’un qui puisse nous guider dans les bonnes questions.

Durant l’entretien, Nathalie insiste sur l’importance qu’elle accorde aux aspects affectifs et émotionnels liés à l’auto-évaluation de l’étudiant lors des stages en psychiatrie, en handicap, en gériatrie et en soins à domicile. Pour elle, la question du :

« Qui suis-je ? » est capitale dans ces différents types de soins infirmiers. Pour des

questions déontologiques, dans l’enseignement clinique en psychiatrie, Nathalie n’observe pas directement la pratique du stagiaire ; raison pour laquelle elle prête une attention particulière et accorde une importance-clé à l’auto-évaluation de ce dernier. Cette auto-évaluation est au service de l’étudiant, qui se doit d’en saisir pleinement le sens et l’utilité dans la construction de son identité professionnelle.

(...) dans une école comme celle-ci, on ne peut pas passer à côté [de l’auto-évaluation], car, on travaille avec soi, avec ses sentiments.

Dans ses conceptions, Nathalie restreint l’auto-évaluation à la seule logique d’auto-contrôle.

Les stagiaires s’appuient essentiellement sur les cinq fonctions de la CRS pour évaluer leurs apprentissages professionnels. Pour Nathalie, à l’image de sa collègue Véronique (section 6.4.1.1) et de deux enseignants-formateurs de l’école normale d’enseignants primaires de Fribourg (ENI) (section 6.4.1.4 & section 6.4.1.5), cette auto-évaluation du stagiaire, fondée sur des objectifs définis par l’institution de formation professionnelle, n’amène souvent pas grand-chose.

D’habitude, ils font cette auto-évaluation d’après un formulaire qu’on leur donne des cinq fonctions de la Croix-Rouge, et là, quand c’est spontané, ils disent généralement peu de choses. Ils reprennent les phrases notées et ils disent : « Pour cela : ça va bien ! Pour cela : ça va moins bien ! » (...).

Nathalie ne se satisfait toutefois pas de cette auto-évaluation en référence à des normes extérieures, non intégrées par l’étudiant. Elle dit aller plus loin, questionnant notamment le stagiaire sur son vécu dans la situation professionnelle observée. Cependant, elle reconnaît que ce questionnement déstabilise certains formés qui peinent à exprimer leur ressenti. Pour Nathalie, atteindre une ‘communication authentique’, entre enseignant-formateur et stagiaire, est extrêmement difficile au vu de leurs rapports hiérarchiques, asymétriques par essence. Devant cet enjeu de pouvoir, il lui semble que les étudiants sont mieux à même d’être vrais avec les référents de stages et les équipes soignantes qu’avec les enseignants-formateurs de l’EPS. Pour parer à cette difficulté de congruence relationnelle, Nathalie souhaiterait que les étudiants puissent choisir leurs enseignants-formateurs en fonction de leurs affinités, ce qui n’est malheureusement pas vraiment réalisable au vu des spécialités professionnelles en soins infirmiers de chaque formateur : gériatrie, pédiatrie, psychiatrie, soins à domicile, soins généraux, soins palliatifs, urgences...

Contrairement à ses collègues Véronique (section 6.4.1.1) et Monique (6.4.1.3), Nathalie estime, quant à elle, que les étudiants ont souvent tendance à se sur-évaluer en réalisant leur auto-évaluation. Or, elle souhaiterait qu’ils puissent exposer leurs lacunes en toute confiance, au même titre que leurs compétences acquises. Pour Nathalie, l’expression des manques est capitale dans une pratique professionnelle en psychiatrie, touchant essentiellement au relationnel et à l’émotionnel.

(...), ils veulent montrer leur savoir (...). (...), ils ont de la peine à dire : « J’ai du mal à communiquer. », alors qu’ils ont choisi un métier de communication... parce que ça renvoie à : « Qui suis-je et pourquoi j’ai de la peine ? ». C’est plus facile quand leurs difficultés touchent à la théorie. Mais, quand ça touche quelque chose de plus émotionnel, ça devient difficile.

A travers son expérience d’accompagnement, Nathalie s’est aperçue que les étudiants qui commencent leur formation professionnelle expriment plus aisément leurs difficultés et exposent plus volontiers leurs lacunes que les étudiants en fin de formation qui n’osent pas toujours le faire, placés qu’ils sont face aux enjeux relationnels mis en évidence précédemment.

Aux yeux de Nathalie, la ‘compétence’ d’auto-évaluation est essentielle à l’exercice du métier d’infirmier. Pour elle, la non maîtrise de cette ‘compétence’ conduit rapidement le jeune infirmier à une routine dangereuse, pouvant avoir des conséquences sur la survie même des patients dont il assure la responsabilité des soins. Il est donc indispensable qu’en formation professionnelle initiale en soins infirmiers l’auto- évaluation soit utilisée comme un outil au service de l’acquisition d’une compétence réflexive.

Tout comme son homologue Christine de l’école normale I (section 6.4.1.4), Nathalie différencie ses exigences en matière d’auto-évaluation en fonction du niveau scolaire des étudiants.

J’insiste de la même façon, mais je [ne] demande pas la même chose. J’en demanderai plus à quelqu’un qui a moins de difficultés, autant essayer d’aller plus loin.

Toutefois, Nathalie laissera une plus grande liberté dans la conduite de son auto- évaluation à l’étudiant à l’aise dans son travail qu’à celui en difficulté, qu’elle guidera de manière serrée. Dans les auto-évaluations qu’elle demande aux stagiaires, Nathalie