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En fonction des époques et des origines le mot borde connaîtra plusieurs définitions suivant qu’il est utilisé seul ou accompagné du suffixe borda(ar). Le tableau 4 synthétise la diachronie des différentes utilisations du mot.

Tableau 4. Les différentes appellations des installations en montagne en fonction des périodes et organisations

Sources fiscales et documents d’archives familiales

Jusqu’au XVIème s. XVème - XVIéme s. XVIIème – XVIIIème s. XIXème s. Haut Moyen Âge :

Casau en bas de vallée et Ostau avec extensions

pastorales à la montagne pour l’élevage.

Origine des parsans.

Constitution de la Sauveté et de la grange de Larrau.

Passage progressif de l’élevage comme dominante de production à l’agro pastoralisme par le système des manses.

Bas Moyen Âge :

les bordes, nouvelles installations agropastorales à la montagne.

Installations pérennes en petits noyaux au sein des parsans. L’appellation maison pour certaines tenures pourrait rappeler qu’elles sont l’émanation directe des

casaus.

Fin du Moyen Âge et à partir du XVIème :

Affièvement en borde-

bordar.

Distinction des parsans, quartiers, lieux dits. La grange (exploitation agricole abbatiale) de Larrau occupe la quasi- totalité d’un parsan et les hans et surtout manans de la sauveté sont serviles.

Disparition des parsans mais les maisons d’un même parsan se retrouvent dans les rôles de la dîme.134

Ecrasante majorité de

borde-bordar et quelques

mentions de bordes dont l’une au moins pour traduire l’ancienneté et la nature d’une ferme : la

borde ou maison de

S’il n’y a pas de précision la borde est assimilée à une simple grange.

Le nom de la maison suivi de co-borda signale presque toujours une ferme. Les bordes simples sont qualifiées de

granges

Toutes les fermes deviennent des

maisons et c’est la

qualité de l’habitant, cultivateur ou non, qui atteste du statut agricole de la maison

Le statut du bordier va varier selon l’origine de la tenure, servile dans le système cistercien135 où les payeurs des dîmes sont dénommés ostanos dans l’acception médiévale du mot « hôte » pour signifier l’habitant, métayer lorsque le fief est détenu par une maison dominante, métayer toujours dans un contexte familial, lorsqu’un cadet ou surnuméraire va

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s’installer dans le bordalte. Dans ce même registre, les quatre maisons de Sainte-Engrâce, dépendantes des vingt anciennes maisons, s’apparentent aux botoyars136 dès leur origine.

A côté de ces statuts qui rappellent la fragilité voire la précarité d’une partie des

bordiers, nous trouvons le statut de tenancier direct. C’est le cas des nombreux censitaires

dont les contrats d’affièvements sont consentis par le Roi. Ces baux à emphytéose connaissent une échéance mais la longue durée (99 ans) favorise l’installation et conduit à l’appropriation. La mise en culture semble être la motivation essentielle de l’accès aux herms. La poussée démographique de la fin du XVIème s. et du XVIIème s. favorise cette colonisation. Car elle intervient dans un contexte de saturation des campagnes et des elgues qui permettent la mise en culture des terrasses alluviales mais aussi des communaux trop propices à la pérennisation de labakis et qui sont mis en défends par les communautés pour satisfaire au maintien du transfert de fertilité. Elles y récoltent la tuie137 et la fougère pour la litière du bétail, le bois de

chauffage138, alors que l’estive permet hors saison la décharge des champs autour des borde-

bordars.

Les modes d’obtention du fief dans les herms de Soule, outre l’affièvement direct, sont décrits dans le livre terrier. Les prieurs de la Sauveté de Larrau sont mandataires, ils tiennent des terres par affièvement royal à la montagne et ils en redonnent la jouissance aux hans et

manans qui doivent s’acquitter de la charge139. Pour faire face à la montée démographique, les prieurs agrandissent en quelque sorte le domaine de la grange, en devenant tenanciers de très petits lopins de terre (deux arpents) proches les uns des autres. S’ajoutent enfin les acquéreurs qui rachètent le fief, les successeurs qui reprennent le fief par affiliation et l’ayant droit, c'est-à-dire celui qui est dans la maison et qui passe du statut de métayer à celui de tenancier. Ces trois derniers cas de figure s’appliquent à Larrau, là où la pression sur les

herms par les borde-bordars a été la plus forte en Soule. Quel que soit le mode d’acquisition

ou le statut du tenancier, la motivation de la colonisation des herms reste commune à toutes ces installations de borde, borde-bordar et plus tard co borda.

Il existe une nette différence dans la répartition des borde-bordars. En Basse Soule, ils sont quasiment absents du livre terrier. L’appellation semble réservée à la montagne, pour y prendre sens et se multiplier lorsque les tenanciers approchent de l’estive. Celle-ci caractérisée par l’altitude, le climat, le relief et de vastes étendues de terre en majeure partie non appropriées mais exploitées par les habitants de la vallée va déterminer un mode de développement singulier d’exploitation. Le borde-bordar s’inscrit en effet majoritairement dans les parcours des maisons du bas de la vallée et quelquefois dans le prolongement direct de celles-ci. Les bordiers vont tirer profit de cette situation en jouant un rôle social au cœur de la société agropastorale souletine. Les maisons résultant de ce système de colonisation par extensification des modes de production adaptés à la montagne ont toujours occupé une place particulière entre deux autres sous-systèmes inclus dans l’écosystème cultivé : celui de l’estive caractérisé par l’existence de cayolars collectifs et celui totalement privé des maisons de la basse vallée.

Ces dernières, moins dépendantes des aléas climatiques et du relief montagnard, vivent sur la base d’une agriculture plus florissantes, les herms communaux fournissant des parcours d’inter-saison importants. En montagne, ces mêmes herms, modifiés par leur mise en culture du fait de l’existence des borde-bordars vont constituer l’exaltia, ne laissant qu’une faible 136

Tenures occupées par un botoy et dépendantes d’une maison (Cursente 1998).

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Appelée aussi tuya en langage vernaculaire. Il s’agit de l’Ajonc d’Europe (Ulex europaeus) des botanistes, espèce légumineuse qui colonise les pâtures et participe à l’alimentation des bêtes qui en consomment la pousse tendre (tuie blanche) de l’année. De Bortoli et al 2003.

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De Bortoli et al. 2003, 2006.

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étendue morcelée de landes communes au sein des maisons et à proximité immédiate, alors qu’au-delà les estives offrent de vastes surfaces herbagères accessibles au parcours journalier. Qui plus est, elles offrent une meilleure qualité fourragère parce que non soumises à ces altitudes (entre 1000 et 2000 m) à une forte pression des ligneux, qu’elles sont bien amendées par le passage du bétail et bénéficient d’un climat favorable aux graminées.

Figure 22. Le mitage des herms : Les parcelles communales relictuelles (en gris) restent présentes entre les espaces appropriés (en blanc)

Ces maisons en interface, formant un écotone140 du point de vue de l’écologie, sont des maisons atandes. Dans les pratiques et modes d’usages de la montagne qui leur sont spécifiques ainsi que dans leur positionnement par rapport aux transhumants venus des maisons du bas, se retrouve l’héritage des anciens bordiers. Par leur travail d’agropasteur, ils ont fortement impacté le paysage de Haute Soule qui rend compte de la culture atandes dans un territoire de montagne.

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L’écotone hérite des milieux qui lui sont adjacents auquel se rajoutent des éléments qui lui sont propres pour former un nouveau milieu.

Troisième partie. Du bordar au cayolar, l’empreinte du « système à