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Troisième partie Du bordar au cayolar, l’empreinte du « système à maison » en Soule

B. La grange ou borde connaît la même configuration que la

2.3. A la porte de l’estive, l’atandes construit le paysage

L’atandes construit par son activité les paysages de montagne et maintient un territoire à haute qualité écologique. En ce sens il engendre une externalité positive246 dont bénéficie la société toute entière du point de vue de l’écologie et à un autre niveau de lecture, l’économie touristique florissante. Enfin, la société atandes a su faire preuve tout au long de son histoire d’adaptabilité et de résilience pour maintenir un système et surtout une culture commune forte. Celle-ci trouve son expression dans les paysages de montagne que sont le bocage ou les villages et hameaux d’altitude. La pratique des terres collectives comme une impérieuse nécessité de survie et de résistance face à la propriété, fusse-t-elle syndicale, n’est pas étrangère au maintien et à la transmission de la danse, du chant, de la pratique de la langue basque dans sa variante dialectale souletine et d’un ensemble de savoirs : usage des plantes, des milieux…

Chant des bergers. Etxalte atandatik (les maisons atandes)247

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Ces différentes pratiques ont fait l’objet de fiche d’inventaire et de film dans le cadre du programme « Inventaire du patrimoine culturel immatériel » (P. Heiniger-Casteret dir.)

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« Lorsqu’une personne, par son activité, influence le bien-être d’une autre personne sans que cette dernière

reçoive ou paye une compensation pour cet effet. Quand cet effet est bénéfique pour le bénéficiaire, ou les bénéficiaires sur un territoire donné, on parle d’externalité positive ». Définition : ENGREF (Ecole Nationale

du Génie Rural des Eaux et Forets) Paris 2009.

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Tiré de la pastorale « Zumalakarregi Pastorala » Altzai / Lakarri. 1988.

Etant jeune, j’ai appris cela de mon père Qui, lui-même, le tenait de mon grand père Le Pays Basque a besoin de ses terres

Elles sont à nous comme elles étaient à nos parents La sagesse de nos ancêtres a toujours

Force de loi pour nos contemporains, Le bel héritage qu’ils nous ont transmis, Nous devons maintenant le préserver. Le riche étranger s’est installé chez nous, Voulant accaparer tous nos biens Il possède ce qui fut notre héritage,

C’est l’argent qui nous a fait perdre nos droits. C’est de bonne heure que j’ai renoncé à l’école,

Avec mon père j’ai commencé à travailler à la maison, Sachant que je devais me cramponner à la terre Pour obtenir un rendement suffisant.

Lorsque j’étais jeune, mon père m’avait dit : Garçon, regarde où se trouve ton travail ;

Certes, ton gagne pain, c’est la propriété familiale, Mais aussi, tout autour, les terrains communaux. Ce sont là les deux précieuses ressources Indispensables à notre subsistance. Nous tirons des pacages voisins Ce qui manque à nos propres terres.

Le paysage est devenu l’expression de cette culture et le territoire montagnard, parce qu’il reste encore aujourd’hui le lieu d’exercice de pratiques (dont la transmission perdure), propose une composition alliant Nature et Culture dans un écosystème maintenu en dynamique par la transmission d’un patrimoine culturel immatériel. Pour illustrer ce propos nous avons sélectionné un ensemble de photographies.

Figure 35. Paysages du feu : la crise, le repos, la régénérescence dans le quartier Sakartia de Larrau

Après le feu (figure 35) qui écarte les ligneux et détruit les veilles pousses d’herbe et les refus248, la végétation herbacée qui était en dormance reprend de la vigueur. Ce processus, qui consiste à cultiver l’herbe par le feu, s’applique depuis les landes les plus basses jusqu’aux estives les plus haute. Les paysages de pâtures couvrent la plus grande surface des terres d’élevage. C’est l’élément fort du paysage de montagne tant par le fait qu’il contribue à l’existence et au maintien du faciès écologique de la lande atlantique que parce qu’il est le reflet d’exploitation de l’espace et de ressources sur un mode collectif.

Figure 36. Du sart249 au bocage dans le quartier Saint Joseph de Larrau

Sur l’illustration de gauche (figure 36 ), dans la hêtraie exposée au Nord, à proximité et au sud du village, le bordalte actuel forme des îlots de prairies aux formes arrondies. Ils témoignent des anciens essarts dans lesquels des bordes du Moyen Âge auraient pu être habitées. Sur celle de droite, au fond et exposé au Sud, le quartier de Ekhibegi handia autrement dit l’œil du grand soleil, réunit tout un ensemble de borde-bordars du XVIIèmes., devenu aujourd’hui des maisons. Les prés et anciens champs sont séparés par des haies et des

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L’abroutissement des plantes par le bétail n’est pas homogène, lorsque les plantes sont souillées par les déjections, les animaux refusent de les consommer tant que l’odeur persiste. Ces plantes prennent la dénomination générique de refus.

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boisements de talweg qui forment ce paysage typique de bocage. Sur cette même image, entre les différentes montagnes, le bocage est lui aussi présent. On peut considérer que les parties exposées au Sud ont connu la pression pastorale le plus tôt. Elle a contribué à la création de pâtures plus ou moins embroussaillées en fonction de l’intensité de l’élevage (nombre de bêtes) et de la répartition des besoins en herbes, fougère, ajoncs, genêts, bois, de la séquence végétale la plus basse (herbe) à la plus haute (forêt).

Figure 37. Un parcours et des pâtures

A

B

Au plus près des maisons et autour des granges (A, figure 37), les prés intègrent le parcours du bas. Une rotation s’organise en fonction de l’espèce (bovin, ovin, équin) et de l’âge des bêtes par espèce. L’usage diminue en fonction de l’étirement du parcours vers les terres communes. Les landes pâturées (B) sont en partie transformées en prairie alors que les fougeraies font l’objet d’une véritable culture par une gestion raisonnée du pacage et elles persistent sur les sols profonds.

C

D

Dans une même journée, le parcours s’étend à la forêt (C), les ovins y prélèvent les jeunes pousses de myrtilles et diverses graminées, pour gagner ensuite l’estive (D).

A l’étage collinéen (en dessous de 900 m), celui des maisons, l’action de l’homme offre une grande lisibilité et c’est à dessein que nous utilisons le mot jardinage pour qualifier son travail (figure 38). Il illustre au mieux l’introduction des plantes exogènes (cultures céréalières, châtaigniers (C), légumes…), le déplacement de plantes endogènes (frêne, hêtre, noisetier et plantes médicinales (A) introduites dans l’enclos des maisons), la protection de plantes opportunistes (merisier, houx, houblon, buis) qui s’introduisent dans les haies (B), l’entretien des pairies et la fauche après grenaison qui perpétuent les assemblages de légumineuses et graminées (D).

Figure 38. Un jardinage incessant

B

C

D

L’étage montagnard (jusqu’à 1800 m) où l’impact de l’action anthropique est bien marqué réunit les pelouses de l’estive, des bois et des reliques forestières de la hêtraie sapinière. Le dégagement des estives par le feu a considérablement rabaissé l’emprise forestière, à sa place les cayolars et leurs parcours délimitent l’estive (figure 39).

Figure 39. Paysage d’estive : un cayolar vers Iguelou (Larrau)